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Florence Gérard-Chalet : "Nous devons nouer des liens plus forts avec le secteur économique"

La toute nouvelle directrice générale de l’Epide (Établissement pour l’insertion dans l’emploi) présente à Localtis ses priorités. Après la difficile phase de confinement, les centres Epide rouvrent progressivement. L’urgence aujourd'hui est, selon Florence Gérard-Chalet, de remotiver des jeunes dont le parcours a été interrompu par la crise sanitaire et de renouer les contacts avec les acteurs économiques pour garantir des stages, élément indispensable de la reconstruction de ces jeunes volontaires et de leur insertion dans l’emploi.

Localtis - Pouvez-vous rappeler le rôle de l’Epide ?

Florence Gérard-Chalet- Place? sous la tutelle des ministères du Travail et de la Cohésion des territoires, l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, créé en 2005, est un acteur reconnu de l’insertion des jeunes de 18 a? 25 ans sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification professionnelle. Dans ses 19 centres, bientôt 20, quelque 2.000 jeunes sont accueillis en internat, dans un cadre structure?, ou? ils vivent les valeurs de la République au quotidien. L’originalité? du dispositif repose sur des équipes pluridisciplinaires qui garantissent au volontaire un accompagnement global, opèrent dans un cadre structurant d’inspiration militaire et offrent a? chaque volontaire un suivi personnalise?. Quand un jeune arrive à l’Epide sur la base du volontariat, l’idée est qu’il construise un parcours professionnel.

Pour quelles raisons avez-vous accepté le poste de directrice générale de l’Epide ?

Les fondements de l’Epide, à savoir qu’aucune personne n’est inemployable et que l’inactivité n’est pas une fatalité, correspondent aux convictions que je me suis forgée tout au long de mon parcours et que j’ai concrétisé dans mes engagements associatifs en développant notamment un pôle d’insertion par l’emploi pour des publics très éloignés de l’emploi. Directrice d’hôpital de formation, j’ai construit un parcours en administrations centrales (santé, personnes âgées, handicap), avec comme fil conducteur la prise en charge de personnes qui cumulent plusieurs niveaux de difficultés et la réduction des inégalités sous toutes leurs formes. Je suis convaincue qu’avec un accompagnement adapté, intensif et personnalisé, tout le monde peut être remis en selle, construire un projet professionnel et accéder à l’emploi.

Quelles sont vos priorités ?

Gérer la réouverture progressive des centres implantés dans toutes les régions et l’accueil tout aussi progressif des volontaires, car le nombre de places reste toujours limité du fait des règles sanitaires. D’ici à la mi-juin, tous les centres auront rouvert. La deuxième priorité est de relancer et poursuivre les chantiers d’extension et de création des centres à Alès-La-Grand’ Combe doté d’une capacité d’accueil de 150 places (Occitanie) et d’Avrillé (Maine-et-Loire). Ce dernier remplacera le centre de Combrée avec une capacité doublée (150 places). Dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), 255 nouvelles places seront ouvertes a? l’horizon 2022.

Comment les jeunes ont-ils vécu le confinement ?

Plutôt difficilement. Sans que l’activité ne s’interrompe totalement, tous les centres ont fermé le temps du confinement. Nous avons dû nous assurer que chaque jeune accueilli ait une solution d’hébergement, car une cinquantaine d’entre eux n’a pas eu la possibilité de retourner dans sa famille. Nos collaborateurs ont également veillé à maintenir le contact le plus proche possible avec nos jeunes volontaires et assurer leur suivi à distance. L’interruption de l’hébergement du jour au lendemain a été très perturbante pour ces jeunes. Certains l’ont vécu comme un échec et environ 200 ne donnent plus de nouvelles. D’autres ont saisi les nouvelles opportunités et ont été embauchés comme magasiniers en drive. Tout un travail doit être mené aujourd’hui pour accompagner ceux qui poursuivent l’aventure afin de maintenir leur motivation.

Redoutez-vous des difficultés pour relancer l’activité des centres Epide au regard de la crise économique qui se profile ?

La principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés est celle du report ou de l’annulation des stages notamment dans les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie/restauration. Beaucoup de nos partenaires nous ont signalé qu’ils n’acceptaient plus temporairement de stagiaires. Or, c’est un élément indispensable de la reconstruction de nos jeunes dans le cadre de leur projet professionnel. Un jeune qui décide de se lancer dans un parcours Epide, c’est aussi pour découvrir des secteurs d’activités. Il va nous falloir retisser des liens avec nos partenaires et faire en sorte qu’ils continuent à faire confiance à nos volontaires.  

Sauf que les entreprises vont devoir gérer leurs propres urgences ?

Certainement. Cependant, les équipes de l’Epide relancent les partenariats avec les entreprises et les contacts pour identifier au cas par cas et localement quelles sont celles qui continueront à prendre des stagiaires. Nous allons réorienter les jeunes vers des secteurs plus porteurs par exemple l’aide à la personne et tout mettre en œuvre pour continuer à leur donner confiance. L’essentiel est la qualité des partenariats avec les entreprises, et aussi la qualité de la prise en charge et des compétences des jeunes en sortie d’Epide. À l’Epide, ils récupèrent des repères et un cadre, ils acquièrent des compétences, des savoir-faire et un savoir-être collectif, qui sont autant d’atouts pour les entreprises.

Prévoyez-vous une évolution de l’accompagnement par l’Epide ou un redimensionnement de ses capacités d’accueil pour l’adapter à ce nouveau contexte ?

Les séjours initiaux sont de 8 mois en moyenne avec un suivi de plusieurs mois à la sortie. Nous nous interrogeons en effet sur les conséquences de la crise sanitaire puis économique, et son impact sur notre offre de service. Il faut aussi savoir que notre marque de fabrique est l’accompagnement personnalisé et adapté aux besoins du jeune. Nos objectifs en termes de nombre de jeunes accueillis ne sont pas remis en cause et encore moins revus à la baisse. Un de nos souhaits est de développer l’accueil des jeunes filles qui ne représentent que le quart des volontaires. La mixité est un facteur stimulant.

Que deviennent les volontaires à l’issue de leur séjour dans un centre Epide ?

60% sont insérés en emploi durable ou en formation qualifiante et donc 40% n’ont pas de solution. Nous devons améliorer ce résultat qui reflète deux choses : d’une part que l’Epide s’adresse à des jeunes qui n’ont pas de formation et sont en perte de repère, d’autre part que le parcours de l’Epide est très exigeant (discipline, beaucoup de collectif, apprentissage scolaires et métiers). La conjonction des deux - des jeunes en grandes difficultés et une exigence forte - peut faire qu’un certain nombre ne sont pas prêts à aller au bout du parcours. Et inversement, la qualité de la prise en charge et la capacité d’un jeune qui sort de l’Epide à entrer dans l’emploi sont une garantie pour les entreprises et pour les jeunes eux-mêmes Epide. Il faut à la fois conserver cette qualité et voir comment progresser sur nos sorties positives. L’une des pistes consiste à nouer des liens plus forts avec le secteur économique. Nous devons aussi éviter autant que faire se peut les sorties anticipées en étant encore plus vigilants au moindre signal faible de découragement identifié.

 

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