Forfait d'externat : près de 900 millions d'euros non versés par les collectivités

La Fédération nationale des organismes de gestion de l'enseignement catholique pointe un manque à gagner de 882 millions d'euros pour 2024 au titre du forfait d'externat. Son président demande aux collectivités de respecter la loi et de publier leurs grilles de calcul. Le Réseau français des villes éducatrices est vent debout contre cette réclamation.

882 millions d'euros, c'est la somme que les collectivités territoriales n'ont pas payée au titre du forfait d'externat en 2024, selon la Fédération nationale des organismes de gestion de l'enseignement catholique (Fnogec), qui a présenté une étude sur ce sujet lors du Salon des maires. Le forfait d'externat, évalué à partir de l'ensemble des dépenses de fonctionnement assumées pour les écoles publiques, est dû aux établissements privés sous contrat au titre de leur contribution au service public de l'éducation. Il n'est donc "pas une subvention mais un mécanisme de financement public porteur d'une intention d'équité", souligne la Fnogec. 
Dans le primaire, le forfait est dû par la commune d'implantation de l'école pour les élèves résidant sur son territoire ou par la commune de résidence ne disposant pas d'école publique pour les élèves domiciliés dans une autre commune que celle où est implantée l'école. De leur côté, collèges et lycées privés perçoivent, respectivement de la part des départements et des régions, une contribution correspondant au coût moyen des dépenses de fonctionnement matériel afférentes à l'externat des établissements publics et une contribution calculée en référence au coût moyen de la rémunération des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) affectés à l'externat des établissements publics.

Selon les simulations réalisées par la Fnogec, le montant global versé par les collectivités au titre des forfaits s'élevait en 2024 à 1,96 milliard d'euros. Un montant jugé "inéquitable", notamment parce qu'"un peu moins d'un milliard d'euros manque chaque année pour aboutir à l'égalité réelle dans laquelle un enfant égale à un forfait calculé au juste niveau". Dans le détail, 609 millions d'euros représentent "l'insuffisance du forfait au regard de la dépense publique réelle par élève" et 270 milliards représentent "l'iniquité du non-financement des élèves extérieurs à la commune".

Un problème qui devient "systémique"

Pourquoi une telle différence entre le principe posé par la loi et la réalité ? Joint par Localtis, Pierre-Vincent Guéret, président de la Fnogec, évoque des textes "pas clairs" et des modes de calcul "opaques". Ce flou tient en grande partie à l'absence de comptabilité analytique qui "aboutit à n'imputer que les charges directes des écoles, collèges ou lycées publics dans une fonction comptable dédiée", tandis que "le reste, y compris les charges de personnel, figure dans un grand fourre-tout". Il en résulte "une impossibilité de connaître de façon précise et fiable" le coût des élèves du public.

Pour Pierre-Vincent Guéret, "quand on a un écart de 20 à 30%, soit on se trompe par reproduction d'un modèle historique, soit parce qu'on a envie de baisser volontairement la somme". Le président de la Fnogec argumente : "Quand on analyse les rapports des DGFIP [Finances publiques] sur nos établissements, pour le même périmètre, on dépense systématiquement bien plus que le forfait, et on n'est pas trop gourmands en dépenses. L'autre preuve, ce sont les rapports des chambres régionales des comptes [CRC] qui s'empilent. On a systématiquement des montants [de coût par élève dans le privé] largement au-dessus des forfaits. Au bout d'un moment, ça devient systémique comme problème."

"Le rapport de la CRC, on s'en fout !"

Face à cette situation, les Ogec se trouvent, soit face à des collectivités "très compréhensives", soit face à des collectivités qui affirment : "Le rapport de la CRC, on s'en fout [sic] !" "À ce moment-là, regrette Pierre-Vincent Guéret, on est dans une impasse. Le seul recours est de se tourner vers le préfet ou vers des actions au contentieux qu'on engage de temps en temps." Autre solution : le conventionnement. "On n'a pas besoin d'une convention pour verser un forfait, souligne Pierre-Vincent Guéret, mais elle permet de réaligner progressivement le forfait ou de tenir compte des économies qu'engage la commune. Cela peut nous amener à dire : 'On n'est pas au niveau, mais on accepte les efforts partagés.'" 

Pour aller plus loin, la Fnogec propose d'abord une "régulation nationale" qui prendrait la forme d'un seuil de forfait minimum. Sa deuxième proposition consiste à publier la grille de calcul des collectivités. "Je suis persuadé que cela faciliterait le dialogue, conclut Pierre-Vincent Guéret. Pour les collectivités qui ont des forfaits manifestement trop bas, il est temps de reprendre un dialogue sérieux. Ce sera toujours mieux que la voie contentieuse. Mais s'il faut en passer par là, on ira par là, parce que 900 millions d'euros par an, 400 euros par famille, on n'est plus dans l'épaisseur du trait." 

Le Réseau français des villes éducatrices (RFVE) a réagi dans un communiqué du 21 novembre. "C'est une réalité, les forfaits communaux sont différents selon les territoires : c'est le reflet du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, affirme-t-il. Les villes du réseau [...] n'acceptent pas que soit remise en cause leur honnêteté dans le respect de la loi Debré de 1959 [...]." Le RFVE termine en demandant "de voir le financement de l'enseignement privé repensé pour inclure plus de contrôle et une modulation dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens".

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis