Forum mondial de l'économie sociale et solidaire : à Bordeaux, un appel en faveur d'une "économie de la paix"

L'économie sociale et solidaire a obtenu une "forte reconnaissance internationale" entre 2021 et 2024 mais fait face à la fois à un manque de moyens et à un climat de tensions défavorables aux dynamiques de coopération. Réunis à Bordeaux lors d'un sommet mondial, plusieurs milliers de partisans de l'ESS ont néanmoins affiché leur détermination à poursuivre leurs actions en faveur d'une économie durable sur les plans environnemental et social et ont appelé les autorités à les soutenir. Le Mois de l'ESS de la France a été lancé à cette occasion. 

Malgré des vents contraires, "l’avenir n’est pas écrit", ont clamé les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) dans une "déclaration de Bordeaux" adoptée la semaine dernière, lors du sommet mondial qui les réunissait. La septième édition du Forum mondial de l'économie sociale et solidaire (ESS) s'est en effet tenue à Bordeaux du 29 au 31 octobre 2025, réunissant quelque 7.800 personnes dont 4.500 venues de l’international (la déclaration évoque 907 villes et 109 pays). 

L'événement était organisé par la ville de Bordeaux avec les autres collectivités du territoire (métropole, département de la Gironde, région Nouvelle-Aquitaine) et la Chambre régionale de l'ESS (Cress), en lien avec le secrétariat général du GSEF (Global forum for social and solidarity economy, organisation internationale de gouvernements locaux et de réseaux de la société civile engagés dans la promotion de l'ESS, actuellement présidé par le maire de Bordeaux) et en partenariat avec des acteurs tels que la Banque des Territoires. 

"Des entreprises qui réconcilient économie, justice sociale et tempérance écologique"

"Nous sommes l'économie de la paix", a affirmé à cette occasion Benoît Hamon, président d'ESS France, citant la devise de l'Organisation internationale du travail (OIT) "si vous voulez la paix, cultivez la justice sociale". Celui qui dirige l'ONG de soutien aux réfugiés Singa présente l'ESS comme une alternative à ce qu'il estime être une "nouvelle étape dans l'histoire du capitalisme mondial" consacrant "l'alliance entre des États et les géants de la tech". Cette alliance "fait de la démocratie libérale et de l'humanisme une cible" et pratique la "compétition pour la prédation" des ressources, tandis que les organisations et entreprises de l'ESS incarnent "des sociétés civiles qui coopèrent entre elles, de pair à pair" et qui "réconcilient économie, justice sociale et tempérance écologique", a opposé le représentant du mouvement en France.

Les auteurs de la déclaration de Bordeaux affichent en quelque sorte la combativité de David contre Goliath : "L’ESS s’inscrit dans le temps long, elle est résiliente face aux crises et conteste le modèle capitaliste dominant." "Ses principes de coopération et de solidarité lui permettent de réduire les tensions et les inégalités en répondant aux besoins des communautés et en maintenant la cohésion sociale", affirment-ils. 

"Depuis tous les continents, nous affirmons notre ambition de renforcer nos pratiques afin de contribuer aux enjeux sur nos territoires en accélérant le développement de l’ESS" et à œuvrer avec d'autres à une "transition socio-écologique", poursuivent ces acteurs. S'adressant aux Nations Unies et autres organisations internationales, à l'Union européenne, aux États, ils interpellent également les gouvernements locaux, les enjoignant à "mettre en œuvre des stratégies écosystémiques reposant sur les dynamiques territoriales de l’ESS". 

Préserver les collectivités pour soutenir l'ESS… et vice-versa 

Malgré une "forte reconnaissance internationale" obtenue entre 2021 et 2024, reconnaissance en particulier par les Nations Unies de "son rôle dans l’adaptation à l’échelle locale des objectifs de développement durable", l'ESS ne dispose pas aujourd'hui "de moyens à la hauteur des ambitions fixées", peut-on lire dans la déclaration. Le maire de Bordeaux et président du GSEF Pierre Hurmic a plaidé pendant ce forum "pour une équité dans les financements publics", considérant qu'en France deux chiffres étaient à mettre en perspective, "200 milliards d’euros pour les entreprises, 16 milliards seulement pour l’ESS" (voir nos articles de juillet et septembre 2025). 

"Sauvegarder les financements de l’ESS, c’est d’abord préserver les budgets des collectivités territoriales", a mis en avant Régions de France dans un communiqué du 31 octobre, indiquant que "les régions, à elles seules, y consacrent chaque année 1,9 milliard d’euros" (voir notre article). 

Dans un communiqué diffusé à l'occasion du Forum, le groupe de gauche de Départements de France, présidé par le président de la Gironde Jean-Luc Gleyze, déplore les coupes budgétaires inscrites dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Sont recensées : une baisse de 54% des crédits dédiés à l'ESS (qui passeraient de 26,7 à 12,3 millions d'euros), de 26% du budget "jeunesse et vie associative" (soit 222 millions d'euros en moins) et de 15% de l'enveloppe dédiée aux structures de l'insertion par l'activité économique. "En fragilisant les acteurs de l’ESS, c’est tout le maillage local de solidarité, d’innovation sociale et de lien humain qui est menacé", avertissent les départements de gauche, appelant à "rétablir" ces crédits et à "garantir une trajectoire pluriannuelle de financement, à la hauteur des enjeux sociaux, environnementaux et territoriaux portés par l’ESS". 

"Nous fixerons des priorités et des engagements clairs pour les dix années à venir", s'est engagé Serge Papin, ministre des PME et du commerce en charge de l'ESS, évoquant la future stratégie nationale de l'ESS mais pas les enjeux budgétaires. 

Lancement du Mois de l'ESS 2025 

Du fait de la tenue du Forum mondial de l'ESS, Bordeaux a été le lieu de lancement de la 18e édition du Mois de l'ESS par ESS France et ses partenaires. Un prix a été décerné à cette occasion à l'association girondine Dédale, qui s'emploie à sécuriser des lieux de vie informels et à mettre à disposition des logements vacants pour lutter contre le sans-abrisme et le mal-logement. 

Se tiennent, en ce mois de novembre de l'ESS, de nombreux événements partout en France visant à mettre en lumière la place de l'ESS dans tous les domaines (éducation, transition écologique, emploi, santé, sport, culture…) Des semaines thématiques sont organisées en parallèle : la Semaine de la finance solidaire du 10 au 17 novembre, le Festival des solidarités du 14 au 30 novembre, la Semaine européenne de la réduction des déchets du 22 au 30 novembre et la Semaine du numérique en communs ESS du 25 au 27 novembre. 

Le Mois de l'ESS sera clôturé à Dijon, les 28 et 29 novembre 2025, lors de la dixième édition des Journées de l'économie autrement, organisées par le média Alternatives économiques, autour de la question "Face aux tempêtes, quelles boussoles ?" 

 

 

 

 

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