Gestion des bâtiments publics : quel est le coût de l'inaction ?

Le Cerema, qui mène une étude sur le coût de l’inaction dans les bâtiments, notamment publics, vient de lancer un appel pour recueillir les retours d'expérience des gestionnaires. Son objectif est de quantifier les coûts directs pour les maîtres d’ouvrage, par type d’inaction.

L'inaction a un coût pour les gestionnaires de bâtiments publics mais comment le chiffrer précisément ? C'est ce à quoi le Cerema veut parvenir en lançant une étude qu'il souhaite illustrer par des retours d'expérience de maîtres d'ouvrage (voir le contact en bas de la présentation de l'étude). Il souhaite ainsi évaluer très concrètement l'inaction : combien cela coûte l'absence de dispositif d’intermittence dans le fonctionnement des systèmes de chauffage ? Combien cela aurait-il coûté en maintenance curative voire palliative si l’on n’avait pas réalisé la maintenance préventive sur les équipements ? Combien la mise en place d’une instrumentation avec un bon suivi des consommations a-t-elle permis de réaliser d’économies ? Quelle est la valeur vénale ou locative du bien rénové par rapport à ce qu'elle était avant travaux ?, etc. En pleine période de tension sur les prix de l'énergie, l'opérateur public avait déjà réalisé en octobre dernier un document destiné aux collectivités pour présenter aux gestionnaires de patrimoine immobilier les points-clés d’une démarche de gestion efficace.

Cette fois, avec les retours d'expérience – qui pourront rester anonymes -, il s'agit de donner à voir aux autres maîtres d’ouvrage ce que l'inaction passée ou actuelle a coûté et, le cas échéant, les actions mises en place pour y remédier, ou au contraire de mettre en valeur le manque à gagner que les gestionnaires auraient subi s’ils n’avaient pas réalisé les actions qu’ils ont mises en place avec succès.

Que recouvre l'inaction dans le bâtiment ?

Le Cerema rappelle quelques définitions contextuelles pour bien appréhender la question de l'inaction dans le bâtiment. Dans l’approche de la gestion de patrimoine immobilier (GPI), l’inaction peut toucher l’ensemble des échelons de gestionnaires : le gestionnaire de proximité (ou facility manager en anglais), le gestionnaire de projet (ou property manager) ou le gestionnaire d’actif immobilier (asset manager). Chacun d'entre eux ayant un ensemble de tâches à réaliser pour remplir sa mission, si l’une de ces tâches n’est pas correctement menée, on parle d’inaction. Le rôle de l’utilisateur, est aussi crucial dans l’usage du bâtiment ou des locaux qu’il occupe car au quotidien, c’est lui qui peut choisir d’agir ou non sur le bâtiment (sobriété des usages, respect des infrastructures…). "Cet acteur de premier plan dans le bâtiment sera le premier touché par les inactions des différents échelons et constitue souvent, de fait, la clef de voûte de l’action des uns et des autres", souligne le Cerema. "Une des difficultés est de pouvoir identifier ce qui relève de l’inaction ou pas, ajoute-t-il. Néanmoins, on peut se concentrer sur 4 domaines principaux dans lesquels le maître d’ouvrage peut dériver vers l’inaction, et qui vont toucher l’ensemble des acteurs de la gestion de patrimoine : contrôles et maintenances réglementaires obligatoires ; exploitation et maintenance des bâtiments (notamment gros entretien renouvellement) ; rénovation énergétique et environnementale ; confort et santé des occupants.

L’inaction en termes d’obligations réglementaires consiste à ne pas procéder aux opérations de maintenance préventive et de vérifications réglementaires imposées par la réglementation, sur différents types d’équipements techniques dans l’objectif principal d’assurer la sécurité des utilisateurs comme, par exemple, les vérifications électriques, les contrôles sur les appareils de levage ou sur les organes de sécurité incendie.

"En exploitation-maintenance, l’inaction commence généralement par l’absence de maintenance préventive systématique, relève le Cerema. Lorsqu’elle devient récurrente, l’inaction va augmenter les risques de défaillance du bâtiment et de ses équipements mais va également engendrer une baisse de performance." "En plus de la maintenance préventive, systématique ou conditionnelle, ce sont les actions d’exploitation qui vont permettre d’assurer le bon fonctionnement mais aussi l’optimisation de l’usage du bâtiment", poursuit-il. Ces actions d’exploitation vont comprendre autant d’actions administratives que d’actions techniques. En exploitation technique, sont concernées les actions de fonctionnement, d’optimisation et de réglage du bâtiment et de ses installations techniques. Le sont également les petits travaux permettant d’améliorer les performances du bâtiment à faibles coûts. "En ce qui concerne l’optimisation et le réglage des équipements du bâtiment, l’inaction aura pour conséquence des surconsommations d’énergie mais aussi un risque d’inconfort et de fonctionnement en mode dégradé. De ce point de vue, l’inaction concernera par exemple le non réglage des températures de chauffe ou de refroidissement, des débits de ventilation, l’absence d’optimisation du réduit de chauffage et de la relance, le réglage des commandes automatiques (détecteur de mouvement…)".

Enfin, l’inaction en termes de performances énergétiques se traduit par le fait d’avoir des équipements et une enveloppe obsolètes (non renouvellement des équipements ou renouvellement à technologie équivalente ne permettant pas de faire des économies), une étanchéité et une isolation moins efficaces, rendant leur entretien plus compliqué, donc plus coûteux et multipliant les interventions ; une mauvaise exploitation du bâtiment (utilisation non rationnelle entraînant une surconsommation par rapport aux performances intrinsèques du bâtiment) ; un inconfort thermique des usagers, traduit en hiver par une sensation de froid et souvent le recours à des chauffages d’appoint individuels, et en été par un usage accru des systèmes de refroidissement.

Différents moyens de quantifier les coûts

Il existe différentes façons de quantifier le coût de l'inaction. "Evaluer le coût supplémentaire dû à l’inaction dans le bâtiment consiste à donner une valeur monétaire à l’ensemble des conséquences de l’inaction, détaille le Cerema. Il peut s’agir d’un coût d’investissement (acheter une nouvelle chaudière car l’ancienne est tombée en panne et n’est pas réparable), de coûts de fonctionnement (surconsommation de la chaudière due à une mauvaise exploitation-maintenance), ou de conséquences indirectes que l’on pourra chiffrer en leur attribuant une valeur monétaire (par exemple les problèmes de santé des salariés dus à leurs conditions de travail ou l’évaluation des impacts sur l’environnement)".

Le coût global consiste donc à prendre en compte tous les coûts d’un projet sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, de son projet de construction à la valorisation des déchets de sa démolition, en passant par son exploitation et sa maintenance tout au long de sa "vie". Le coût global élémentaire regroupe l'ensemble des coûts/bénéfices immobiliers portés par le propriétaire ou l'utilisateur - études, conception, foncier, construction, exploitation (dont fluides et énergie), maintenance (dont gros entretien renouvellement), fin de vie et recettes éventuelles.

Le coût global étendu ajoute à la notion de coût global élémentaire les externalités, monétisables ou non, en l’absence de marché ou de données scientifiques permettant de leur conférer une valeur quantitative. "Dans la notion de coût global étendu, l’inaction va également avoir des conséquences sur l’occupant, la société, notamment en termes de santé publique, et sur l’environnement : émissions de gaz à effet de serre plus importantes, mauvaise qualité de l’air intérieur par exemple", est-il rappelé.

Parmi les indicateurs des coûts directs de l’inaction pour les maîtres d’ouvrage qui ont été identifiés, le Cerema cite par exemple les coûts de maintenance curative issue du défaut de maintenance préventive, les coûts de maintenance palliative issue du défaut de maintenance préventive, les conséquences sur la probabilité de sinistre ou de défaillance (durée d'immobilisation des équipements), celles sur la durée de vie des équipements, l'incidence sur les consommations énergétiques, l'impact sur la valeur vénale du bien, la durée de vacance des locaux à la location.

 

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