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Google, IBM, Samsung et Fujitsu choisissent la France pour développer l'intelligence artificielle

Emmanuel Macron a annoncé, ce jeudi 29 mars, un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros dans le domaine de l’intelligence artificielle, un budget destiné à rendre plus compétitive la recherche française afin que la France "ne rate pas le train de l’intelligence artificielle". Cette annonce est crédibilisée par l’implantation imminente d’acteurs significatifs attirés par le savoir-faire français : IBM, Samsung, Fujitsu et Google.

Dans un contexte de compétition mondiale exacerbée autour de l’Intelligence artificielle (IA), le président Emmanuel Macron a affirmé l’ambition française de se situer au meilleur niveau de maîtrise de cette technologie de rupture, avec plusieurs annonces stratégiques pour renforcer l’écosystème français.

La compétition technologique : d’abord une affaire de talents

"Les pays les plus en avance sur le déploiement de l'intelligence artificielle, ce sont les Etats-Unis, la Chine, l'Angleterre, le Canada et Israël, et nous n'y sommes pas", remarquait Cédric Villani, en ouverture de la journée IA for Humanity, à l’issue de laquelle intervenait le président. Le mathématicien, également député, a remis à cette occasion un rapport afin de proposer des pistes stratégiques pour la France, avec une focale résolument européenne (voir notre encadré en fin d’article).
Question centrale de la compétitivité française en matière d’IA : comment attirer les meilleurs chercheurs, et ainsi se positionner à la pointe de la recherche ? La France ne part pas de rien : cinquième pays en nombre de publications scientifiques sur le sujet, elle peut compter sur l’excellence de l’école française en mathématiques et en informatique qui a propulsé de nombreux Français en responsabilité parmi les leaders mondiaux de l’IA.
Après avoir reçu les plus grands experts internationaux de l’IA, le président de la République annonçait ce jeudi 29 mars l’implantation prochaine, en France, de quatre champions internationaux dans le domaine. Le groupe IBM, qui emploie déjà 7.500 personnes en France, va recruter 400 experts d’IA d’ici 2020, essentiellement sur le pôle scientifique du plateau de Saclay. Le sud-coréen Samsung a choisi la France pour implanter son troisième centre de recherche qui comptera à terme une centaine de chercheurs (en partie, également, à Saclay). Le japonais Fujitsu, sélectionné par un programme de recherche européen Horizon 2020, a noué un partenariat avec l’Institut national de recherche dédié au numérique (Inria), et souhaite renforcer significativement son équipe française. Enfin, la filiale IA de Google, Deepmind, doit mettre en place une équipe d’une quinzaine de chercheurs de très haut niveau à Paris, après s’être installée à Londres et Zurich. La maison mère, Alphabet, crée par ailleurs un chaire dédiée à l’Ecole polytechnique. Dans chacune de ces décisions d’implantation, le poids d’un chercheur français particulièrement influent a fait pencher la balance.

Un effort public de 1,5 milliard d’euros

La stratégie gouvernementale en matière d’IA repose avant tout sur l'investissement privé, et les premières annonces d’IBM, Samsung, Fujitsu et Google témoignent qu’il ne faut pas y voir un simple effet d’annonce. Néanmoins, l’investissement public n’est pas en reste, avec un effort financier de 1,5 milliard d’euros pour le quinquennat, dont près de 400 millions d’euros d’appels à projet et de défis d’innovation de rupture. En outre, une enveloppe de 100 millions d’euros sera allouée dès 2018 à la croissance des start-up de l’IA, dans le cadre du fonds pour l'innovation et l’industrie mis en place en début d’année. Un budget conséquent, qui ne représente pourtant qu’un dixième du plan colossal d’investissement pour l’IA décidé par le gouvernement chinois pour les trois années à venir.
Avec cet investissement initial, le gouvernement entend constituer un hub de recherche de niveau mondial, grâce à la mise en place d’un programme national coordonné par l’Inria. Quatre ou cinq instituts dédiés - notamment à Paris, Saclay, Toulouse, Grenoble -, ainsi que de nombreuses chaires pour certaines déjà annoncées, doivent attirer puis retenir les meilleurs chercheurs mondiaux. D’autres mesures plus fonctionnelles sont annoncées : le doublement de la capacité des formations en IA, la mise à niveau des capacités de calcul dédiées, ou encore la création d’une agence publique dont la vocation serait de s’étendre à l’échelle européenne. Par ailleurs, le président a annoncé l’adaptation dès 2019 du cadre législatif pour ouvrir l’expérimentation sur les routes des véhicules autonomes de niveau 4 (autonomie quasi-totale), permettant à l'automobiliste de regarder un film ou travailler sur un écran pendant son trajet.

Une politique ambitieuse en matière de données

L’un des arguments majeurs dont peut se prévaloir la France, pour attirer la crème des experts de l’IA, est la constitution de certaines des bases de données les plus conséquentes de la planète, héritages jacobins de l’assurance maladie et du secteur hospitalier. Ces deux bases de données, convenablement exploitées avec les nouveaux outils de l’IA, pourraient receler des trésors d’analyse afin d'orienter au mieux les politiques publiques, et pourquoi pas les programmes de recherche.
Pour faciliter l’accès aux données, qui constituent la matière première des chercheurs en IA, une politique volontariste est annoncée : l’extension du “service public de la donnée” au delà de ses neuf jeux de données actuels, la création de plateformes de données spécifiques par appels à projets, ainsi que l’ouverture maîtrisée des données de recherche, sont les pierres angulaires de ce programme “open science”. Le secteur de la santé, l’un des premiers impactés par l’IA, pourrait être le premier terrain de jeu de cette politique de recherche-action avec la création d’un Health Data Hub associant les principaux producteurs de données aux chercheurs, sous contrôle de l’Institut national des données de santé.

Une partie des mesures annoncées par Emmanuel Macron s'inspire du rapport de plus de 200 pages sur l'IA remis jeudi par Cédric Villani, dont l’équipe de spécialiste a piloté plus de 300 auditions auprès d'experts du monde entier depuis septembre 2017. L’étude, intitulée "Donner un sens à l’intelligence artificielle", est à consulter sur le site AIforhumanity.
Ce rapport délivre avant tout un message alertant, celui d’une possible colonisation numérique de la France et de l’Europe par les géants américains et chinois de la “tech”. Sont alors proposés quatre domaines sectoriels, propices à l’expérimentation de l’IA, sur lesquelles la France pourrait se focaliser pour amorcer sa spécialisation dans l’économie du futur, largement impactée par l’IA. Il s’agit de la santé, des transports, de l’environnement et de la défense. Pour relancer le domaine de la recherche et pérenniser l’excellence française en matière d’IA, les rédacteurs proposent notamment de doubler les salaires des chercheurs débutants.
Sur le plan éthique, qui soulève de vives inquiétudes - eu égard à la formidable capacité de calcul des machines de l’IA qui pourraient s’imposer dans notre quotidien sur un plan social et comportemental -, les rédacteurs suggèrent la création d'une instance éthique, indépendante, qui aurait pour tâche de définir "ce qui est acceptable ou non acceptable" en matière d’IA.

 

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