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Aménagement - Grand Paris : cap sur les "territoires d'intérêt national"

"Créer de la croissance et des emplois", "bâtir le nouveau Grand Paris des transports", "vivre pleinement dans le Grand Paris" : le troisième comité interministériel sur le Grand Paris qui s'est tenu le 15 octobre a retenu ces grandes lignes d'actions. Parmi les mesures très attendues : les dispositions en faveur des territoires dits d'intérêt national.

Avec ce 3e comité interministériel sur le Grand Paris, pompeusement intitulé "Grand Paris, capitale du 21e siècle", le Premier ministre Manuel Valls a déclaré vouloir "franchir une nouvelle étape vers cette capitale du 21e siècle que nous devons bâtir ensemble". Il a décliné ensuite les trois leviers "pour casser les logiques d'enfermement, pour redonner confiance, pour offrir de nouvelles perspectives aux habitants, et notamment à notre jeunesse dans les quartiers populaires", le tout dans "une coordination de l'ensemble des politiques publiques".
Ces trois leviers sont : "créer de la croissance et des emplois" ; "bâtir le nouveau Grand Paris des transports" ; "vivre pleinement dans le Grand Paris". Zoom sur les mesures annoncées et (le plus souvent) rappelées qui concernent les collectivités locales.

Renforcer l'attractivité internationale

Le Grand Paris a fait naître de grandes espérances en matière d'emplois (on parle de 12.000 emplois générés dans les futurs chantiers) et d'attractivité. Plusieurs actions ont déjà été mises en œuvre comme la création d'un comité de l'attractivité du Grand Paris qui devra aboutir à la création d'une marque unique à l'international, ou la désignation d'un conseiller diplomatique spécial rattaché au préfet de la région…
Le comité a accouché de nouvelles mesures ou précisé quelques dates. Dès le prochain projet de loi de finances rectificative pour 2015, la redevance pour création de bureaux, commerces et entrepôts (RCBCE) sera à nouveau réformée pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Plusieurs études ont pointé les effets contreproductifs de cette taxe propre à l'Ile-de-France. Déjà réformée en 2011, elle se serait avérée défavorable à la construction de bureaux dans des départements périphériques comme la Seine-Saint-Denis ou le Val-de-Marne. Au menu de cette nouvelle évolution : modification du zonage, modulation des tarifs pour les bureaux selon les zones, avec un taux zéro hors zone urbaine, amélioration du recouvrement. Les exonérations pour les opérations de démolition-reconstruction et le tarif unique pour les entrepôts sur toute l'Ile-de-France seront maintenus.
La procédure allégée pour la réalisation d'immobilier d'entreprises prévue par une ordonnance du 17 juillet 2014 est imminente. Le décret d'application sera publié "dans les prochaines semaines".
Par ailleurs, une mission "associant pleinement collectivités et monde économique" devra plancher sur le nouveau statut du quartier de la Défense pour une mise en place effective au 1er janvier 2017. L'objectif est de fusionner les deux établissements publics de la Défense : l'Epadesa pour l'aménagement et De Facto pour la gestion du quartier.
L'Etat, la DSGP et les collectivités locales volontaires organiseront un concours international visant à faire émerger des "hubs internationaux du Grand Paris". Situés aux points de connexion entre le futur métro automatique et les autres réseaux de transport, ces quartiers seront des "portes d'entrée du Grand Paris pour les investisseurs", des "vitrines des savoir-faire de notre pays"…

Assurer la transition énergétique et écologique

"La métropole du Grand Paris doit également être une pionnière de la croissance verte", a déclaré Manuel Valls. Nous agissons ainsi pour la qualité de l'air. Les différents acteurs doivent mieux se coordonner à l'échelle de la région." La révision du plan de protection de l'atmosphère (PPA) sera engagée en 2016 et devra être approuvée avant la fin de l'année. Pour garantir l'approvisionnement de la région, qui importe 95% de l'électricité qu'elle consomme, le Premier ministre a annoncé un plan de modernisation du réseau d'électricité du Grand Paris pour la période 2016/2020. Ce plan fixera notamment les priorités pour l'enfouissement des lignes à haute tension. Le gouvernement a aussi décidé de lancer une étude "pour consolider les connaissances de l'effet du changement climatique sur les inondations (écrêtement des crues) et la sécheresse (solutions d'étiage)". Un plan d'adaptation au changement climatique sera aussi élaboré à l'échelle du bassin Seine-Normandie. Il comprendra notamment des mesures pour prévenir les crues. Par ailleurs, les grandes forêts d'Ile-de-France devraient bénéficier d'un classement en "forêt de protection" – un aménagement du code forestier sera engagé à cette fin. "Pour assurer la neutralité écologique des interventions de l'homme, un mécanisme de compensation sera mis en place quand des projets empiètent sur le foncier agricole", a aussi affirmé Manuel Valls. Pour lutter contre le phénomène de mitage de l'espace agricole, particulièrement en zone périurbaine, des zones agricoles protégées (ZAP) et des zones de protection naturelle agricole et forestière (ZPNAF) seront constituées dans les territoires présentant les plus forts conflits d'usage.

Moderniser et développer le réseau de transports

Le Grand Paris des transports constitue le deuxième volet d'action du gouvernement, a affirmé Manuel Valls le 15 octobre. "Tous les chantiers du Grand Paris Express sont aujourd'hui financés et tous les processus de 'déclaration d'utilité publique' auront été lancés avant la fin de l'année 2016", a assuré le Premier ministre. Il a confirmé la mise en service à l'horizon 2023 de la liaison ferroviaire CDG-Express, qui doit permettre de relier directement, en une vingtaine de minutes, l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et la gare de l'Est pour désengorger le RER B et réduire la circulation automobile au nord de Paris. Le projet sera financé sans subvention publique dans le cadre d'un montage juridique associant Aéroports de Paris et SNCF Réseau – un financement a été sollicité au titre du plan Juncker. L'ordonnance nécessaire à la réalisation effective du projet va être transmise au Conseil d'Etat en vue de la création de la société de projet début 2016, et une enquête publique devrait avoir lieu au premier semestre 2016 pour compléter la déclaration d'utilité publique du projet. Afin de tenir les coûts et le calendrier de cette nouvelle liaison, les voies ne devraient pas être enfouies au niveau de la Porte de la Chapelle, contrairement à une position longtemps défendue par la mairie de Paris.
S'agissant du RER E Eole, qui doit être prolongé de 55 km vers l'ouest, le Premier ministre a indiqué que la part de financement des départements de Paris, des Hauts-de-Seine et des Yvelines serait "clarifiée dans les prochaines semaines".
A propos de la fraude dans les transports, qui coûte 400 millions d'euros par an en Ile-de-France, le gouvernement soutient la proposition de loi du député PS Gilles Savary qui sera débattue avant la fin de l'année et qui demande que le délit de fraude habituelle soit constaté au bout de cinq fraudes et non dix comme actuellement.

OIN et CIN : "Territoires d'intérêt national"

"L'Etat agira en faveur de 15 territoires dits d'intérêt national", a annoncé Manuel Valls, car "après le temps de l'écoute – un an de concertation intense avec les collectivités locales –, après le temps, aussi, des polémiques, nous sommes parvenus à nous engager ensemble pour ces territoires". "Pour les accompagner, des contrats d'intérêt national (CIN) seront signés dans les six mois à venir", a-t-il ajouté, précisant qu'ils étaient "ouverts à la signature de tous les partenaires" (dont les établissements publics d'aménagement, les entreprises publiques locales, les sociétés d'économie mixte, les acteurs du secteur privé) et qu'ils "détailleront les gouvernances, les procédures, les outils de l'Etat et de ses opérateurs". Les CIN visent à "faciliter la réalisation des grands secteurs d'aménagement ", explique le ministère du Logement. Plus souples que des OIN, ils permettront, selon lui, de simplifier la gouvernance et de mieux mobiliser les outils existants. Huit opérations sont déjà identifiées (*). Manuel Valls a indiqué que "ces territoires pourront faire l'objet d'opérations d'intérêt national (OIN)".
A ce propos, le Premier ministre a dévoilé la liste des six nouvelles opérations d'intérêt national (OIN), qui devraient être confirmées à l'issue d'une phase de concertation (**). D'autres OIN existantes pourront faire l'objet de modifications ou d'extensions (***). Le Premier ministre a également indiqué que "les discussions se poursuivent avec certains territoires sur les modalités d'accompagnement de l'Etat (****).
Les OIN et les CIN peuvent désormais bénéficier des prêts "Gaïa Grand Paris", distribués par la Caisse des Dépôts, dont l'objet est étendu pour devenir "un outil général de mobilisation du foncier en faveur du secteur public local". Ces prêts étaient jusque-là réservés, dans certains territoires précis, aux opérations de logements comportant une production minimum de 25% de logements sociaux. Ils comporteront désormais trois volets : le volet intitulé "à destination du logement social" (pour les opérations de logements comprenant 25% de logements sociaux minimum), mais aussi un volet "favorisant la mixité sociale" (15% de logements sociaux minimum) et un volet permettant le financement des opérations d'aménagement, d'infrastructures primaires et d'équipements (c'est-à-dire pouvant ne pas comporter de logements du tout). Chacun de ces volets bénéficiera de conditions de taux adaptées. "Si le différé de 14 ans est maintenu, la durée de vie est allongée à 20 ans et tous les opérateurs et collectivités sont éligibles", précise Matignon. La mesure entrerait en vigueur dès le début de l'année 2016.

Logement : NPNRU, Grand Paris Aménagement, deux nouvelles Orcod-IN

Le comité interministériel a été également l'occasion d'annoncer - ou plutôt de confirmer - d'autres mesures nouvelles en matière de logement. Parmi celles-ci figurent notamment le lancement des opérations régionales du Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU, ou PNRU 2), avec les 43 opérations "d'intérêt régional" d'ores et déjà incluses dans le volet territorial du contrat de plan Etat-région signé le 9 juillet 2015 (qui s'ajoutent aux 59 opérations nationales d'Ile-de-France) et pour lesquelles l'Anru a alloué 190 millions d'euros. Une convention entre l'Etat, la Région Ile-de-France et l'Anru est annoncée pour le premier semestre 2016.
De même, le dossier du comité interministériel rappelle la création du "Grand Paris Aménagement" qui résulte de la fusion entre l'Agence foncière et technique de la région parisienne et les EPA Plaine de France et Orsa (Orly Rungis Seine Amont).
Autre composante du Grand Paris du logement : l'intervention renforcée sur les quartiers de copropriétés dégradées. En la matière, deux Orcod-In (opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national) sont déjà engagées à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et à Grigny (Essonne), tandis que deux nouvelles Orcod-In doivent être lancées à Mantes-la-Jolie (Yvelines) et à Argenteuil (Val d'Oise).

Campus et quartiers universitaires

Le projet de Paris Saclay est bien toujours de créer des zones mixtes mêlant établissements d'enseignement supérieur et de recherche, entreprises et logements. Le comité interministériel annonce la publication du décret de transformation de l'établissement public Paris-Saclay (EPPS) en établissement public d'aménagement Paris-Saclay (EPAPS). "Je sais pouvoir m'appuyer sur le Préfet pour que ces trois chantiers avancent de front", a déclaré le Premier ministre. 
Le comité lance par ailleurs les travaux du Campus Condorcet en Plaine Saint-Denis, qui, avec le projet de Cergy-Pontoise, "inventent de nouveaux modèles de quartiers universitaires", a souligné Manuel Valls. Pour lui, "c'est un enjeu de transformation urbaine, un enjeu social, avec la construction de nouveaux logements pour les étudiants, et un enjeu d'attractivité". Les chantiers du campus Condorcet seront lancés en 2016, en vue d'une livraison du Campus en 2019.
En matière de logements étudiants justement, le comité a rappelé que, dans le cadre national du "plan 40.000", près de 20.000 places étaient dédiées aux résidences sociales étudiantes en Ile-de-France entre 2013 et 2017. Il souhaite "la constitution de campus intégrés dans la ville" : des quartiers universitaires qui devront "se fondre dans la ville pour lui apporter leur dynamisme". Trois grands sites sont identifiés : on retrouve le campus du plateau de Saclay (5.500 logements étudiants seraient livrés entre 2016 et 2019, dont 2.000 dès 2017) et le futur quartier universitaire international du Campus Condorcet (5.000 logements diversifiés et 20.000 m² d'équipement) ; s'y ajoute la Cité internationale universitaire de Paris (10 nouvelles maisons, soit 1.800 logements en plus des 6.000 logements existants d'ici à 2020). Plus de 12.000 logements destinés aux étudiants étrangers seront livrés sur ces trois sites dans les 5 ans, a promis le comité interministériel.

Culture : mise en réseau des bibliothèques, jumelages avec les zones de sécurité prioritaire...

Le comité interministériel a décidé de mettre en réseau les 280 bibliothèques et médiathèques de la région Ile-de-France pour "mieux gérer les capacités d'accueil (...), coordonner les périodes d'ouverture, mettre en place des services communs comme, par exemple, une carte unique d'accès aux bibliothèques franciliennes". Il a aussi décidé de mettre en réseau les 32 "maisons des illustres" d'Ile-de-France (maisons de Balzac, Mallarmé, Zola, Aragon et Triolet, Cocteau, Rodin…) dans le courant de l'année 2016.
La création d'un "Pass culture Grand Paris", annuel, pour toute l'Ile-de-France, pour "mieux découvrir" les 130 musées nationaux et locaux du Grand Paris est également envisagée. Un rapport sera remis au Premier ministre au printemps 2016, comprenant une analyse du coût et des modalités de financement. "Nous devons travailler avec le Stif pour qu'il fonctionne avec le Pass navigo unique", a précisé le Premier Ministre.
"Pour permettre à chaque territoire de s'approprier ses lieux culturels, nous organiserons également le jumelage de quartiers populaires avec des établissements culturels d'excellence. Ceux-ci seront encouragés à aller au-devant des populations avec des expositions hors les murs, des ateliers avec les conservateurs, des projets en partenariat avec des artistes", a-t-il ajouté. Il s'agit plus précisément d'organiser un "jumelage systématique" entre chacune des 21 zones de sécurité prioritaires (ZSP) et une "institution culturelle d'excellence". Sont cités La Philharmonie, la Bibliothèque nationale de France, l'Opéra de Paris et le château de Versailles pour avoir déjà des partenariats avec des collectivités. Ces institutions devront "renforcer leur action directement au sein des quartiers les plus sensibles".
C'est aussi dans cet état d'esprit que "la Cité Médicis à Clichy-Montfermeil, sur le site de la Tour Utrillo, sera un symbole du nouveau Grand Paris de la culture, avec une programmation qui commencera dès 2016", s'est réjoui Manuel Valls. 2016, c'est-à-dire avant même la démolition de la Tour. La programmation sera donc "hors les murs", les bâtiments définitifs devant être livrés en 2021-2022.
Le comité prévoit aussi de "diffuser l'art dans la ville" dans les futures gares du Grand Paris et de créer un service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap) à l'échelle métropolitaine pour accompagner les évolutions des territoires et des institutions au plan architectural.

 

La rédaction

(*) Franges de la Plaine de Montesson ; Abords des gares du Transilien (Rambouillet, Coignières, les Essarts-le-Roi, Le Perray-en-Yvelines) ; Site du panorama (Clamart, Fontenay-aux-Roses, Chatillon) ; Charenton-le-Pont ; Canal de l'Ourcq ; Franges de la forêt de Pierrelaye ; Corridor aéroportuaire (9 communes autour d'Aulnay-sous-Bois, Le Bourget, Mitry-Mory...) ; Vallée scientifique de la Bièvre.

(**) La porte sud du Grand Paris (en Essonne autour d'Evry), deux opérations dans le Val-de-Marne respectivement autour de Champigny-sur-Marne et Villejuif (Campus Grand Parc), deux autres en Seine-Saint-Denis (Aulnay-sous-Bois sur l'ancien site de PSA et Roissy Nord, à vocation strictement économie) et une dans le Val d'Oise (Argenteuil).

(***) Seine Aval (Mantes-la-Jolie), Saclay-Palaiseau, La Défense et Seine-Arche, Orly-Rungis Seine Amont.

(****) Melun et Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), Pantin et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et Plaine Commune (idem).