Archives

Environnement - Grenelle 2 : premiers amendements sur le climat et l'énergie adoptés en commission

Saisie pour avis sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle 2) voté par le Sénat en octobre dernier, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté les 2 et 3 février plusieurs amendements sur le titre III du texte relatif à l'énergie et au climat. La commission du développement durable, saisie sur le fond, a commencé en parallèle l'examen du projet de loi le 3 février.
Le Grenelle 2, qui fait l'objet d'une procédure d'urgence au Parlement, devrait être examiné en séance publique à l'Assemblée nationale à partir de "début mai", selon Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques. Première revue de détail des amendements déjà votés par cette commission.
 

Des précisions sur les futurs schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie

Un article additionnel précédant l'article 23 prévoit ainsi que la PPI (programmation pluriannuelle des investissements de production d'énergie) fasse "l'objet d'un rapport présenté au Parlement par le ministre chargé de l'énergie dans l'année suivant tout renouvellement de l'Assemblée nationale et d'un avis des commissions de chaque assemblée en charge de l'énergie".
Les projets de schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, créés par le projet de loi (article 23), devront "avoir été mis pendant une durée minimale d'un mois à la disposition du public", et non de "quinze jours" comme le prévoyait le texte initial. Ces schémas devront présenter "par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération" mais aussi "en matière de mise en oeuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique telles que les unités de cogénération notamment alimentées à partir de biomasse".
Autre ajout de la commission : un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie "vaut schéma régional des énergies renouvelables" prévu par l'article 19 de la loi Grenelle 1.
Par contre la commission n'a pas retenu un amendement socialiste prévoyant que "six mois après la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet[trait] au Parlement un rapport sur la mise en place d'un dispositif d'intéressement des régions" dans le cadre de ces schémas, "pour favoriser la mise en place de politique de sobriété énergétique et ainsi valoriser l'énergie non consommée comme l'est la production d'énergie renouvelable".
 

Compatibilité du PDU avec le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie

Un article additionnel à l'article 24, qui prévoit que les plans de protection de l'atmosphère doivent être compatibles avec le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, rend également obligatoire la compatibilité de ce schéma avec les plans de déplacement urbain (PDU) dès leur révision. "Cette compatibilité est d'autant plus nécessaire que le secteur des transports représente le deuxième secteur le plus important derrière le résidentiel-tertiaire en terme de consommation énergétique", a justifié l'auteur de l'amendement, le rapporteur Serge Poignant (UMP, Loire-Atlantique) dans son exposé des motifs.

 

Modifications concernant le raccordement au réseau des énergies renouvelables

Un amendement à l'article 25, concernant l'élaboration d'un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables précise que les ouvrages créés outre-mer ou en Corse restent exploités par leur gestionnaire actuel, car le gestionnaire de réseau public de transport "n'exerce pas ses missions en Corse, ni dans les territoires d'outre-mer ".
Un autre amendement inclut les postes THT (très haute tension) dans le périmètre de mutualisation des schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables.
Un article additionnel à l'article 25 vise à inscrire l'action de la CRE (Commission de régulation de l'énergie) en cohérence avec l'ensemble de la politique énergétique française et notamment ceux du 3X20, autrement dit le triple objectif communautaire de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020, d'une hausse de 20 % de l'efficacité énergétique, et d'une part de 20 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique total.
Jean-Claude Lenoir (UMP, Orne) a souhaité que soit en outre précisé l'article 18 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, sur les modalités financières de raccordement des consommateurs aux réseaux électriques. Son amendement indique que "les coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants ou la création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals, ne sont pas pris en compte dans la contribution due par " la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent.
Autre modification concernant les bilans d'émissions de gaz à effet de serre (article 26) : ce n'est pas "la" méthode d'établissement de ce bilan qui est mise gratuitement à la disposition des collectivités territoriales, mais "une" méthode. Il s'agit ainsi de reconnaître "la pluralité des méthodes".
La commission a en outre ajouté que "dans chaque région, le préfet de région et le président du conseil régional sont chargés de coordonner la collecte des données, de réaliser un état des lieux, de vérifier la cohérence des territoires".
A l'article 26 ter, elle a aussi souhaité étendre la possibilité d'établir un plan climat énergie territorial "à l'ensemble des territoires" plutôt que de la limiter aux communes et EPCI de plus de 50 000 habitants et aux syndicats mixtes.

 

Les certificats d'économies d'énergie étendus aux acteurs de l'habitat

La commission a aussi voulu "proposer une solution intermédiaire" concernant les acteurs concernés par les CEE (certificats d'économies d'énergie) (article 27). Elle a proposé de réserver les CEE "aux obligés" (vendeurs d'électricité, de gaz naturel, de GPL, de fioul domestique, de chaleur et froid, ainsi que les vendeurs de carburants automobiles, comme le prévoit déjà le texte), "aux collectivités publiques, à l'Anah [Agence nationale de l'habitat] et aux organismes HLM". La version sénatoriale étendait le bénéfice "à toute personne morale" et le projet gouvernemental aux seuls obligés et collectivités territoriales.
Issus de la loi Pope (loi de programme et d'orientation de la politique énergétique) du 13 juillet 2005, les CEE ont pour objectif de favoriser les économies d'énergie, importantes mais diffuses, dans l'habitat et le tertiaire. Pour respecter ces engagements, un obligé peut soit vendre des prestations d'économies d'énergie, soit acheter un CEE à une collectivité qui aura elle-même réalisé une action d'économies d'énergie.
La commission a également précisé qu'une part des économies d'énergie "doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique". "La définition des volumes d'obligations prend" ainsi "en compte les CEE qui seront délivrés par la contribution à des programmes" de lutte contre la précarité énergétique.
Enfin, la commission a estimé que les dispositions de la loi sur les CEE ne devaient pas entrer en vigueur "au 30 juin 2009", comme le prévoyait le projet de loi initial, mais à compter de la publication de la loi.
Un article additionnel à l'article 27, défendu par les socialistes, précise que les organismes HLM et les SEM (sociétés d'économie mixte) réalisant des travaux d'économie d'énergie peuvent obtenir des CEE qu'ils pourront céder aux producteurs d'énergie tout en étant exonérées de l'impôt sur les sociétés aux taux de 33,33 % sur le produit de cession.
Le rapporteur Serge Poignant a ajouté un autre article additionnel selon lequel un décret pourra "prescrire aux fournisseurs d'électricité, de gaz naturel ou de chaleur l'obligation de communiquer périodiquement aux consommateurs finals domestiques un bilan de leur consommation énergétique accompagnée d'éléments de comparaison et de conseils pour réduire cette consommation". Cela pourrait être fait "à l'occasion de l'envoi de factures" et permettrait d' "aider les ménages à maîtriser leur demande d'énergie ".

 

Energies renouvelables : l'obligation d'achat d'électricité étendue aux EPCI

Concernant le soutien aux énergies renouvelables (article 33), la commission a étendu aux EPCI le bénéfice de l'obligation d'achat d'électricité, qui n'était jusqu'alors prévu que pour les départements et les régions. Elle a supprimé le plafond de douze mégawatts pour les énergies géothermiques, marines et solaires thermodynamiques s'agissant de l'obligation d'achat de l'électricité. Elle a aussi fixé un délai maximal de deux mois pour le raccordement des installations d'électricité à partir de sources renouvelables de trois kilovoltampères, exploitées par des particuliers.
Par ailleurs, elle a modifié la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui établissait un système de déclaration pour toutes "les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à 4,5 mégawatts". Le nouveau texte prévoit que "les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à un seuil, dépendant du type d'énergie utilisée et fixé par décret en Conseil d'État, sont réputées autorisées d'office". Ce seuil de 4,5 mégawatts "mérite d'être modulé", a estimé la commission, "selon les technologies et dans le temps, notamment au regard des éléments d'appréciation suivants : l'impact sur les réseaux et la stabilité du système électrique, les contextes locaux (systèmes électriques insulaires notamment) et techniques (par exemple la géothermie ne pose pas les mêmes questions que l'éolien en terme d'intermittence et d'impact sur le réseau)".
La loi de 2000 doit également être modifiée pour que le ministre chargé de l'Énergie puisse "décider de rendre publiques les données relatives à la puissance [des énergies renouvelables] raccordée aux réseaux publics".

 

Anne Lenormand avec AEDD