Handicap : la Cour des comptes s’est penchée sur l’accueil de Français en Belgique
Pourquoi et comment l’offre d’accueil d’enfants et d’adultes handicapés s’est-elle tant développée en Wallonie ? C’est l’objet d’un rapport de la Cour des comptes, qui préconise un renforcement des contrôles de ces établissements, tant sur la qualité que sur le plan financier. Dans le cadre du moratoire sur les départs et des 50.000 nouvelles solutions médicosociales, le déploiement de places adaptées en France doit se poursuivre et s’amplifier, en particulier au bénéfice des départements sous-équipés, souligne la Cour.
L’accueil d’adultes et d’enfants français en situation de handicap en Wallonie, en particulier dans la province du Hainaut, s’est développé tout au long du XXe siècle, avec une accélération entre 2020 et 2022 puisque le nombre d’adultes accueillis a alors été multiplié par sept. 7.000 adultes accueillis en 2022, soit "sensiblement l’équivalent de l’offre disponible dans la région Centre-Val de Loire", mais aussi 1.200 enfants, selon la Cour des comptes qui rend public ce 17 septembre 2024 un rapport sur le sujet.
Ces Français hébergés en Belgique sont majoritairement originaires des Hauts-de-France (32%), de l’Île-de-France (42%) et du Grand Est (12%). Les départements "qui orientent le plus de personnes handicapées vers la Wallonie" sont le Nord (21% du total des personnes accueillies), la Seine-Saint-Denis, l’Essonne, Paris et le Val d’Oise. La croissance de cette offre d’accueil belge est liée à "un cadre normatif plus souple" mais elle est également "le fruit de diverses carences de l’offre médicosociale français", souligne la Cour des comptes.
Un manque de solutions adaptées à certains handicaps en France
Carences quantitatives, d’une part, la Seine-Saint-Denis étant en particulier caractérisée par "le troisième taux d’équipement le plus faible en France, après Mayotte et la Guyane", ce qui induit une très longue liste d’attente.
La Cour insiste cependant encore davantage sur l’inadéquation de l’offre d’accueil française avec les besoins de certaines personnes en situation de handicap. "Un nombre important de personnes souffrant de troubles du comportement et de la conduite, associés à un handicap psychique ou à une déficience intellectuelle" ont eu accès en Wallonie à une solution d’accueil qu’elles n’avaient pas trouvée en France. Les juges de la rue Cambon insistent également sur l’impact des ruptures de parcours en France, par exemple "le passage à l’âge adulte sans place dans les établissements et services médicosociaux (ESMS) français", obligeant des familles à passer la frontière pour organiser la suite du parcours de leur proche handicapé. L’accompagnement proposé par les établissements belges est perçu comme qualitatif et innovant, notamment en ce qui concerne la prise en charge de l’autisme.
"Moratoire sur les départs" : de premiers effets, encore insuffisants
En 2022, le gouvernement français a décidé de contenir cette croissance de l’accueil belge par un "moratoire sur les départs" qui a figé le nombre de places dédiées à l’accueil de Français en Wallonie. La Cour des comptes revient sur les premiers effets de ce moratoire, qui était assorti d’une enveloppe de 90 millions d’euros octroyée aux agences régionales de santé (ARS) Grand Est, Hauts-de-France et Île-de-France. L’objectif : développer "une réponse de proximité" en France à des besoins jusque-là mal couverts. Des "progrès" sont soulignés, avec "des situations complexes davantage acceptées" dans les ESMS français. Mais les solutions réellement adaptées aux besoins demeurent "insuffisantes", trois départements interrogés témoignant du fait que "les cas complexes, les plus susceptibles de partir en Wallonie, nécessitent des prises en charge en hébergement permanent trop peu présentes dans les solutions financées".
Grâce à une collaboration avec son homologue belge, la Cour des comptes consacre une large partie de son rapport à l’analyse de cette offre d’accueil wallonne, qui n’est pas idéalisée. À la suite d’inspections, des "manquements graves ont été relevés dans plus de 60 établissements", dont une vingtaine accueillant des Français. La Cour appelle donc à un renforcement des contrôles conjoints entre la France et la Belgique et, plus globalement, à un approfondissement de la collaboration entre les ARS et les départements concernés et les autorités belges. Les audits financiers sont par ailleurs trop peu fréquents au regard des "importants risques liés à l’existence d’une pluralité de financeurs et de régimes juridiques applicables", alerte la Cour.
Autre préconisation : un suivi plus précis des enfants hébergés en Belgique, y compris des enfants "relevant de l’aide sociale à l’enfance et disposant d’une orientation de la MDPH". Le séjour de ces derniers doit être pris en charge par l’Assurance maladie, selon la Cour des comptes. Cette dernière appelle enfin à "allouer les crédits du plan '50.000 solutions' selon une logique de rattrapage en faveur des départements les moins bien dotés en établissements et services médicosociaux".