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Haute autorité pour la transparence de la vie publique : "Beaucoup reste à faire"

Le rapport d'activité de la HATVP rendu public le 11 avril témoigne de l'impact des lois sur la transparence et des nouvelles obligations qui incombent désormais, au-delà des parlementaires, aux élus locaux et à certains de leurs collaborateurs. Les nouvelles règles du jeu ne sont pas encore bien acquises. 

"C'est une mission immense" et "beaucoup reste à faire", reconnaît le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Jean-Louis Nadal, cette instance indépendante créée fin 2013, qui rendait public ce 11 avril son deuxième rapport d'activité. Une instance dont le périmètre s'est très sensiblement élargi : alors qu'au moment de sa création, environ 8.000 personnes entraient dans son champ – élus et responsables publics soumis à l'obligation de déclarer leurs intérêts ou leurs patrimoines –, ce sont aujourd'hui quelque 15.800 personnes qui sont concernées. En sachant notamment qu'en 2016, année sur laquelle porte le rapport d'activité, la Haute autorité a pour la première fois rendues publiques les déclarations d’intérêts des conseillers départementaux élus en 2015 et des adjoints au maire des communes de plus de 100.000 habitants.
A l'heure où "la campagne présidentielle donne un relief particulier aux questions de probité des responsables publics", seuls douze dossiers ont été transmis à la justice en 2016, soit "moins de 1% du millier de déclarations contrôlées", pour "des faits graves portant sur des omissions ou des sous-évaluations" de patrimoine, relève Jean-Louis Nadal. "Nous avons fait preuve d'écoute et de pédagogie, en reconnaissant un droit à l'erreur à certains déclarants face à un exercice nouveau", mais "les choses sont effectivement amenées à évoluer", dit-il aussi.
Dans son rapport d'activité, la HATVP formule une série de propositions, dont la publication sur son site internet des déclarations patrimoniales des députés, sénateurs et eurodéputés. Ces déclarations des parlementaires sont actuellement consultables en préfecture - elles ne l'ont été que très peu - et ne peuvent être divulguées. S'agissant, toujours, des parlementaires, la Haute autorité préconise aussi d'"améliorer la transparence de l'emploi de l'IRFM" (indemnité représentative de frais de mandat). Elle a en effet identifié, lors de l'examen des déclarations de fin de fonctions, "plusieurs situations dans lesquelles l'IRFM avait contribué à un accroissement sensible du patrimoine des déclarants".

Elus locaux : entre méconnaissance et ambigüités...

La HATVP est consciente que les règles du jeu ne sont pas toujours bien connues… et pas toujours dénuées d'ambigüités. Notamment pour certains élus locaux. Ainsi par exemple, la loi du 11 octobre 2013 prévoit que les élus locaux titulaires d’une délégation de signature sont soumis aux obligations déclaratives. Or dans certaines collectivités, "les titulaires de fonctions exécutives disposent d’une délégation de fonction et non de signature". Il a donc fallu préciser qu’une délégation de fonction "vaut également délégation de signature".
Autre exemple de difficulté : établir avec précision quels présidents d'EPCI entrent dans le champ des obligations déclaratives. La loi dit qu'il s'agit des présidents des intercommunalités "dont le montant des recettes annuelles de fonctionnement est supérieur à cinq millions d’euros". Mais quelles recettes exactement ? Fallait-il y inclure celles des budgets annexes ou pas ? Pour plus de clarté, on parle désormais de "montant des recettes totales de fonctionnement". Et puis la réforme de la carte intercommunale a fait entrer dans le champ des EPCI qui n'étaient jusqu'ici pas concernés.
Autre rôle de la Haute Autorité vis-à-vis des élus : "Se prononcer sur la compatibilité de l’exercice d’une activité professionnelle au sein du secteur concurrentiel avec des fonctions (...) exécutives locales exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité". Une obligation encore méconnue. Or certains anciens élus auraient effectivement dû saisir la Haute autorité. Le rapport précise d'ailleurs au passage que "trois types d’activités concentrent l’essentiel des reprises de parcours professionnels ou de reconversions : l’exercice de la médecine, du métier d’avocat et de fonctions de conseil auprès de personnes publiques ou d’entités parapubliques."

Les collaborateurs d'élus locaux aussi 

Au-delà des responsables politiques eux-mêmes, des difficultés sont également apparues pour certains collaborateurs. Il y a les conseillers en cabinet ministériel… mais aussi les collaborateurs des élus locaux qui, rappelle la HATVP, "sont désormais en partie soumis aux obligations déclaratives". Ainsi, lors de la nomination de certains collaborateurs d'élus, l’autorité territoriale doit "préciser les fonctions exercées par l’intéressé et le montant de sa rémunération ainsi que les éléments qui servent à la déterminer". Or l'"imprécision des textes pose des difficultés sérieuses", relève la Haute Autorité. Entre autres parce que les catégories de "directeur, directeur adjoint et chef de cabinet" prévues par la loi du 11 octobre 2013 "ne se retrouvent pas nécessairement dans les nominations et, plus encore, ne correspondent pas à la réalité de chaque collectivité, notamment lorsque l’autorité territoriale ne dispose que d’un ou deux collaborateurs." "Ce défaut d’harmonisation des modalités de nomination des collaborateurs locaux constitue donc un véritable obstacle à l’application de la loi et fait en outre peser une forte incertitude sur les principaux intéressés", conclut le rapport sur ce point. D'où, d'ailleurs, la proposition n°3 de ce document : "Clarifier la réglementation applicable aux différentes catégories de collaborateurs des responsables politiques".
En tout cas, la HATVP continue de mener un certain nombre d'"actions de sensibilisation" en direction des élus et agents territoriaux (présence au congrès des maires, information des associations de collaborateurs d’élus…), y compris pour leur rappeler son rôle de conseil et d'assistance. Mais aussi pour "encourager les exécutifs locaux à promouvoir l’adoption de documents internes, pouvant prendre la forme de chartes, et destinés à structurer les efforts entrepris pour prévenir les conflits d’intérêts".
Et l’Autorité compte bien, plus globalement, continuer à "rappeler leurs obligations aux collectivités visées par la loi et entend poursuivre l’effort engagé pour assurer au sein de la sphère locale la connaissance de l’ensemble des dispositifs introduits par les lois relatives à la transparence de la vie publique", énonce le rapport.

 

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