La Caisse des Dépôts lance un nouveau programme pour la montagne
À l’occasion du congrès de l’Anem qui se tient dans la station-village pyrénéenne des Angles, les 16 et 17 octobre, la Caisse des Dépôts dévoile un nouveau programme pour la montagne doté de six milliards d’euros d’ici à 2030. L’enjeu : aider les collectivités à diversifier leur économie et à répondre aux enjeux du changement climatique.
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C’est dans la station-village des Angles (Pyrénées-Orientales) que les élus de la montagne se réunissent pour leur congrès annuel à partir de jeudi 16 octobre sur le thème de "la montagne de demain". Quarante ans après la loi Montagne de 1985, les neuf massifs qui couvrent un quart du territoire français (Vosges, Jura, Alpes, Massif central, Pyrénées, Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion), avec 7 millions de permanents et près du double de saisonniers, font face à de nouveaux enjeux climatiques : hausse des températures deux fois plus rapide que sur le reste du territoire, fonte des glaciers et multiplication des risques naturels (éboulements, crues). Mais ils "constituent des leviers économiques importants, générant notamment 230.000 emplois dans l’agriculture et le tourisme" et représentent "des ressources majeures pour le pays, tels que la forêt et la ressource en eau", souligne la Caisse des Dépôts qui, pour les aider à répondre à ces enjeux environnementaux et économiques, lance un nouveau programme "Territoires de montagne" doté de six milliards d’euros d’ici à 2030.
Six priorités
Fruit d’un an de concertation avec les élus et les opérateurs de l’État ou des ONG telles que Mountain Wilderness, cette "feuille de route" est portée par la Banque des Territoires avec dix filiales du groupe*. Les 75 propositions qui sont sorties de ces échanges ont été regroupées en six priorités : habitat et logement (des familles comme des travailleurs), protection des ressources naturelles et des sols (renaturation, maîtrise du foncier stratégique, démantèlement d’infrastructures obsolètes), réduction des vulnérabilités (ponts, routes, tunnels, forêts…), accompagnement des territoires confronté à des "mutations économiques sévères" (stations de ski, stations thermales), soutien aux filières économiques (tourisme, agriculture, entrepreneuriat…) et innovation à travers l’offre de services (mobilité partagée, maintien des commerces…).
"Ces territoires confrontés à des sujets nouveaux nous ont font remonter des besoins. Il faut donc apporter des ressources pour y répondre et les accompagner dans leurs trajectoire", déclare Michel-François Delannoy, directeur du département d’appui aux territoires de la Banque des Territoires.
L’enveloppe mobilisée par la Caisse des Dépôts comporte 5,5 milliards d’euros de prêts à des taux préférentiels. "Des prêts à très long terme, 25 ans, 30 ans, 40 ans et plus, à des taux de 2 à 2,3% là où les banques traditionnelles prêteraient plutôt à hauteur de 4%. C’est du financement très avantageux", précise le directeur de la Banque des Territoires, Antoine Saintoyant, dans un entretien au groupe Ebra paru ce mardi. Le reste (400 millions d’euros environ) se traduira par des investissements en fonds propres dans des sociétés de projets et 30 millions d’euros en ingénierie. Il s’agira par exemple de travailler avec un département sur la vulnérabilité des routes (risques d’éboulement, pont mal calibré…), avec un syndicat sur l’aménagement d’un cours d’eau ou d’accompagner des communes dans la production de logements. "Les opérateurs classiques tels que les bailleurs sociaux ne vont pas dans ces territoires alors qu’il y a une forte demande pour les familles et les saisonniers", explique Michel-François Delannoy.
Différenciation de l’offre selon les massifs
Au titre de l’intérêt général, la Caisse des Dépôts a une "légitimité à intervenir", insiste-t-il. Impliquée dans les premiers plans Neige, notamment à travers la Compagnie des Alpes, elle est actuellement partie prenante du programme Avenir Montagnes lancé en 2021 et qui s’achève fin 2026, mais dont la poursuite est suspendue aux décisions gouvernementales. "Nous n’attendons pas, il faut agir dès à présent", souligne le responsable. Et de préciser que le programme repose sur une "différenciation de l’offre selon les massifs". Les directions régionales de la Banque des Territoires et les filiales travaillent actuellement en région à l’élaboration d’un "plan de route" pour chaque massif.
Le plan démarre dès à présent, même s’il faudra attendre les élections municipales de 2026 pour y voir plus clair sur les intentions des équipes municipales. Il s’adresse plus largement aux intercommunalités, mais aussi aux départements "qui vont être très concernés, notamment sur l’anticipation et la réduction de la vulnérabilité liée aux désordre climatique" et, enfin, aux régions qui ont leurs propres plans montagne et participent aux contrats de massifs.
La Caisse des Dépôts a ainsi prévu d’accompagner "30 stations de sports d’hiver sur la la transformation de leur modèle économique", indique Antoine Saintoyant, dans son entretien à la presse régionale. L’idée est de les aider à élaborer un "scénario de rebond", pour se préparer à l’après-ski ou bien travailler à un scénario intermédiaire. "Il ne faut pas attendre d’être dans la difficulté pour intervenir", soutient Michel François-Delannoy.
Référendums citoyens
Plusieurs stations ont enclenché ce virage, comme Métabief dans le Jura, située entre 890 et 1.420 mètres d'altitude, qui vient de décider de supprimer un tiers de son domaine skiable et d’accélérer sa transition vers un "tourisme quatre saisons". "C’est toujours un moment extrêmement difficile. Eux misent beaucoup sur la nature. Au-delà du ski, ils veulent optimiser tout ce patrimoine et faire en sorte de rester une destination touristique", relève Michel-François Delannoy, conseillant de recourir à des "écologues". Autre exemple : celui du Planolet (Isère), où une association de bénévoles "Nouvelles traces en Chartreuse" a repris en urgence, l’an dernier, la gestion du domaine à la communauté de communes de Cœur de Chartreuse pour une durée de cinq ans. Une façon d’amorcer à moindres frais une transition vers un tourisme quatre saisons, sans abandonner le ski.
À l’approche des élections municipales, le débat est vif dans plusieurs stations. Dans certaines d’entre elles, des référendums citoyens ont permis d’apaiser les tensions. Au Grand Puy (Alpes-de-Haute-Provence), les habitants ont voté, l’an dernier, pour l’arrêt de l’activité ski qui affichait de lourdes pertes. La commune procédera au démantèlement des remontées mécaniques, comme la loi Montagne II de 2016 l’impose. "Il est encore trop tôt pour citer des territoires qui ont réussi à passer d’un tourisme à un autre mais il est sûr que des villages qui ne vivent pas exclusivement du tourisme, comme les Angles, sont moins vulnérables", affirme Élise Migieu, cheffe de mission Montagne à la Banque des Territoires.
*Bpifrance, Compagnie des Alpes, Icade, Suez, Le Groupe La Poste / La Banque postale, Transdev, La Forestière, CDC Biodiversité et Scet.