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Administration numérique - La dématérialisation des factures bientôt dans les tuyaux des collectivités

Les factures papier envoyées aux administrations vont bientôt disparaître. La loi du 2 janvier 2014 de simplification et sécurisation de la vie des entreprises a en effet remis sur les rails la facture électronique. Et l'ordonnance qui fixera ses modalités de mise en oeuvre est programmée d'ici l'été, avec une obligation progressive à partir de 2017. Elle s'imposera aussi bien à l'Etat qu'aux collectivités et aux établissements publics, selon des modalités en grande partie déjà définies.

En France, le processus de dématérialisation remonte à 2008. C'est la loi de modernisation de l'économie qui introduit la facture aux formats dématérialisés et qui fixe sa mise en œuvre au 1er janvier 2012. Mis dans l'obligation de recevoir les factures électroniques de ses fournisseurs - à condition qu'ils respectent les règles fixées par un décret de décembre 2011 (N°2011-1937) -, l'Etat a déployé le portail "Chorus factures", pour assurer une transmission normalisée des factures en mode manuel ou en mode flux pour les gros émetteurs. A l'époque, le dispositif n'incluait ni les établissements publics locaux et nationaux ni les collectivités territoriales pour lesquels l'acceptation restait optionnelle.

Un volume estimé à 95 millions de factures

Tout va changer avec la loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises par voie d'ordonnance. La facture électronique constituera l’une des grandes priorités, en s'imposant désormais aussi aux collectivités territoriales et aux établissements publics.
Le périmètre total, évalué à 95 millions de factures annuelles, confère au projet un impact réel sur la dépense des entreprises et du secteur public. L'effet levier devrait être conséquent en termes de temps gagné sur toute la chaîne de traitement, de manipulation logistique évitée et de consommables / impression / coûts d'envoi économisés.
Le projet d'ordonnance poursuit son circuit de validation. Après avoir été soumis au secrétariat général du gouvernement (SGG), il sera examiné dans quelques semaines par la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) avant d'achever son périple au Conseil d'Etat, pour une publication qui reste fixée au plus tard début juillet.
Le projet prévoit, pour les entreprises fournisseurs de l'Etat, des collectivités locales et des établissements publics, l'obligation d'adresser leurs factures sous format dématérialisé à partir de 2017. La voie d'un étalement progressif a été préférée à une bascule applicable en une seule fois à toutes les entreprises. Ce choix devrait assurer une transition plus aisée, côté fournisseurs, mais aussi une mise en œuvre opérationnelle dès le démarrage pour les administrations. Ainsi, l’obligation sera progressive en fonction de la taille de l'entreprise : les plus importantes en 2017, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) en 2018, les petites et moyennes entreprises (PME) en 2019 et les micro-entreprises en 2020.

Un travail de concertation mené très en amont

Pour les collectivités territoriales et les établissements publics, nouveaux entrants sur ce volet de modernisation, la méthode de déploiement a fait l'objet d'une concertation très en amont avec les associations d'élus représentatives réunies au sein de la structure nationale partenariale (SNP), animée par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). "Les débats ont notamment porté sur la mise en place d'une solution mutualisée de transmission pour les fournisseurs, afin d'éviter la multiplication des portails comme ce fut le cas pendant un temps pour les marchés publics", précise Emmanuel Spinat, délégué de la directrice à l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE), structure qui porte historiquement le système de gestion budgétaire et comptable de l'Etat (Chorus).
La difficulté consiste à assurer un adressage dématérialisé aux 36.000 communes, quel que soit le choix du fournisseur (EDI, PDF…). Aussi, la proposition de l'Etat de généraliser l'utilisation de la plateforme "Chorus Factures" comme portail unique a été accueillie favorablement dans son principe par les représentants des associations d'élus, étant entendu que les grandes collectivités ayant déjà déployé un portail disposeront d'une solution compatible avec leur propre dispositif.

Trois formules de transmission pour couvrir les besoins

Concrètement, le système propose aux fournisseurs trois formules capables de couvrir le plus large éventail de besoins : de la facture unique jusqu'à l'émission de plusieurs centaines de milliers.
Les fournisseurs petits et moyens des administrations disposeront sur Chorus Factures d'un mode de dépôt manuel de factures "PDF" éditées par leur logiciel de facturation et lorsqu'ils n'en possèdent pas, d'un mode formulaire de saisie en ligne. De leur côté, les grandes entreprises disposeront d'une connexion automatisée de type EDI afin de transmettre des flux "XML" automatisés. L'ensemble vise une simplification poussée de la procédure pour les entreprises. Ainsi, elles n'auront plus à se préoccuper du destinataire puisqu’à partir de l'identifiant de l'organisme exécutant indiqué sur la facture, dans la plupart des cas, un système de vaguemestre automatique, après avoir reconnu le destinataire, lui distribuera le pli électronique. Autre élément d'optimisation souhaité par les entrepreneurs et pris en compte par le système, le suivi des dossiers. Il sera possible de prendre connaissance sur un portail des différents stades de traitement des factures via un système de suivi interopérable quels que soient les systèmes d'information d'origine, à partir de Chorus, côté Etat et d'Hélios, côté collectivités locales. La plus-value sera partagée entre l'émetteur et le service traitant, car l'absence de vision unifiée génère beaucoup d'appels, chronophages pour les administrations comme pour les entreprises.

Finalité : une dématérialisation de bout en bout

Le modèle actuel est une première étape car rien n'est figé. Dans l'agenda de déploiement, s'il y a consensus sur le modèle de départ, l'AIFE et la DGFIP ont pris l'engagement de poursuivre la concertation, au-delà de la publication de l'ordonnance, notamment dans la phase suivante de définition du cahier des charges. Les deux prochaines années seront consacrées à l'intégration du volet "secteur public local" au sein de Chorus Facture (2015) puis à la réalisation de pilotes testés par des acteurs publics locaux candidats (2016) afin de proposer un dispositif opérationnel en 2017.
Si le bénéfice pour les entreprises du système sera sans doute important, à terme, l'opération devrait être également bénéfique pour les collectivités qui pourront bénéficier d'un système automatisé de bout en bout, jusqu'à la transmission des mandats et des pièces justificatives au comptable communal.
Aussi le choix retenu par l'Etat est ambitieux. Tout en suivant les évolutions du projet de directive relative à la facturation électronique adoptée par le Parlement européen le 11 mars dernier (à ce jour non encore publié au Journal officiel de l'Union européenne), la réforme prévue en France ira bien au-delà. En effet, elle s'appliquera non seulement à la facturation des marchés mais également à l'ensemble des autres factures fournisseurs de la sphère publique. De quoi satisfaire toutes les parties et assurer le consensus sur la réduction des coûts… Sujet très en vogue en ce moment.