La Fabrique de la donnée territoriale sélectionne ses premiers chantiers
L'IGN et une vingtaine d'associations d'élus et partenaires ont lancé à Paris la Fabrique de la donnée territoriale, un dispositif collaboratif destiné à harmoniser et mutualiser les données utiles aux services publics. Elle va travailler sur une base routière, les obligations légales de débroussaillement, les limites administratives et les chemins ruraux et communaux. Le portail data.gouv "pivote" par ailleurs pour mieux répondre aux besoins des collectivités.

© O.Devillers
La Fabrique de la donnée territoriale a été lancée à l'occasion du premier Forum de la donnée territoriale, organisé à Paris le 7 octobre 2025 à l'initiative de la FNCCR. Celle-ci se substitue à la Fabrique des géocommuns créée par l'IGN en 2021. Elle a vocation à devenir un des bras armés du programme Transformation numérique des territoires (TNT) copiloté par la Dinum, la DITP et l'ANCT (1). Elle découle notamment des conclusions de la mission data et territoires (voir notre article du 10 novembre 2023) qui avait déploré le manque de gouvernance partagée sur la donnée d'intérêt public et insisté sur la nécessité de coconstruire des standards pour favoriser le partage comme la circulation effective des données.
La base adresse nationale comme modèle
La Fabrique veut reprendre les ingrédients qui ont fait le succès de "géocommuns" tels que le référentiel national des bâtiments (RNB), en cours de finalisation, les vues immersives de Panoramax ou encore la base adresse nationale (BAN). "La BAN est reconnue internationalement comme la base d'adresses la plus fiable au monde, elle a été coconstruite par 35.000 communes", se félicite Nicolas Berthelot, responsable de la Fabrique à l'IGN. Ces réussites, qui concilient coconstruction avec l'écosystème et pilotage national, se sont traduites par des données standardisées, une harmonisation des pratiques et des services concrets. "La BAN est un cas d'école", a souligné Laurent Rojey, directeur du numérique à l'ANCT. "Ces données aident au déploiement de la fibre et améliorent l'acheminement des secours". Et c'est cette "valeur d'usage", y compris pour les petites collectivités, qui déterminera les priorités de la Fabrique.
Un collectif partenarial inédit
La gouvernance de la Fabrique repose sur un "collectif vivant" réunissant plus d'une trentaine d'institutions nationales, associations d'élus et de techniciens spécialisés sur la donnée. Parmi les partenaires on trouve des services de l'État (Dinum, ANCT, Cerema, Cnig…), une quinzaine d'associations d'élus (AMF, ADF, ARF, Villes internet, Interconnectés...) et des associations ou collectifs spécialisés (OSM, Afigéo, AITF, Declic…). L'IGN, qu'une circulaire du 5 septembre 2025 vient de désigner comme interlocuteur incontournable des administrations sur la production de données géolocalisées, mettra à disposition ses experts, ses ressources techniques et ira chercher, si nécessaire, des financements complémentaires.
Akim Oural, désormais membre du collège de l'Arcep, incarne la vision stratégique de la Fabrique en prenant sa présidence à titre bénévole. "La Fabrique s'articule autour de trois principes directeurs, résume l'ancien élu passé par OpenDataFrance : la mutualisation des ressources, la capitalisation des bonnes pratiques et la subsidiarité pour permettre des stratégies adaptées à chaque contexte territorial."
Quatre thématiques sélectionnées
En pratique, la Fabrique reste un incubateur de projets qui cible des chantiers data où l'Etat et les collectivités ont tout à gagner en se coordonnant. Pour identifier les thématiques, la Fabrique a marqué une rupture. L'approche à partir d'une collectivité ou d'une administration territoriale remontant un problème susceptible de déboucher sur une solution nationale, qui a prévalu ces dernières années, a été jugée "insuffisante".
"Un questionnaire a fait remonter une vingtaine de sujets par les partenaires, ils ont été évalués collectivement via des outils collaboratifs", détaille Nicolas Berthelot.
Les membres de la Fabrique ont sélectionné le 7 octobre quatre chantiers :
- création d'une base routière nationale ;
- obligations légales de débroussaillement ;
- limites administratives et compétences territoriales ;
- chemins ruraux et communaux.
Ces sujets vont faire l'objet d'investigations, notamment pour vérifier s'il n'existe pas des services imaginés localement susceptibles de passer à l'échelle, avant d'envisager des développements spécifiques. Les instances de pilotage de la Fabrique se réuniront deux à trois fois par an pour faire le point sur les avancées et choisir de nouvelles thématiques.
Data.gouv.fr pivote en intégrant des données restreintes et vectorisées
La Dinum fait pivoter data.gouv.fr, le portail historique de l'open data français, en intégrant un référencement de toutes les données publiques, ouvertes ou en accès restreint. "C'est un changement majeur", concède Geoffrey Aldebert, en charge du portail national. Cette évolution prend acte du fait que les administrations sont les premières (ré)utilisatrices des données et ont régulièrement besoin de données protégées pour dématérialiser leurs services. En pratique, il s'agit surtout d'une simplification du parcours utilisateur : les administrations n'auront plus à passer par un site spécifique, comme api.gouv.fr, pour être habilitées à accéder à des données sensibles (informations fiscales, sociales…). L'authentification et l'accès aux API se fera directement dans data.gouv.fr.
Autre innovation : la vectorisation de grandes bases de données publiques, étape préalable à leur exploitation par des IA génératives. Ces données vectorielles permettent de limiter les requêtes d'une IAG à une base de données (on parle de RAG) et contribuent à limiter les hallucinations. La Dinum s'est dotée d'outils pour industrialiser cette vectorisation – qui pourra se faire sur demande – et l'a déjà testée pour la base de service-public.fr. Dans les priorités de vectorisation, figurent les 9 bases de données du service public de la donnée (Sirene, BAN, Cadastre…). Cette vectorisation va aussi changer radicalement le mode d'accès aux données. Les utilisateurs auront la possibilité d'interroger les bases de données en langage naturel pour connaitre, par exemple, l'adresse d'un service administratif précis.
(1) Dinum : direction interministérielle du numérique ; DITP : direction interministérielle de la transformation publique ; ANCT : Agence nationale de la cohésion des territoires