Commande publique - La survivance du recours pour excès de pouvoir pour les tiers au contrat
Dans cet arrêt du 23 décembre 2016, le Conseil d'Etat est venu compléter le régime contentieux des tiers contre un contrat, édifié par la jurisprudence "Tarn-et-Garonne" de 2014. En effet, depuis cette décision, les tiers au contrat peuvent saisir le juge de plein contentieux pour contester la validité d'un contrat et en obtenir l'annulation. Mais quid du recours pour excès de pouvoir (REP) ? La présente affaire crée une brèche dans ce nouveau régime, pourtant unifié, dans le cas d'un contrat de partenariat.
En l'espèce, la SNCF Réseau et la SAS Gare de Mogère avait passé un contrat de partenariat pour la conception, la construction l'entretien, la maintenance et le financement du pôle d'échanges multimodal Montpellier Sud de France. Estimant que ce contrat méconnaissait les intérêts qu'elles défendaient, deux associations, Attac Montpellier et l'Asseco-CFDT, ont saisi le juge de l'excès de pouvoir pour demander l'annulation de l'acte d'approbation du contrat litigieux. Cet acte étant un décret, c'est le Conseil d'Etat qui a été directement saisi, statuant en premier et dernier ressort.
Un recours ad hoc
Les juges du Palais Royal ont tout d'abord commencé par examiner la possibilité pour des tiers de saisir le juge de l'excès de pouvoir de la légalité d'acte lié à un contrat. Suite à la jurisprudence "Tarn et Garonne", la seule possibilité de REP laissée à disposition des tiers concernait le recours contre les clauses réglementaires (Conseil d'Etat, 10 juillet 1996, n° 138536, "Cayzeele"). En revanche, le REP contre les actes détachables du contrat, autrefois ouvert en vertu de la jurisprudence "Martin" de 1905, n'est désormais plus possible.
Lors de l'audience, le rapporteur public, Olivier Henrard, a tout d'abord écarté la qualification "d'acte détachable" pour désigner le décret approuvant le contrat de partenariat. Selon lui, il ne s'agissait ni d'un acte relevant de la phase de formation du contrat, ni d'un acte d'exécution du contrat. Il qualifia le décret litigieux "d'acte hybride, charnière de ces deux phases". Afin d'articuler au mieux l'office du juge de l'excès de pouvoir et le régime du recours "Tarn-et-Garonne", il proposa donc de permettre aux tiers de former un REP contre l'acte d'approbation du contrat. Ce nouveau recours est ouvert uniquement contre les actes d'approbation et les tiers pourront exclusivement soulever des vices propres à cet acte. Le Conseil d'Etat a suivi ses conclusions.
Défaut d'intérêt à agir
La requête des associations a toutefois été rejetée. En effet, bien que le présent recours soit un REP, le Conseil d'Etat a précisé que l'intérêt à agir des tiers devait s'apprécier de la même manière que dans le cadre d'un recours "Tarn et Garonne". Dès lors, l'exécution du contrat de partenariat approuvé par le décret litigieux ne portant pas une atteinte directe et certaine aux intérêts des requérantes, celles-ci ne justifient pas d'un intérêt à agir suffisant et leur requête ne pouvait qu'être rejetée.
L'Apasp
Référence : C. E., 23 décembre 2016, n°392815