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L'ambition perdue de l'Agence nationale du sport ?

Un récent arrêt du Conseil d'État semble remettre en cause l'ambition initiale de l'Agence nationale du sport : sous la forme d'un GIP, celle-ci ne saurait être un lieu de gouvernance partagée et indépendante. Et ne peut qu'exécuter une stratégie définie par l'État.

L'Agence nationale du sport (ANS) tiendra-t-elle ses promesses ? Un arrêt du Conseil d'État du 8 juillet semble enterrer définitivement son ambition : devenir un lieu de gouvernance partagée entre les acteurs du sport. Comment en est-on arrivé là ?

Novembre 2017, la ministre des Sports Laura Flessel installe un comité de pilotage sur la gouvernance du sport. Objectif : repenser l’organisation du sport français. Moyens : accroître l'autonomie du mouvement sportif, clarifier le rôle de l'État et des collectivités territoriales. Autrement dit, mettre tout le monde autour de la table sur un pied d'égalité. Personne ne domine dans les droits de vote. Le ministère des Sports n'est plus seul décideur de la politique sportive de la France en dehors des domaines jugés "régaliens" (lutte antidopage, délivrance des diplômes, etc.).

Recours pour excès de pouvoir

20 avril 2019, le groupement d'intérêt public (GIP) ANS est né. Sa première convention constitutive est approuvée par arrêté. Elle prévoit ses missions : concevoir, de manière indépendante du cadre déterminé par l'État, la politique nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive. En matière de sport pour tous, la convention fixe un cap : "Soutenir, dans le cadre de la doctrine d’action collégiale partagée au sein du groupement, des projets visant le développement de l’accès au sport de tous les publics." La mention d'une "doctrine d’action collégiale partagée au sein du groupement" correspond bien aux demandes du mouvement sportif et des collectivités. Pas à celles des syndicats du ministère des Sports. Quatre d'entre eux forment un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté.

1er août 2019. Après que la forme du GIP a été remise en cause par le Conseil d'État, le gouvernement "bétonne" la création de l'ANS. Il l'inscrit dans la loi. Dorénavant, l'agence accomplira ses missions "dans le cadre de la stratégie définie par l'État". Une formule reprise par la convention constitutive définitive du GIP, approuvée le 8 octobre 2019.

L'État reste aux commandes

8 juillet 2020, dans son arrêt, le Conseil d'État invalide l'arrêté du 20 avril 2019. Il explique : la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit instituant les GIP "n'a […] pas entendu permettre que soient confiées à un groupement d'intérêt public des missions qui relèvent du gouvernement". Mais il valide la loi du 1er août 2019 qui assigne à l'ANS "des compétences d'exécution d'une stratégie définie par l'État".

Les choses sont désormais claires. Il ne saurait plus être question d'une gouvernance partagée du sport français. Tout au plus d'une mise en œuvre partagée de la politique décidée par l'État. Ce qui ressemble fort à la situation qui préexistait avec le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Dont l'ANS devait faire table rase.