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Sûreté nucléaire - L'Anccli dénonce un système de gouvernance qui se dégrade

L'Association des commissions locales d'information sur le nucléaire (Anccli) a jugé nécessaire le 31 janvier une "réforme en profondeur" du système de contrôle de la sûreté des installations nucléaires en France, après une année 2016 qui a révélé de nombreux "manquements". Dans la perspective des prochaines élections nationales, elle se pose en force de proposition et a élaboré trois livres blancs portant sur des thèmes qui lui paraissent aujourd'hui prioritaires : le démantèlement des centrales, la gestion des déchets et la planification de la gestion post-accident.

"La sûreté nucléaire est en crise, la situation est devenue inquiétante", a déclaré le 31 janvier Jean-Claude Delalonde, président de l'Association des commissions locales d'information sur le nucléaire (Anccli), qui regroupe les 35 commissions locales d'information (CLI), composées pour moitié d'élus, présentes sur le territoire autour des sites nucléaires.
L'année 2016 a été émaillée de plusieurs incidents et détections d'anomalies sur des réacteurs du parc français, notamment la chute d'un générateur de vapeur à la centrale de Paluel (Seine-Maritime), la détection d'irrégularités dans les dossiers de fabrication à l'usine du Creusot d'Areva ou encore les problèmes de ségrégation carbone sur 46 générateurs de vapeur dans 18 réacteurs et sur la cuve de l'EPR de Flamanville (Manche). Ces incidents se sont produits alors qu'EDF et Areva connaissent une situation financière et économique délicate. "Pour nous, l'exigence de sûreté nucléaire n'est pas négociable, a souligné Jean-Claude Delalonde. On ne doit pas négliger la sécurité des populations au nom de la rentabilité économique du secteur nucléaire."

Demande de débat national

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l'institution indépendante en charge du contrôle des installations sur le territoire, a elle aussi plaidé pour une réforme du système de contrôle et doit rendre des propositions mi-2017. Mais l'Anccli s'inquiète de la "pression" qui s'exercerait sur l'ASN dans le cadre de ses missions et préconise une "plus grande transparence" sur les justifications apportées par les exploitants concernant la sûreté des pièces et équipements nucléaires, et cela afin de "restaurer la confiance dans les contrôles", selon son président. L'association souhaite également la tenue d'un débat national sur les enjeux liés à la prolongation ou à l'arrêt des 58 réacteurs existants, notamment en matière de gestion des déchets et de démantèlement des installations. La construction d'une filière de démantèlement, avec une implication forte de la société civile, lui paraît aussi nécessaire.

Trois livres blancs

Pour diffuser largement ses propositions auprès des CLI et des institutions, elle publie coup sur coup trois livres blancs thématiques sur les sujets qui lui paraissent aujourd'hui les plus urgents à traiter. Le premier porte sur le démantèlement, un problème qui lui paraît d'autant plus important que les installations nucléaires ont été conçues et autorisées sans se préoccuper de leur fin de vie et que cette priorité s'accélère avec le vieillissement du parc – les centrales ont aujourd'hui entre 15 et 40 ans. Pour l'association, il ne faut pas se limiter aux aspects techniques. "Le démantèlement reste avant tout une opération locale, attachée à une installation, mobilisatrice de moyens et génératrice de risques pour le territoire concerné", souligne-t-elle. "Compte tenu du poids économique et du rôle structurant des installations concernées, les territoires ont besoin de pouvoir se préparer à la mutation profonde que constitue leur démantèlement, poursuit-elle. Pour l'anticiper, il est nécessaire que les exploitants rendent public au plus tôt le calendrier prévisionnel d'arrêt définitif de leurs installations".
Un deuxième livre blanc porte sur les déchets de haute et moyenne activité à vie longue. Pour l'Anccli, la gestion de ces déchets nécessite que l'on crée les "conditions d'une gouvernance de stockage pluraliste" associant la société civile. Parmi ses recommandations, elle préconise aussi la mise en place au niveau local et national d'"instances pluralistes permanentes pour assurer le maintien d'une mémoire vivante du site et assurer le passage de relais effectif entre les générations". Une structure de type CLI lui paraît pouvoir remplir cette mission de surveillance et de relais sur le long terme.

Propositions pour la gestion de crise

Le troisième livre blanc traite de la gestion de crise et post-accidentelle. S'adressant très directement aux élus et à la population, il contient 14 recommandations, de la planification de la gestion de crise à l'accompagnement et à la protection des populations. Pour l'Anccli, si les enjeux et les mesures à prendre sont globalement identifiés, "un important travail reste à faire quant à leur mise en œuvre". De plus, estime-t-elle, "une partie de la réflexion sur les mesures à prendre manque de réalisme au sens où elle ne tient pas compte de la réaction des populations en situation réelle". L'Anccli préconise d'abord d'étendre la préparation et l'information des populations sur l'intégralité des bassins de vie concernés, au-delà du périmètre des 20 km du rayon des plans particuliers d'intervention (PPI) prévu par la loi relative à la transition énergétique. Elle souhaite aussi que les plans communaux de sauvegarde (PCS) élaborés par les communes soient rendus plus facilement accessibles au public et aux Cli. Concernant la planification de la gestion post-accident, l'association liste aussi plusieurs mesures qu'elle estime indispensables comme le recensement des populations qui pourraient être affectées, selon des modalités qui pourraient être précisées par voie réglementaire, celui "exhaustif et régulier" des activités économiques qui devraient être maintenues ou relancées. S'y ajoutent des dispositions pour que les services publics de proximité soient assurés hors des zones d'évacuation obligatoire ou l'identification des ressources en eau vulnérables au stade de la préparation. Elle recommande aussi d'identifier autour de chaque site nucléaire, après la tenue d'un débat, des zones favorables à l'entreposage des déchets de décontamination et à l'épandage éventuel de produits contaminés. Enfin, elle propose plusieurs dispositions visant à renforcer le rôle des CLI dans la planification de la gestion de crise et post-accidentelle, en les associant notamment aux réflexions sur le zonage post-accidentel ainsi qu'à un éventuel plan de décontamination et en les consultant lors de l'établissement de la réglementation pour la commercialisation alimentaire au-delà des trois premiers mois suivant l'accident.