Le conseil départemental des Ardennes sommé de suspendre son fonds de soutien aux TPE

Mauvais signal pour les départements qui, depuis le début de la crise, font feu de tout bois pour sauver leurs TPE et artisans : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne vient de demander au conseil départemental des Ardennes de suspendre son fonds de soutien mis en place mi-mai. C'est le premier jugement de la sorte.

C’est une décision importante dans le bras de fer qui oppose depuis quelques semaines l’État et les départements sur la possibilité pour ces derniers d’allouer des aides aux entreprises de leur territoire en difficulté depuis le confinement. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suspendu, lundi 15 juin, le fonds de 5 millions d’euros mis en place par le conseil départemental des Ardennes pour soutenir les TPE menacées de dépôt de bilan. Il avait été saisi par le préfet du département, le 19 mai, dans le cadre d’un référé-suspension, quelques jours après l’annonce de la création de ce fonds.

Dans son ordonnance, le juge des référés s'est rangé à l'argument du représentant de l'État selon lequel il n'entre pas dans la compétence d'un département d'instituer un dispositif d'aide aux entreprises. Face aux velléités de nombreux départements d’intervenir dans ce domaine, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, avait elle-même rappelé les règles (héritées de la loi Notr de 2015) dans une instruction du 5 mai.

Bâtons dans les roues

Cette affaire illustre bien le problème qui se pose pour les départements. À savoir, comme l’a déclaré récemment le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, qu’il y a des "trous dans la raquettes" entre le fonds de solidarité national mis en place au mois de mars et les nombreux fonds régionaux créés par la suite, souvent même avec le soutien des départements, des intercommunalités et de la Banque des Territoires. C’est tout particulièrement le cas en région Grand Est qui a été la première à annoncer la création d’un tel fonds régional, le fonds "Résistance", fonctionnant sous forme d’avances remboursables. Le président du conseil départemental des Ardennes, Noël Bourgeois avait cependant souligné le besoin d’un "dispositif complémentaire", sous forme de subventions, s’inscrivant bien dans le cadre du fonds Résistance de la région. Las, le président de la région "lui a fait savoir le 9 mai dernier qu’il ne souhaitait pas proposer cette action au conseil régional", avait indiqué le département, dans un communiqué. Ce qui avait conduit le conseil départemental à lancer son propre dispositif, s'adressant aux TPE de moins de deux salariés installés dans des communes de moins de 2.000 habitants. Après avoir écrit au Premier ministre dès le mois de mars, sans obtenir de réponse, Noël Bourgeois avait saisi le président de la République dans un courrier du 11 mai pour l'alerter des bâtons mis dans les roues des départements. "Nous ne pouvons pas, faute de réponses locales adaptées, laisser les personnels de ces très petites entreprises rejoindre les rangs déjà trop importants des bénéficiaires de minima sociaux et aggraver la charge des dépenses sociales supportées par les conseils départementaux", avait-il plaidé auprès d'Emmanuel Macron.

Le député LR des Ardennes Cédric Cordier s'est fait l'avocat du dispositif départemental, le 11 juin, lors de l’examen de sa proposition de loi visant justement à donner la possibilité pour les départements d’aider leurs entreprises fragilisées, pendant la durée de la crise ; dérogation déjà permise pour ce qui est des catastrophes naturelles depuis la loi Engagement et proximité de 2019. Une proposition rejetée par l’Assemblée. Opposée au texte, la ministre de la Cohésion des territoires a annoncé à cette occasion qu’un décret permettrait de "territorialiser" le fonds de solidarité afin de répondre aux préoccupations des élus.

Plusieurs dispositifs sur la sellette

L'affaire n'est pas tout à fait terminée. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne va à présent examiner un autre recours du préfet demandant cette fois-ci l’annulation pure et simple du fonds, indique l’AFP. En attendant, plusieurs autres dispositifs départementaux sont sur la sellette. Le "fonds territorial et solidaire" mis en place par département des Bouches-du-Rhône avec la métropole d’Aix-Marseille et les chambres consulaires a dû être clôturé sur injonction du préfet. La Vendée avait de son côté mis en place un "fonds de secours d’urgence" - plus raccord dans son intitulé avec les compétences sociales du département -, seulement le préfet a considéré qu’il s’agissait bien d’une intervention économique et lui a demandé de le fermer. Enfin, le département de l’Orne avait voulu créer une aide de 500 euros complémentaire aux 1.500 euros du fonds de solidarité. Mais le 10 juin, le préfet a annoncé avoir saisi le tribunal administratif considérant que le dispositif n’est pas "pas légal, car sans coordination avec le fonds prévu par la loi".

Pour Noël Bourgeois, "empêcher les départements qui en ont les moyens, avec leur connaissance des acteurs et des enjeux locaux, d’agir autrement qu’en appui financier de l’État, des régions, des EPCI et de leurs dispositifs de prêt et autres avances remboursables auxquels nous participons aussi, c’est se tirer une balle dans le pied avant même la bataille décisive pour l’emploi qui commence maintenant".

 

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