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Congrès des maires - Le délicat dossier des dotations remis à l'ordre du jour

On pensait la réforme des dotations enterrée. Mais, Emmanuel Macron l'a remise à l'ordre du jour, mercredi. Recevant les maires à l'Elysée, il a souhaité un dispositif "plus lisible et plus juste". Au printemps dernier, 16.000 communes avaient vu leur dotation globale de fonctionnement baisser, et ce en dépit de la stabilité de l'enveloppe globale. Un cauchemar dont ont témoigné de nombreux maires lors du débat sur les finances locales qui s'est tenu ce 22 novembre, dans le cadre du Congrès des maires de France.

Une réforme peut en cacher une autre. Alors que le gouvernement prépare avec les associations d'élus locaux la réforme de la fiscalité locale qui permettra de compenser pour les communes et leurs intercommunalités la suppression de la taxe d'habitation, il mènera aussi une réflexion sur les dotations de l'État aux collectivités territoriales. Le président de la République en a pris l'engagement, mercredi soir, devant 2.000 maires qu'ils a reçus à l'Élysée. "Je suis prêt à rouvrir ce sujet", a déclaré Emmanuel Macron en réponse à la question d'un maire du département du Nord. "Nous allons le faire", a-t-il insisté, en assurant que les élus locaux seraient associés au chantier. Deux heures plus tôt, il avait pris devant les membres du bureau de l'Association des maires de France (AMF) "l'engagement" de lancer cette réforme. L'objectif, a-t-il déclaré, est de rendre le dispositif "plus lisible et plus juste".
Le président de la République a pris sans doute tout récemment la décision de remettre les dotations de l'État sur le métier. Devant les députés, fin octobre, la ministre de la Cohésion des territoires avait assuré que le gouvernement n'avait "pas de projet" de réforme de ce type. "Nous essayons d'améliorer le système", avait-elle dit en donnant pour exemple la rénovation de la dotation d'intercommunalité introduite dans le projet de loi de finances pour 2019 (voir notre article du 31 octobre 2018). Mais, fin connaisseur des finances locales, son collègue le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics avait estimé, au cours de la réunion, que la réforme des dotations sera "un chantier qu'il faudra rouvrir pour gagner en simplicité".

Une baisse de la DGF pour 16.000 communes

L'exécutif a répété depuis l'automne 2017, qu'après les réductions drastiques de la période 2014-2017, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est stabilisée globalement sur la durée du quinquennat. Mais, en avril dernier, environ 16.000 communes, selon l'AMF, ont vu leur DGF diminuer. Parfois de beaucoup, puisque plus de 850 d’entre elles ont essuyé une perte supérieure à 25%. Ce qui a suscité le courroux des maires concernés. Et une inquiétude que plusieurs d'entre eux ont exprimé lors du débat sur les finances locales que l'AMF a organisé jeudi matin, dans le cadre de son congrès. D'après chacun des témoignages, la réduction subite des dotations était liée à la modification de la carte intercommunale. En rejoignant un EPCI aisé dans son ensemble, leur commune a vu son potentiel financier augmenter, sans que simultanément sa richesse réelle ne change. Le calcul de leurs dotations a été de fait modifié, avec à la clé une amputation de leurs dotations.
Le gouvernement de Manuel Valls avait tenté de réformer la DGF dans le projet de loi de finances pour 2016, et ce sur la base d'un rapport de la députée Christine Pires Beaune. Mais en consultant les simulations produites par l'État, de nombreux élus locaux s'étaient inquiétés des conséquences de la réforme sur les dotations de leur collectivité. Une inquiétude qui avait conduit le Premier ministre à reporter d'un an (au 1er janvier 2017) la mise en œuvre de la réforme. Dès début 2016, les travaux de réflexion sur la DGF reprenaient jusqu'à l'annonce, début juin 2016, par le président de la République, de la volonté de passer par une loi spécifique. Mais en accédant à la demande des associations d'élus locaux, François Hollande ajournait une nouvelle fois une réforme qui devait disparaître des priorités de la fin du quinquennat.
Le défi auquel le nouvel exécutif doit faire face est de taille. "Tous les critères sont aujourd'hui défaillants", a estimé ce jeudi Christophe Jerretie, rapporteur spécial (LREM) à l'Assemblée nationale des dispositions budgétaires sur les dotations. C'est, en outre, un très gros chantier. Car, en parallèle de cette réforme, c'est celle des fonds de péréquation qu'il faudra inéluctablement lancer, comme l'a fait remarquer le maire d'Orléans, Olivier Carré. Et tout cela n'aura pas de sens si l'on ne met pas en chantier la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, a souligné de son côté Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps. Le chantier s'annonce ultra-sensible. "Dès qu'on va bouger les curseurs, ça va tanguer", a jugé Olivier Carré. Le responsable de la commission des finances de France urbaine a souhaité que les élus locaux disposent de simulations des effets de la réforme au cours de sa préparation. Sinon, "on va à l'aveugle", a-t-il dit.

Fonds de lissage

Sans attendre les discussions sur la réforme des dotations, les responsables de l'AMF ont poussé de nouveau à la mise en place d'un "fonds de lissage" destiné à aider les quelque 3.500 communes ayant perdu en 2018, du fait de la baisse de leur DGF, "l’équivalent de plus de 1 % de leurs recettes de fonctionnement". Récemment, le gouvernement s'interrogeait sur le financement d'une telle proposition et envoyait donc une fin de non-recevoir à l'association. "Le financement est là", a répondu, ce 22 novembre, Antoine Homé, rapporteur de la commission des finances et de la fiscalité locales de l'AMF. Qui a proposé de "basculer" vers le fonds de lissage les 62 millions d'euros que l'État prélève sur les recettes fiscales de plusieurs centaines de communes au titre de la contribution au redressement des finances publiques.
Les autres débats de la table-ronde ont évidemment porté sur la suppression de la taxe d'habitation. À l'unanimité, les maires ont déploré la disparition du lien fiscal entre les contribuables et leur commune de résidence. Ils ont aussi appelé à renforcer l'autonomie fiscale locale, en la gravant dans la Constitution à l'occasion de l'examen de la révision constitutionnelle.

 

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