Production locale - Le "made in Jura", antidote à la délocalisation ?

Pourquoi ne pas profiter de la période des fêtes pour acheter des jouets "made in Jura" ? Depuis sept ans, le département a entrepris une démarche très offensive qui s'appuie sur les nouvelles technologies. Un exemple qui commence à faire des émules.

Tout a démarré en 2003, sur une aire de l'autoroute A 39, dans un ensemble de pavillons baptisé "Aire du Jura", destiné à promouvoir l'industrie et les produits du coin. "Nous cherchions à dynamiser l'image du département, à faire comprendre que le Jura allait bien au-delà de la pipe de Saint-Claude. Avec le soutien de Gérard Bailly, alors président du conseil général, nous avons lancé le concept "made in Jura". Sans aucune formation en marketing, mais avec l'intuition que beaucoup de gens allaient s'y retrouver. Dans le Jura, il y a une passion du travail, du produit soigneusement ouvragé. Il manquait un outil pour communiquer tous ces savoir-faire", explique Joel Simon, aujourd'hui directeur de la promotion du département.
Sept ans plus tard, le "made in Jura" fédère plus de 700 entreprises, réunies dans un dispositif à plusieurs niveaux. C'est d'abord une marque, dûment déposée à l'INPI par le conseil général, et que toute entreprise jurassienne est libre d'utiliser. "A la condition principale que ses produits ou services soient majoritairement réalisés dans le département", indique Joel Simon. Avec la notoriété prise par le slogan et le logo, c'est une véritable plateforme de communication qui s'offre gracieusement aux entreprises. Et les sert notamment à l'international, où les savoir-faire locaux, bien que reconnus, manquaient d'un catalyseur. Ainsi Vilac, le fabricant de jouets en bois, a-t-il réalisé une percée spectaculaire, au Japon, avec ses produits siglés "made in Jura". Et tous les jouettistes jurassiens ont, aujourd'hui, intégré le label dans leur stratégie de vente. "Nous veillons à ce que le "made in Jura" ne se limite pas aux filières traditionnelles. Une entreprise allemande comme Emco, spécialiste des tapis à usage industriel, est très satisfaite de pouvoir utiliser la marque pour promouvoir la qualité de ses produits fabriqués par sa filiale à Dampierre", souligne Joel Simon.

Réseau social

Au-delà de l'effet de marque, "made in Jura" fonctionne comme un réseau social, rythmé par une série d'événements : un salon professionnel, qui réunit tous les trois ans plus de 300 sociétés et 40.000 personnes, un grand prix des entreprises les plus innovantes, des rencontres thématiques, des soirées jeunes entrepreneurs... Le tout amplifié sur le web, avec un arsenal digne d'une start-up high tech : un site portail (madeinjura.com) une page Facebook, un univers sur Second Life, une application iPhone... "Les entreprises, dans le département, sont disséminées, et se trouvaient relativement isolées. Aussi le dispositif s'est-il rapidement imposé comme le principal lieu de rencontre, à la fois physique et virtuel, entre tous les acteurs économiques. C'est notre première raison d'être : créer une solidarité de territoire, sous la bannière du 'bien faire'. Et cela s'est révélé particulièrement efficace pendant la crise", explique Joel Simon.
Exemple avec l'Atelier du Zou, une société d'architecture et d'urbanisme récemment fondée, à Lons-le-Saunier, par trois jeunes jurassiens qui, jusque-là, travaillaient à l'étranger. "En créant une page Facebook, 'Proud to be jurassien', histoire de garder le contact avec ma région, je suis tombé sur madeinJura.com. J'ai discuté avec ses responsables du projet que nous avions formés, avec mon frère et un ami, d'une société d'architecture axée sur le bois et la construction durable. Ils nous ont offert un stand sur leur salon, et nous avons pu voir qu'il existait en la matière une forte attente. Nous nous sommes lancés. Made in Jura nous apporte beaucoup de contacts, d'expertise, et nous fait gagner énormément de temps", raconte Marc Plésiat, l'un des trois associés d'Atelier du Zou, qui prévoit aujourd'hui d'embaucher. "Dans le Jura, il n'y a pas d'enseignement supérieur. Aussi ce genre de plateforme sociale peut-elle contribuer à faire revenir dans la région des talents qui s'étaient exilés pour leurs études puis leur métier", indique Joel Simon.

Une façon de se projeter dans la mondialisation

Le succès est tel que la marque risque aujourd'hui de se diluer dans le foisonnement d'initiatives, aussi bien en tourisme, en commerce et en agriculture qu'en industrie, cible première du projet. "Aussi nous envisageons de créer, l'année prochaine, une deuxième marque, répondant à des normes encore plus strictes, centrée sur les savoir-faire industriels, et dont l'attribution serait décidée par le jury de notre Grand Prix, principalement composé de chefs d'entreprise", précise Joel Simon. Avant de livrer la clé, selon lui, de l'opération, depuis son début en 2003 : "Nous évitons soigneusement tout ce qui peut ressembler à un repli identitaire. Le made in Jura, pour nous, c'est une façon de se projeter dans la mondialisation, avec suffisamment de force et d'intelligence collectives pour ne pas risquer la dissolution."
Si le modèle, dans ses multiples dimensions, reste unique en France, il commence à être étudié de près par différentes collectivités. Après le made in France, et face au made in China, des made in Haute-Savoie, made in Aquitaine, made in Troyes ?

Paul Arguin 

La fabrique hexagonale, le site des produits "encore" fabriqués en France

"Pour trouver ce qui est encore fabriqué en France, pour connaître les entreprises qui fabriquent en France." C'est ainsi que se présente le site La fabrique hexagonale qui référence toutes sortes de produits made in France : jouets, bicyclettes, chaussures, lunettes, cosmétiques, bijoux... jusqu'aux parapluies "Pujol", clin d'oeil au dernier film de François Ozon, Potiche. Le site propose également une entrée par région qui ne demande qu'à s'enrichir de nouvelles marques.
M.T.