Le projet de loi de décentralisation ne débouchera pas sur "un grand soir", assure Françoise Gatel

Avec le "grand acte de décentralisation" annoncé par le Premier ministre, "nous ne nous orientons pas vers un grand soir" institutionnel, a promis, le 4 novembre, la ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, qui s'exprimait au Sénat.

"Je ne crois pas aux grands soirs, parce que les lendemains sont des petits matins blêmes", a lancé Françoise Gatel dans l'hémicycle du Sénat, où un projet de loi de décentralisation pourrait être débattu avant les municipales – si le gouvernement de Sébastien Lecornu n'est pas renversé d'ici là. 

La ministre et ex-sénatrice a prôné "le pragmatisme" et présenté en contre-exemples les "lois de réforme territoriale", comme les lois sur la délimitation des régions et Notr de 2015. Ces textes "ont été conçus d'une manière uniforme, un peu sous forme d'équations" et "mesuraient l'efficacité de l'action publique en s'appuyant sur des seuils et le nombre d'habitants", a-t-elle critiqué.

Françoise Gatel s'est montrée rassurante vis-à-vis des élus locaux, lors d'un débat sur "l'avenir de la décentralisation", organisé à l'initiative du groupe Les Républicains. "Je ne m'inscris nullement dans une logique de suppression d'un niveau de collectivité", a-t-elle déclaré.

"L'État doit se détendre"

La ministre a réaffirmé que l'un des objectifs du futur projet de loi de décentralisation sera de clarifier les compétences entre l'État et les collectivités territoriales, d'une part, et entre collectivités d'autre part. "Il faut que l'État (…) définisse avec vous (…) et avec les associations d'élus ce qui relève de sa compétence. L'État doit se détendre, s'occuper de ce qu'il sait faire, puis laisser les collectivités agir", a-t-elle estimé devant les sénateurs. Françoise Gatel a aussi prôné, "pour que les choses soient claires", la désignation d'un "chef de file" pour l'exercice de la compétence en matière de tourisme, qui voit toutes les catégories de collectivités intervenir.

La simplification, qui constituera l'un des axes du projet de loi – le Premier ministre l'a indiqué dans une récente circulaire aux préfets (voir notre article) – doit s'accompagner d'une démarche d'"évaluation systématique", a considéré la ministre. Elle proposera au chef du gouvernement de faire précéder l'examen de tout projet de loi d'une "étude d'options" - afin d'interroger l'utilité du texte - et de mettre en place des "clauses guillotines" instaurant une norme pour une durée limitée ("quatre ou cinq ans"). 

Sur l'idée de confier plus de pouvoir réglementaire aux élus locaux défendue notamment par l'Association des maires de France, la ministre a émis des réserves. "Les plus petites collectivités (…) ne sont pas en mesure d'assumer les risques qui y sont associés", a-t-elle soutenu.

Alors que de nombreux sénateurs ont fait de la capacité de moduler les impôts une "condition sine qua non" de la décentralisation, l'ex-maire de Châteaugiron a considéré, elle, que les collectivités ont besoin d'un "mix", avec des dotations "qui garantissent que les objectifs fixés par l'État puissent être atteints" et "une capacité fiscale propre aux collectivités".

"Confiance dans les élus locaux"

Pour le groupe LR, Agnès Canayer a appelé à "se garder de la tentation d'orchestrer un big-bang territorial" et à accorder de la "flexibilité" dans "l'exercice de certaines compétences clés, par exemple en matière de logement, de construction ou de tourisme". Mais des orateurs d'autres groupes ont souhaité une réforme profonde. "Et si la France de demain s'inspirait du modèle fédéraliste ?", a ainsi lancé la sénatrice radicale (RDSE) Annick Girardin. Et le macroniste Jean-Baptiste Lemoyne a estimé nécessaire "un profond changement de paradigme". L'ex-ministre a proposé de réfléchir à "faire passer les agences régionales de santé (ARS) et les sujets de santé dans le giron des régions".

"L'avenir de la décentralisation passe avant tout par la confiance (…) dans les élus locaux", a estimé pour sa part Marie-Pierre Bessin-Guérin (Indépendants).

Sur tous les bancs, les sénateurs ont interpellé la ministre sur l'incohérence selon eux manifeste entre le lancement d'un grand acte de décentralisation et les ponctions sur les collectivités prévues par le projet de budget pour 2026. 

 

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