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Logement - Le projet de loi Duflot en débat mardi au Sénat

A la sortie du Conseil des ministres, Cécile Duflot et trois autres de ses collègues ont commenté le projet de loi de mobilisation générale pour la construction de logement qui sera discuté à partir de mardi 11 septembre au Sénat. D'autres voix se font également entendre, suggérant déjà des améliorations pas uniquement à la marge.

François Lamy, Geneviève Fioraso et Frédéric Cuvillier accompagnaient Cécile Duflot à la conférence de presse organisée à la sortie du Conseil des ministres où elle avait présenté quelques minutes plus tôt son projet de loi relatif "à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social". La commission des Affaires économiques du Sénat examinera le texte mardi 11 septembre au matin, pour un examen en séance le même jour à 15h, dans le cadre de la session extraordinaire du Parlement.
Geneviève Fioraso a naturellement salué le volet du texte portant sur la mise à disposition du foncier public pour le logement et bien noté que Cécile Duflot déclarait que le logement étudiants pourrait représenter 6 à 7% des logements construits dans ce cadre. "Le Plan Campus prévoyait 13.000 logements", a rappelé la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, "quatre ans et demi après, une seule convention a été signée ; ce qui prouve que lorsque les collectivités locales et les bailleurs sociaux ne sont pas associés, cela ne peut pas marcher". L'ancienne élue de Grenoble observe au passage que la hausse du recours aux colocations pour les étudiants, dans de grands appartements de centre-ville, provoque un phénomène d'éviction des familles vers la périphérie. Phénomène que le dispositif d'encadrement des loyers, associé à la construction de logements spécifiques pour les étudiants, pourrait contrer.

500 ha de friches ferroviaires

Frédéric Cuvillier a lui aussi évoqué les enjeux urbains que constituerait la valorisation de friches ferroviaires en quartiers d'habitat. Les présidents de la SNCF, de RFF et de la RATP lui ont promis 500 hectares (dont 350 ha de RFF et 140 ha de la SNCF), sur 150 sites, concernant 120 communes. On est tout de même loin des 4.000 hectares identifiés par RFF en 2008 (voir notre article du 30 avril 2010)...
Le ministre délégué aux Transports a par ailleurs décidé d'engager une démarche sur les patrimoines des ports fluviaux et maritimes. Cécile Duflot a d'ailleurs précisé que le recensement des terrains de l'Etat et de ses opérateurs n'était ni achevé ni définitif ; d'une part parce que les administrations d'Etat peuvent en libérer de nouveaux, d'autre part parce qu'il est possible que des collectivités repèrent des terrains d'Etat non recensés. A elles alors de les signaler.
A elles également de porter les projets sur ces sites. Ce qui ne signifie pas que le parc privé en sera exclu : "il pourra y avoir des opérations mixtes", a confirmé Cécile Duflot, tant pour le logement que pour les activités. Attention toutefois : l'importance de la décote que l'Etat accordera aux prix de ses terrains sera fonction de la dimension sociale du projet. "Ce qui justifiera la décote sera l'intérêt général : la part du logement social et très social", a insisté la ministre.
Quant au bail emphytéotique, elle estime que l'outil "n'est pas à exclure", et que s'il n'a pas explicitement sa place dans le projet de loi c'est parce qu'il ne nécessite pas d'ajustement législatif.
Concernant le deuxième volet du projet de loi, sur le renforcement de l'article 55 de la loi SRU, Cécile Duflot a réaffirmé que "l'argent issu des pénalités (Ndlr : qui seront multipliées par cinq pour les maires qui se "revendiquent hors la loi" dixit la ministre) servira à la construction de logements sociaux". Pas question donc, pour Bercy, d'en récupérer ne serait-ce qu'une part.

"Le Scellier est mort"

En attendant la grande loi cadre sur le logement, l'urbanisme et l'égalité des territoires, "qui sera déposée au printemps au Parlement", a souligné la ministre (mettant ainsi fin aux rumeurs qui la renvoyait à l'automne 2013), trois dispositifs prendraient place dès la loi de finances pour 2013. Cécile Duflot compte ainsi inscrire dans le PLF les mesures déjà évoquées pour lutter contre les logements vacants (voir notre article Cécile Duflot dans la course aux logements du 28 août), pour libérer des terrains privés constructibles par une incitation fiscale plus adaptée et pour "favoriser une offre à prix maîtrisé, avec des conditions sociales à respecter, en s'appuyant sur l'investissement privé". A ceux qui croient voir dans ce troisième point une réforme du dispositif Scellier, la ministre rétorque : "Le Scellier est mort au 31 décembre 2012."
Au-delà des investisseurs individuels, Cécile Duflot entend également mobiliser les investisseurs institutionnels avec qui le "dialogue est engagé", assure-t-elle. Un dialogue qui déboucherait sur "un dispositif partagé qui éviterait le cadre législatif".

L'USH "très satisfaite", mais…

L’Union sociale pour l’habitat a fait savoir, dans un communiqué, qu'elle était "très satisfaite des principales dispositions du projet de loi". Elle propose toutefois quelques améliorations qu'elle ne manquera pas d'introduire dans le débat parlementaire. Concernant la mobilisation du foncier public, l'USH suggère que "l'élaboration et la mise à jour périodique de la liste des biens cessibles (terrains ou bâtiments) soient assorties de garanties de transparence et qu’elles soient menées en concertation avec les représentants du logement social". Un dispositif de suivi lui paraît également nécessaire, "notamment pour que ces opérations soient réalisées dans des délais rapides". L’Union insiste aussi sur "les compétences d’aménageurs des organismes Hlm" qui "pourront utilement être mises à contribution dans la recherche d’une meilleure mixité des programmes à réaliser".
Concernant le relèvement de 20% à 25% du taux de logement social imposé aux communes dans les territoires les plus tendus, l'USH souhaiterait que l’obligation soit étendue "aux communes qui ne sont pas actuellement concernées par la loi tout en connaissant un développement démographique rapide et durable".

25 % sur la commune ou sur l'agglo ?

L’Association des maires de grandes villes de France "se réjouit" également. Mais son président Michel Destot, également député-maire de Grenoble, pourrait bien défendre l'idée, à l'Assemblée nationale, sur la question du seuil de 25%, de "retenir une moyenne d’agglomération plutôt que de l’appliquer strictement à chaque commune-membre" au motif que ces communes "ne disposent pas toujours des mêmes dessertes en transports et équipements publics".
Un autre député sera particulièrement actif dans le débat. Benoist Apparu, aujourd'hui parlementaire de la Marne, se dit favorable au 25%. "Si cette augmentation est zonée, permettant ainsi de construire plus là où sont les réels besoins, cela me semble utile", estime l'ex-ministre du Logement, "il en est de même pour la multiplication des pénalités lorsque les communes refusent de jouer le jeu". Mais attention, dit-il, "l’effort doit être réciproque". Au nom d'une "mixité qui va dans les deux sens", il déposera un amendement pour rendre applicable l’article L. 301-3-1 du Code de la construction et de l’urbanisme, qui prévoit que, lorsque les communes comptent sur leur territoire plus de 35% de logements sociaux, elles ont l’obligation de construire d’autres types de logements.

"Une mesure économiquement dangereuse"

Benoist Apparu considère en revanche que la cession gratuite des terrains de l’Etat serait "une mesure économiquement dangereuse et difficilement applicable". Il ajoute : "avec Bercy comme pilote unique pour la vente des terrains, cela prendra énormément de temps, il serait plus adroit de transférer cette compétence directement au ministère de l'Égalité des territoires et du Logement". Il affirme enfin que "le programme de cession de terrains publics sur la période 2008-2012 avait permis de construire 55.000 logements" et que l’annonce de la construction de 110.000 logements sur les terrains publics "correspond précisément à la programmation qu’avait lancée le gouvernement Fillon pour les années 2012-2016".
L'observatoire Clameur fait également ses calculs. "25% de logements sociaux cela veut dire que si l'on considère le parc locatif il y aura davantage de logements locatifs publics que de logements locatifs privés", s'insurgeait mardi Jean Perrin, président de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi) et de l'observatoire. "Est-ce que ce qu'on veut, c'est une France sans propriétaires ?", interrogeait-il. Et de lancer : "cela ne sert à rien de faire du logement Hlm à Rodez parce qu'il y a des problèmes à Paris".
Les sénateurs UMP et leur chef de file, Jean-Claude Gaudin, ont enfin déploré mercredi en fin d'après-midi, dans un communiqué, "l'inscription en catastrophe" à l'ordre du jour du Sénat du projet de loi. Cette inscription "ne permet aucun travail préparatoire des commissions, ni aucun respect des délais d'amendement", selon eux.

Valérie Liquet avec l'AFP

Terrains à bâtir de l'Etat : demandez la liste !

Alors que le Conseil des ministres du 5 septembre 2012 a examiné le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (voir notre article ci-contre du 3 septembre 2012), le ministère de l'Egalité des territoires et du Logement met en ligne l'inventaire du foncier public disponible, "qui a vocation à être enrichi au fil de l'eau". Dans la journée du 4 septembre, le ministère avait mis en ligne une première version de sa liste, mais cette publication a été jugée prématurée avant la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. En revanche, il est prévu que le Premier ministre accompagne, le 7 septembre, la ministre du Logement dans la visite d'un site emblématique de la difficulté à mobiliser certains terrains : celui de la caserne de Reuilly, dans le 12e arrondissement de Paris.
Dans sa présentation de la liste des terrains mobilisables, le ministère rappelle que "le gouvernement prévoit d'ici à 2016 la cession de 930 sites, qui représentent 2.000 hectares de terrains publics". Ces cessions se feront avec "une forte décote pouvant aller jusqu'à la gratuité pour les logements sociaux". Elles devraient permettre de créer environ 110.000 logements, dont près de la moitié en Ile-de-France.
Les données vont être mises en ligne sur data.gouv.fr, la plateforme française d'ouverture des données publiques (open data). La carte de la répartition régionale des terrains mobilisables - également publiée par la ministère - montre de très fortes disparités territoriales. L'Ile-de-France - qui concentre les plus fortes tensions dans le domaine du logement - compte ainsi 375 terrains mobilisables, soit 40% du total, contre seulement un terrain mobilisable en Auvergne ou en Corse. Au sein de l'Ile-de-France, c'est l'Essonne qui présente le plus grand nombre de terrains (83), devant les Yvelines (51), la Seine-et-Marne (50), la Seine-Saint-Denis (47) et Paris (44), En revanche, le Val-de-Marne, le Val d'Oise et les Hauts-de-Seine ne comptent respectivement que 20, 23 et 24 terrains à bâtir. En dehors de l'Ile-de-France, la liste est le reflet des territoires les plus tendus : 74 terrains mobilisables dans le Nord-Pas-de-Calais, 62 en Rhône-Alpes, 43 en Languedoc-Roussillon et 40 en Provence Alpes Côte d'Azur. Les écarts observés en métropole se retrouvent outre-mer : l'Etat affiche ainsi 21 terrains mobilisables en Guadeloupe, mais seulement 2 en Martinique. 

Jean-Noël Escudié / PCA