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Environnement - Le rapport Gaymard sur l'avenir de l'Office national des forêts propose de renforcer les relations avec les communes

Rendu public le 20 octobre, le rapport sur l'Office national des forêts (ONF) remis par Hervé Gaymard au président de la République entend affirmer l'établissement public comme acteur majeur des enjeux économiques et environnementaux liés à la forêt et recommande notamment de consolider les relations avec les communes forestières. Le président du conseil général de Savoie et du conseil d'administration de l'ONF s'était vu confier le 27 janvier dernier par Nicolas Sarkozy une mission portant sur le rôle de l'ONF dans la filière forêt-bois. Ce premier rapport remis le 15 octobre sera suivi d'un second qui portera sur les politiques forestières européennes et internationales. Il sera rendu "fin 2010-début 2011", a annoncé Hervé Gaymard.
L'ONF gère aujourd'hui 4,5 millions d'hectares de forêts et d'espaces boisés en métropole (plus du quart de la forêt française) dont 1,8 million d'hectares de forêts domaniales et 2,9 millions d'hectares appartenant à plus de 11.500 collectivités, ainsi que 6 millions d'hectares dans les départements d'outre-mer. L'enjeu est d'en faire aujourd'hui "l'outil d'une politique volontariste en faveur de la filière forêt-bois", souligne Hervé Gaymard en introduction de son rapport qui s'articule autour de douze propositions.

Favoriser la récolte de bois

Les quatre premières propositions portent sur les enjeux économiques de la forêt. Le rapport préconise ainsi de "regrouper l'offre de bois pour offrir de la visibilité aux industriels" en faisant du contrat d'approvisionnement - qui ne concerne aujourd'hui que 20% des volumes vendus - "le mode majeur de commercialisation des bois issus des forêts publiques". L'objectif est donc de le généraliser à tous les produits courants pour qu'il représente 90% des volumes pour les résineux et 60% pour les feuillus. Hervé Gaymard estime aussi que l'ONF doit "participer à l'émergence d'un réseau structurant d'entreprises performantes" pour faire face à la forte progression de la demande en matériaux bois modernes et en bois énergie. "A cette fin, l'ONF contribuera aux côtés d'autres partenaires au renforcement des fonds propres des entreprises concernées, soit au travers du fonds stratégique bois qu'il conviendra de porter à 100 millions d'euros, soit directement, notamment dans le secteur du bois énergie", avance-t-il.
Pour augmenter de manière significative la récolte de bois en France, il juge aussi nécessaire de réaliser d'"importants investissements en voirie forestière, places de dépôts et pour le moyen terme en plantations et replantations". Pour cela, il propose la création d'un fonds de mobilisation doté de 100 millions d'euros. Alimenté par les contributions de l'Etat, des collectivités et de l'Europe via le fonds européen agricole de développement rural (Feader), il ciblerait les massifs communaux ou privés déficitaires en investissements "et surtout les massifs de montagne", insiste Hervé Gaymard.
Il suggère aussi que l'ONF engage "une action concertée et conjointe avec les propriétaires forestiers privés et leurs organisations" pour intervenir dans les massifs sous-exploités. L'idée serait de créer des groupements d'entreprises ONF-coopératives afin de mobiliser les bois aujourd'hui hors d'atteinte dans des massifs prioritaires, en montagne notamment, identifiés dans les plans pluriannuels régionaux de développement forestier prévus par la loi de modernisation agricole (LMA).
Le rapport Gaymard formule aussi deux propositions pour "affirmer l'ONF comme acteur majeur des enjeux environnementaux". L'une consiste à "amplifier" sa "contribution au développement du bois énergie". "L'ONF poursuivra son action structurante dans la montée en puissance du bois énergie sous toutes ses formes, plaquettes forestières, granulés de bois, bois bûche, notamment au travers de ses filiales dédiées", indique le rapport. "Son action visera à assurer aux utilisateurs publics, industriels ou particuliers la visibilité et la pérennité de leur approvisionnement à long terme. Cette action est essentielle pour permettre à la France de tenir ses engagements ambitieux en matière d'énergies renouvelables à l'horizon 2020", poursuit-il.
Autre proposition : reconnaître l'ONF comme "gestionnaire d'espaces naturels à part entière". Hervé Gaymard estime que l'ONF, héritier de l'administration des Eaux et Forêts, a conçu et mis en oeuvre "depuis plusieurs décennies des modes de gestion spécifiques d'espaces naturels sensibles, aux caractéristiques très variées". "Malgré ces compétences reconnues, des réglementations plus récentes tendent à confier à des organismes dédiés nouveaux la gestion de ces espaces, dès lors que leur nature juridique est précisée, y compris lorsque ceux-ci se trouvent en forêt domaniale, souligne-t-il. La confusion et les coûts supplémentaires qui résultent alors de la superposition de compétences entre les deux organismes nuisent gravement à l'efficacité et à la lisibilité de l'action publique." Hervé Gaymard propose donc que l'ONF puisse être "expressément habilité à gérer de tels milieux". "La création du futur parc national forestier Entre Champagne et Bourgogne, dont le coeur est intégralement situé en forêts domaniales, fournit l'occasion de matérialiser une telle orientation", estime-t-il.

Pour la création de syndicats intercommunaux de gestion forestière

Le président de l'ONF avance aussi plusieurs propositions visant à mettre en place "une gouvernance responsabilisante" avec les communes forestières regroupées. L'une consiste à "favoriser sur le terrain la création de syndicats intercommunaux de gestion forestière (Sigf) aptes à regrouper l'offre de bois communaux à l'échelle d'un territoire ou d'un massif et à assurer les engagements de la partie communale des contrats d'approvisionnement de bois signés et gérés par l'ONF" et à créer simultanément au niveau national un comité consultatif issu du conseil d'administration de l'ONF, dédié à la forêt communale et présidé par le vice-président du conseil d'administration représentant les communes. Autre mesure préconisée : consolider le réseau de terrain de l'ONF auprès des maires, le versement compensateur de l'Etat et les frais de garderie à la charge des communes. Hervé Gaymard propose de stabiliser le réseau de terrain de l'ONF en forêt communale "fondé sur les unités territoriales, sur la base d'organigrammes territoriaux explicites et prévisionnels stables". En contrepartie de cet engagement, il suggère, dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens avec les communes forestières pour la période 2012-2016, de majorer progressivement les frais de garderie acquittés par les communes d'une contribution supplémentaire basée sur la superficie des forêts gérées. "Dans le même temps, l'Etat est invité à garantir le montant du versement compensateur à son niveau actuel (144 millions d'euros TTC, ndlr), ce qui en soi "implique le maintien d'une pression sur les effectifs de l'ordre de -1,5% par an", est-il précisé. A noter que depuis 2008, le plan de restructuration de l’ONF engagé par l'Etat prévoit notamment une réduction de ses effectifs de 6.800 fonctionnaires et 3.200 ouvriers forestiers.

 

Anne Lenormand