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Décentralisation - Le Sénat dit oui à des métropoles et communautés urbaines plus nombreuses

Examinant la réforme de l'action publique territoriale, les sénateurs ont donné leur feu vert à la création de métropoles dans huit agglomérations : Bordeaux, Rouen, Toulouse, Lille, Strasbourg, Montpellier, Grenoble et Rennes. Ils ont aussi voté les dispositions sur les métropoles de Marseille et Lyon, contrairement à celles concernant Paris. Par ailleurs, le Sénat a souhaité que les communautés de plus de 250.000 habitants puissent décider de leur transformation en communauté urbaine.

Les sénateurs ont adopté, le 5 juin, par 310 voix pour et 23 contre, l'article 31 du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale, article qui renforce le statut de "métropole" créé par la loi du 16 décembre 2010.
Le principal débat a porté sur le nombre des métropoles et la manière de déterminer celles qui accéderont à ce statut. Des amendements déposés par des sénateurs de tous bords (sauf les communistes) ont proposé de prendre en compte les fonctions exercées par les agglomérations, en plus - voire à la place - d'un critère démographique. Quant au gouvernement, il a tenté de revenir aux seuils démographiques qu'il avait proposés dans le texte tel que présenté en Conseil des ministres (à savoir une intercommunalité de 400.000 habitants dans une aire urbaine de 500.000).
Les sénateurs ont finalement retenu un amendement du rapporteur, René Vandierendonck, qui place la barre un peu plus bas que ce qu'avait prévu la commission des lois. Il est ainsi désormais prévu qu'une intercommunalité devra compter au moins 400.000 habitants (contre 450.000 dans le texte de la commission), dans une aire urbaine de plus de 650.000 habitants (750.000 dans le texte de la commission) pour devenir une métropole. Avec de tels seuils, huit agglomérations pourraient espérer accéder à ce statut (en sachant que Paris, Lyon et Marseille bénéficieront d'un statut particulier et que Nice est déjà une métropole). Il s'agit de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes et Rouen. Ces trois dernières agglomérations se qualifient de justesse.

"Assouplissements limités"

"Une augmentation du nombre des métropoles, peut-être judicieuse en termes de marketing territorial, ne manquerait cependant pas de galvauder la définition de la métropole", a affirmé le rapporteur.
Le 15 mai, la commission des lois du Sénat avait décidé que les intercommunalités concernées décideraient elles-mêmes de leur transformation en métropole (c'est-à-dire en un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre aux compétences renforcées), alors que le gouvernement voulait imposer ce statut par décret.
Les sénateurs ont retouché à la marge les compétences de ces métropoles. La commission des lois avait procédé aux principaux ajustements lors de l'examen du texte, les 15 et 16 mai derniers. A cette occasion, elle avait supprimé les transferts obligatoires du département vers la métropole. En séance, les sénateurs ont aussi convenu que "toutes les compétences acquises librement par un établissement public de coopération intercommunale antérieurement à sa transformation en métropole sont transférées de plein droit à la métropole". En outre, sur proposition des écologistes, les sénateurs ont prévu que les métropoles seraient compétentes pour "l'organisation" de la transition énergétique.
Le gouvernement a tenté, en vain, de revenir à la liste des compétences définies initialement par le projet de loi (notamment le transfert de l'ensemble de la compétence logement aux métropoles).

"Pompes aspirantes"

Plusieurs sénateurs de gauche ont dit leur crainte de voir les régions et les départements fortement amoindris, et, donc, dans l'incapacité d'effectuer de véritables politiques de solidarité. Le sénateur communiste Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, a aussi déclaré voir dans les métropoles de "véritables 'pompes aspirantes' non démocratiques, dans lesquelles des communes pourront être intégrées de force, éloignant d'autant la prise de décision des citoyens".
L'écologiste Ronan Dantec, élu de Nantes, a estimé que "nous payons aujourd'hui le fait que les grandes villes ont donné le sentiment de s'en sortir au détriment du reste du territoire, et ce sans se soucier des autres, ou rarement". Avant de conclure que cette "vision" est "aujourd'hui datée", citant l'exemple des villes de Chateaubriand ou Redon, qui ont gagné des habitants parce qu'elles ont bénéficié de la dynamique créée par les grandes villes de leurs régions. Depuis que la commission des lois a exclu le transfert des compétences départementales sans l'accord du département, "la métropole n'est plus une machine à tuer le milieu rural", a souligné, pour sa part, le socialiste Alain Anziani (Gironde). De son côté, citant l'exemple de la communauté urbaine de Brest, la ministre Marylise Lebranchu s'est engagée à ce que "les collectivités éloignées", qui "comptent moins d'habitants", ne soient pas laissées de côté.
Sur la question de l'élection des conseillers communautaires dans le cadre d'une circonscription intercommunale - défendue par les associations d'élus du monde urbain et l'Assemblée des communautés de France - les sénateurs n'ont pas tranché. Mais ils ont souhaité que le gouvernement présente au Parlement à la fin de l'été 2014 un rapport sur le déroulement de l'élection de mars prochain, au cours de laquelle les conseillers communautaires seront désignés par les électeurs à l'occasion des élections municipales. L'amendement était présenté par Michel Delebarre, sénateur du Nord et président de l'Association des communautés urbaines de France.

Des communautés urbaines en grand nombre

S'agissant des communautés urbaines, les sénateurs ont procédé, comme pour les métropoles, à des assouplissements. Mais dans des proportions plus grandes.
En commission, ils avaient souhaité que des communautés réunissant deux "fonctions de commandement" sur une liste de cinq fonctions (être un chef-lieu de région, disposer d'un CHU, ou d'un pôle universitaire, ou d'au moins deux pôles de compétitivité ou d'au moins deux pôles d'excellence). Lors de la séance du 6 juin, les sénateurs ont finalement supprimé ces critères pour revenir à des conditions liées uniquement à la population. Une communauté d'agglomération aura la faculté de devenir une communauté urbaine dès lors qu'elle a 250.000 habitants. Il en faut aujourd'hui 450.000 et le texte initial proposait le chiffre de 400.000. "Le projet de loi doit constituer, en complément de la création de métropoles, une opportunité pour conforter l'intégration de l'ensemble de l'intercommunalité urbaine", font valoir les auteurs de l'amendement, les socialistes Maurice Vincent (Loire) et Jacques Chiron (Isère). Plusieurs sénateurs ont fait part de leurs inquiétudes quant à la multiplication des communautés urbaines. A l'initiative du groupe écologiste, les communautés urbaines deviennent "des autorités organisatrices de la transition énergétique". De plus, elles gèrent les réseaux d'électricité, de gaz et de chaleur.
La discussion du projet de loi au Sénat doit se poursuivre jusqu'à la fin de la semaine.

 

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