Le vieillissement des personnes handicapées, un défi pour l’accompagnement à domicile et en établissement

Les personnes en situation de handicap âgées de plus de 50 ans sont de plus en plus nombreuses, ce qui impose une véritable adaptation de l’offre médicosociale, selon la Cour des comptes qui rend public ce 13 septembre un rapport sur le sujet. 

Le vieillissement des personnes en situation de handicap est "un phénomène de grande ampleur" qui n’a pas été suffisamment anticipé par les pouvoirs publics, selon la Cour des comptes qui publie ce 13 septembre 2023 un rapport sur le sujet. Deux repères sont cités : "le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) de plus de 50 ans a augmenté́ de 55% entre 2011 et 2019" et "celui des personnes accueillies en établissement médicosocial a progressé́ de 50% entre 2010 et 2018". Cette évolution, fruit du baby-boom et de l’allongement de l’espérance de vie des personnes en situation de handicap, impose une meilleure prise en compte des spécificités de ces personnes et des difficultés qu’elles rencontrent.

L’enquête de la Cour des comptes a notamment consisté à analyser des données des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des tableaux de bord des établissements et services sociaux et médicosociaux (ESMS). Des monographies portant sur huit départements (Dordogne, Essonne, Maine-et-Loire, Marne, Martinique, Meuse, Nord et Savoie) ont également été réalisées. 

Un réel manque d’accompagnement à domicile

Principale conclusion de ces travaux : les besoins des personnes handicapées vieillissantes ne sont que "partiellement satisfaits en matière d’accès aux soins et d’accompagnement social et médicosocial". De nombreuses demandes d’orientation vers un établissement ou un service médicosocial (ESMS) n’aboutissent pas, avec des difficultés supplémentaires pour les personnes présentant un trouble envahissant du développement et pour celles atteintes de schizophrénie.

"Près de 90% des personnes en situation de handicap vieillissantes vivent dans un domicile autonome et sont pour la plupart non accompagnées", est-il indiqué. Or, le manque d’accompagnement adapté "génère ainsi des situations non choisies pour les usagers", telles que des entrées en établissement, "et des surcoûts pour les finances publiques", selon la Cour des comptes. Cette dernière recommande donc aux départements et aux agences régionales de santé (ARS) de "délivrer des autorisations de services [d’accompagnement à domicile] couvrant les besoins d’un bassin de vie, en accordant une priorité à des opérateurs qui proposent des solutions graduées et diversifiées".

La Cour suggère également que les MDPH se voient confier "une mission de repérage des personnes en situation de handicap vivant à domicile pour leur proposer, à partir de 50 ans, une évaluation des besoins médicosociaux liés au vieillissement". Au-delà des effets bénéfiques pour les personnes elles-mêmes, un meilleur accompagnement à domicile permettra d’"alléger la pression sur les établissements et, ainsi, d’améliorer la situation de l’ensemble des personnes y accédant", est-il estimé. 

Des Ehpad "insuffisamment financés et outillés pour ce public"

Autre difficulté pour une personne handicapée au fil des années : les ruptures de parcours. Souvent cité, le passage à la retraite des travailleurs d’établissement et service d’aide par le travail (Esat) s’accompagne de la perte du logement en foyer lorsque l’Esat et le foyer fonctionnent de pair, mais aussi de la fin de l’accompagnement médicosocial et, au total, d’"une rupture importante avec l’environnement habituel, social comme amical". "Les personnes accueillies en établissement pour personnes handicapées bénéficient, en principe, de plus de stabilité", à condition que les projets d’établissement prennent en compte les besoins liés au vieillissement. Avec 40.000 personnes hébergées, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) "sont la principale structure d’accueil des personnes en situation de handicap vieillissantes" alors qu’ils sont "insuffisamment financés et outillés pour ce public spécifique"

Quatre recommandations sont formulées pour garantir plus de moyens dédiés aux établissements et services accueillant des personnes en situation de handicap vieillissantes, notamment en intégrant des critères de qualité dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom). Par ailleurs, "la continuité de l’accompagnement dans les établissements pour personnes âgées des personnes issues d’un établissement du secteur du handicap" passe par un maintien des moyens "qui leur étaient consacrés dans l’établissement d’origine", estiment les auteurs.

Les Sages de la rue Cambon appellent plus globalement à une "amélioration du pilotage public de l’offre médicosociale" sur la base d’"une analyse fine et continue du besoin". Cela passerait, pour la Cour, par la création d’un observatoire national du handicap et par la mise en place d’un "variable systèmes d’information" pour inciter les opérateurs à mieux faire remonter les données.