Archives

Commande publique - Légalité d'une candidature à un marché public : vers un élargissement de l'office du juge des référés ?

La commune de Brie avait lancé une procédure pour la passation d'un marché relatif à une étude d'urbanisme et sélectionné le groupement Urbea pour remplir les prestations attendues. Cette première procédure avait été annulée par le juge des référés en raison de l'absence de juriste au sein du groupement alors même que cette exigence figurait au règlement de la consultation. A la suite de ce jugement, une deuxième procédure a été lancée par la commune. Le marché a une nouvelle fois été attribué au groupement Urbea, dorénavant allié à l'association de gestion du conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en région des Pays de la Loire. Toutefois, bien que réunissant des juristes, cette association ne comptait parmi ses salariés aucun juriste spécialisé en droit de l'urbanisme. La société Sitadin Urbanisme et Paysage, candidat évincé, a donc saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes afin de faire annuler la procédure en cours. Le juge lui ayant donné raison, les titulaires du marché se sont pourvus en cassation devant le Conseil d'Etat.
La commune ayant abandonné la procédure de passation, cette affaire aurait pu aboutir à un non-lieu. Le Conseil d'Etat a néanmoins admis le pourvoi. Il se réserve en effet cette possibilité lorsqu'il juge opportun de statuer. La haute juridiction pourrait alors revenir sur une jurisprudence inchangée depuis les quinze dernières années, comme le propose le rapporteur public Gilles Pellissier.

La possibilité de contrôler les compétences juridiques d'un candidat

En l'espèce, le contrôle des compétences juridiques du candidat et la vérification de sa capacité à effectuer les prestations visées par le marché sont intimement liées, la présence d'un juriste spécialisé en droit de l'urbanisme étant exigée par le règlement de la consultation. Il est dès lors difficile de les distinguer. Or, selon la décision du Conseil d'Etat de 2000 "Syndicat intercommunal de la Côte d'amour et de la presqu'île guérandaise", il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les compétences juridiques d'un candidat, ceci ayant trait à la légalité et non à la procédure de passation. En effet, l'office de ce juge se limite au contrôle du respect des obligations de publicité et de mise en concurrence. Néanmoins, selon le rapporteur public, la présence au cours de la procédure de passation d'un candidat qui n'aurait pas dû être admis à présenter une offre est de nature à fausser la concurrence. C'est d'autant plus le cas s'il remporte le marché et que le contrat doit ensuite être résilié.

Une solution attendue

Les juges du Palais royal ont donc plusieurs options devant eux. Ils peuvent choisir le statu quo et confirmer leur jurisprudence "Côte d'amour" ou revenir sur cette décision pour permettre au juge des référés de se prononcer sur les compétences juridiques des candidats. L'office du juge des référés s'en verrait alors étendu. Le rapporteur public fait ainsi preuve d'une volonté de pragmatiser le contentieux. Exclure des pouvoirs du juge des référés la possibilité de contrôler la compétence statutaire/juridique d'un candidat revient en effet à la réserver à une instance ultérieure. Le Conseil d'Etat pourrait même aller plus loin et ne pas se limiter à ce seul élément de la légalité. Cela parait néanmoins peu probable étant donné l'office déjà conséquent de ce juge.
Quelle que soit la voie choisie par la haute juridiction, le pourvoi en cassation devrait être rejeté. Le juge de première instance ayant contrôlé une condition présente dans le règlement de la consultation, document incontournable de la candidature au marché, il n'a pas commis d'erreur de droit.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis