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Convention de l'ADCF 2013 - Les Etats généraux du Sénat... à Biarritz

Ils n'étaient pas à la Sorbonne, mais au palais des Festivals de Biarritz. Pourtant, durant deux jours, les congressistes de la 23e Convention nationale de l'intercommunalité, organisée par l'ADCF, n'avaient qu'un mot à la bouche : "décentralisation".

Une loi-cadre sur les compétences des collectivités, complétée par des ordonnances. Telle est la formule de la future loi de décentralisation envisagée par Marylise Lebranchu, et livrée, jeudi 4 octobre, dans le cadre de la 23e Convention nationale de l'intercommunalité.
Voilà l'unique annonce que les 1.600 congressistes ont eu à se mettre sous la dent. Et encore, elle n'était peut-être pas anticipée. La ministre répondait en réalité aux réserves exposées par la juriste Géraldine Chavrier, codirectrice du groupe de recherche GIS-Grale. "Pour que la future étape de la décentralisation ne soit pas une décentralisation de gestion mais de décision, cela suppose d'atténuer le principe de tutelle, donc d'engager une révision constitutionnelle", avait affirmé la juriste, précisant que le Conseil constitutionnel, dans sa composition actuelle, y serait opposé. "Madame, vous démoralisez les troupes !", a répondu avec humour l'ancienne ministre de la Justice, ajoutant : "Rien n'empêche d'avoir une loi-cadre et, une fois les compétences discutées, agir par ordonnance."

La petite phrase qui ne s'efface pas

Difficile toutefois de reprocher à la ministre de déflorer davantage le futur projet de loi, alors que les Etats généraux venaient à peine de débuter et que le président de la République ne s'était pas prononcé. Une position de principe qu'elle a dû répéter souvent, sans parvenir à effacer des esprits la petite phrase lâchée fin septembre aux Echos à propos du texte : "Il est écrit, il est prêt" (voir ci-contre notre article du 25 septembre 2012).
"Un Etat fort, stratège, présent, mais des collectivités en pleine force d'actions avec des compétences clarifiées par elles" : voilà ce à quoi devra aboutir la prochaine étape de la décentralisation. "Des compétences clarifiées par les collectivités" : ce sera le rôle dévolu aux futures conférences territoriales des compétences composées de "responsables exécutifs". S'il avait un temps été envisagé de les créer avant la loi cela paraît finalement "difficile", à la ministre de répondre à cette impatience.
"Nous attendons beaucoup de la conférence régionale des exécutifs qui doit être repensée, a ajouté Daniel Delaveau. C'est en son sein que pourra être établie le cadre du qui fait quoi" et "c'est sous son égide que devraient être élaborés les divers schémas de planification". Et de proposer : "Pourquoi ne pas intégrer dans ces contrats des orientations partagées qui prendraient valeur réglementaire, comme c'est le cas en Ile-de-France avec les contrats de développement territorial ?"
A l'échelle nationale, la confiance entre collectivités de même niveau et la confiance retrouvée entre l'Etat et les collectivités locales devra, selon Claude Bartolone, "s'incarner" au sein du Haut Conseil des territoires. "Qui ne devra pas être un énième comité Théodule", s'est empressé d'ajouter le président de l'Assemblée nationale. Cela ne sera pas le cas, s'est engagée Marylise Lebranchu. Ce sera au contraire "un lieu de discussion, de concertation et de négociation en amont de chaque texte de loi qui impactera les collectivités". Il se situera "à côté, sans doute, du Sénat" et traitera la question de la prolifération des normes, a-t-elle assuré.

Aller au bout

Alain Rousset a ré-exprimé, sur ses terres d'Aquitaine, la position gourmande de l'ARF : "Les régions veulent aller au bout des compétences qui sont les leurs" et pour cela, "il faut aller au bout de la décentralisation" (voir ci-contre notre article "Les régions bientôt de vrais patrons ?", du 13 septembre).
Anticipant les critiques le soupçonnant de "jacobinisme régional" (Jean Grenet, président de la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour, a effectivement mis en garde contre "le passage du jacobinisme parisien au jacobinisme régional", échaudé par l'autonomie des provinces espagnoles, ses voisines), Alain Rousset a assuré que les schémas aujourd'hui conduits par les régions (carte des formations, schéma de développement économique, trame verte-trame bleue…) "ont été faits en partenariat avec les collectivités locales". Mieux : "Rien n'aurait été fait sans l'appui et la complicité entre les intercommunalités et les régions." Il s'agit, pour lui du "couple nouveau". Filant la métaphore familiale, il poursuit : "Il faut que nous soyons adultes, nous vivons trop, en France, comme Tanguy chez ses parents."
Plus pudique, Daniel Delaveau préfère parler d'"axe fort" régions-communautés, venant de "notre culture du projet de territoire, de nos compétences stratégiques, de notre engagement dans les politiques contractuelles". Bref, "c'est au niveau régional que nous devons concevoir les grandes stratégies et les programmations concertées", tandis que " les conseils généraux seront à l'avenir davantage dans le registre de l'opérationnel".

Histoires de couples

Ces histoires de "couples", Jean-Léonce Dupont n'y croit pas. Selon lui, il y a deux triptyques : celui de la commune/intercommunalité/département qui gère la proximité et la solidarité ; celui de la région/Etat/Union européenne qui se mêle des grandes orientations stratégiques. Pour le vice-président du Sénat, également président du conseil général du Calvados, des régions plus grandes aux compétences renforcées éviteraient que certaines régions actuelles "sous-dimensionnées" ("il y en a en Alsace, en Corse, en Haute-Normandie..." ne soient tentées de jouer le rôle de proximité dévolu aux départements.
Ni couple, ni "axe", ni ménages à trois, pour Jacques Pélissard. La vision du président de l'Association des maires de France repose sur un système entre "partenaires". Il en voit à trois niveaux. Le premier, Etat/collectivités territoriales, doit s'approfondir en adoptant pour ligne de principe que "nous ne sommes pas des sous-traitants des politiques d'Etat". Le deuxième partenariat, bloc local/département/région, doit développer "une approche unitaire" par rapport à l'Etat. Au passage, le président de l'AMF précise qu'il souhaite "une dose" de clause de compétence générale pour le bloc local et des compétences plus spécialisées pour les régions. Enfin, le troisième niveau de partenariat se situe au sein même du bloc local. Il s'agirait alors d'améliorer les outils de mutualisation en révisant les pratiques d'exclusivité car "il est des compétences que l'on peut partager, comme la politique de la ville, le logement social, ou encore l'environnement…".
On le voit, même si "de toute façon tout est déjà écrit…", comme l'ont seriné, d'un air las et entendu, durant deux jours, les briscards de la politique locale, cela n'a pas empêché le débat. Un débat porté par une tête d'affiche qui a tenu ses promesses. A la concertation, désormais, de tenir les siennes.