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Finances locales - Les impôts locaux payés par les entreprises pourraient perdre une partie de leur dynamisme

L'une des dernières briques de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels,  à savoir le dispositif de mise à jour annuelle de ces données servant à fixer les montants des impôts locaux des entreprises, vient d'entrer en vigueur. Selon les experts, les modalités retenues par Bercy pourraient limiter la progression des bases de la fiscalité locale sur les entreprises. 

L'année 2019 devrait être "atypique" en matière de fiscalité locale, selon Christelle Gaucher, chef de service à la communauté d'agglomération du Pays basque et pilote du groupe de travail "fiscalité et dotations" de l'Afigese, association qui fédère les experts en finances des collectivités locales. En cause : l'entrée en vigueur, l'an prochain, de la mise à jour annuelle des valeurs locatives des locaux commerciaux. Ce dispositif a été créé par le Parlement dans le cadre de la réforme au long cours des valeurs locatives des bureaux, boutiques, magasins… L'idée est d'en finir avec la déconnexion des valeurs locatives - qui servent à calculer les montants des impôts locaux (taxe foncière et cotisation foncière des entreprises) - avec la réalité du marché locatif. Les modalités du mécanisme sont précisées dans un décret paru le 7 décembre dernier.
Selon le texte, les tarifs qui servent à fixer les valeurs locatives des locaux professionnels "sont mis à jour chaque année, en vue de l'établissement des impositions de l'année suivante, en appliquant des coefficients d'évolution aux derniers tarifs publiés". Selon les experts, l'option prise par Bercy induit que les tarifs appliqués en 2017 serviront de référence au calcul des impôts des entreprises de 2019 et, donc, que ne sera pas prise en compte la revalorisation forfaitaire de 1,2 % en 2018. Ce taux, qui avait été décidé fin 2017 par le Parlement, correspondait à l'inflation constatée sur un an. Il se révélait très favorable aux collectivités en comparaison des coefficients d'évolution qui doivent s'appliquer à partir de 2019. "Les éléments d'appréciation individuels que l'administration a récemment fournis aux collectivités locales conduisent à des niveaux de revalorisation des bases qui seront compris en 2019 entre 0 et – 1 %", assure Franck Claeys, directeur économie et finances de France urbaine.

Les bases des locaux d'habitation resteront dynamiques

Certaines collectivités pourraient donc voir, l'an prochain, leurs bases fiscales et donc la dynamique de leurs impôts singulièrement écornés. Pourtant, l'Association des maires de France (AMF) relativise la situation. Selon des simulations de la DGFIP, 87% des communes devraient connaître en 2019, à taux constants, une baisse des cotisations de taxe foncière (versées par les entreprises) inférieure à 500 euros au total. Avec une moyenne s'élevant à 53 euros et une médiane atteignant seulement 13 euros. Et la réalité devrait être moins sombre. En effet, Bercy n'a pas intégré les créations de locaux à ses calculs. Un peu rassurée, l'AMF s'est donc faite une raison. De plus, les élus locaux refusent toujours que les contribuables soient mis à contribution de manière déraisonnable, explique l'association. Elle rappelle aussi qu'elle défend vigoureusement le principe de la révision des valeurs locatives - parce qu'elle doit favoriser l'équité fiscale. La première des associations d'élus locaux a donc fini par émettre un avis favorable sur le projet de décret, lorsque celui-ci a été soumis à l'examen pour avis du conseil national d'évaluation des normes (CNEN).
Du côté de France urbaine, on regrette le choix de Bercy, mais on en nuance également l'effet réel sur la fiscalité locale. Les valeurs locatives des locaux d'habitation pourraient être revalorisées en 2019 de 2,2 % (c'est à dire l'inflation constatée sur un an), soit "un taux relativement élevé". Son application à environ 75 % de la base taxable de la taxe foncière – celle qui correspond aux locaux d'habitation - "contrebalancera" l'évolution négative des bases de taxe foncière des locaux professionnels. 2019 ne sera donc sans doute pas, sur le plan fiscal, une "annus horribilis".

Les valeurs locatives des locaux professionnels seront-elles en phase avec le marché locatif ?

Mais qu'en sera-t-il après ? La question se pose, car, c'est désormais chaque année que l'évolution des tarifs appliqués aux locaux commerciaux sera sans doute plus faible. Le dispositif de mise à jour des valeurs locatives a été, en effet, conçu dans le but d'assurer la stabilité des bases fiscales, selon Thomas Billet et Coraline Arsac, consultants au sein de la société Fiscalité et territoire. Un coefficient d'évolution sera appliqué chaque année aux loyers recensés en 2013 par l'administration fiscale. Ce coefficient sera calculé d'après les déclarations fiscales des entreprises qui louent leurs locaux. Mais de nombreux "filtres" sont aussi appliqués. Ainsi, les loyers dont le montant a augmenté de plus de 10 % en un an, ceux qui s'appliquent aux locaux dont la surface et la catégorie ont changé, ou encore ceux dont la valeur est éloignée du loyer moyen dans le secteur d'évaluation, seront systématiquement écartés. De plus, le coefficient d'évolution sera calculé, pour chaque catégorie, en faisant la moyenne de l'évolution annuelle des loyers des trois années précédant l'année de la mise à jour. Il en résultera que les nouveaux locaux entreront en ligne de compte quatre, voir cinq ans après leur construction, soulignent les deux experts. Les territoires où les implantations d'entreprises sont importantes devraient s'en trouver pénalisés.
Au final, ce dispositif ne conduira-t-il pas à tourner le dos à la prise en compte de la réalité du marché locatif, principe sur lequel reposait la réforme ? Il existe un réel risque de décrochage entre les valeurs locatives retenues par l'administration et les loyers réels, selon les consultants de Fiscalité et territoire. Un avis partagé par Christelle Gaucher. Qui plaide pour la réalisation d'un bilan "dans deux ou trois ans". Le but serait de pouvoir revenir sur les modalités de la mise à jour annuelle des bases, si celle-ci s'avérait trop négative pour les recettes des collectivités locales. Mais, à ce jour, aucun texte ne prévoit cette possibilité.

Référence : décret n° 2018-1092 du 5 décembre 2018 portant mise à jour annuelle des tarifs et des valeurs locatives des locaux professionnels pris pour l'application de l'article 1518 ter du code général des impôts.
 

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