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Obligation scolaire - Les maires en première ligne du contrôle de l'instruction dans les familles

Une circulaire indique les modalités de contrôle de l'instruction à domicile. Elle rappelle le rôle du maire dans le processus alors que certains d'entre eux se disent démunis face aux familles qui semblent choisir "l'école à la maison" pour détourner leurs enfants d'un enseignement laïc. La question n'est pas nouvelle, elle se posait déjà du temps où l'on s'inquiétait des dérives sectaires. Et la circulaire n'y répond qu'indirectement, en renforçant les sanctions aux familles et leurs signalements au procureur.

Depuis la loi du 28 mars 1882, qui rend l'instruction primaire obligatoire et impose un enseignement laïque dans les établissements publics, il incombe au maire d'établir chaque année la liste des enfants soumis à l'obligation scolaire sur le territoire de sa commune (article L. 131-6 du code de l'éducation). Ce sont aux parents d'inscrire leurs enfants à l'école ou de déclarer s'ils ont choisi le mode de l'instruction à domicile. Dans ce cas, le maire doit "contrôler la réalité matérielle de l'instruction donnée à l'enfant" et l'Etat doit vérifier que l'enfant bénéficie bien du droit à l'éducation tel qu'il est défini à l'article L. 111-1 du code de l'éducation modifié par la loi Peillon du 8 juillet 2013 de refondation de l'école. Le cadre juridique de ce contrôle a été modifié cet automne, par décret du 28 octobre 2016. Et une circulaire vient d'être adressée aux préfets, aux recteurs et aux IA-Dasen (inspecteurs d'académie- directeurs académiques des services de l'éducation nationale) pour expliciter ce nouveau cadre et préciser les modalités de mise en œuvre des contrôles que l'Etat. Elle remplace celle du 26 décembre 2011 (voir notre article ci-dessous du 5 janvier 2012).

La liberté de choix du mode d'instruction

Datée du 14 avril (BO du 20.4.07), la nouvelle circulaire est signée par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, et Matthias Felk, ministre de l'Intérieur. Elle indique au préalable que les parents ont "le droit de choisir le mode d'instruction de leur enfant" et que cette "liberté (...) doit se concilier avec le droit à l'éducation reconnu à l'enfant lui-même, que l'Etat a le devoir de préserver". Le texte était attendu depuis dix mois (voir notre article du 13 juin 2016) et a pâti de la discussion au parlement du volet Education du projet de loi Egalité et Citoyenneté.
Il rappelle qu'il revient au maire de recenser, de manière exhaustive, tous les enfants instruits dans la famille. Et cela, même si les parents doivent déclarer ce choix non seulement au maire mais aussi à l'IA-Dasen (le représentant du recteur à l'échelon départemental) qui délivre une "attestation d'instruction dans la famille" qui pourra être présentée à l'organisme débiteur de prestations familiales. Le maire doit, d'une manière plus globale, transmettre à l'IA-Dasen la liste de tous les enfants d'âge scolaire. Un recoupement sera effectué et, le cas échéant, l'Education nationale signalera les omissions. La liste scolaire du maire est mise à jour le premier de chaque mois.

L'enquête du maire

Le recensement du maire est incontournable pour procéder aux contrôles. Deux types de contrôle sont prévus par la loi : l'un qui concerne directement les maires, l'autre qui relève de l'Education nationale.
Comme précédemment, il revient au maire de mener enquête. Une enquête menée "uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables" (les raisons invoquées sont par exemple : l'application d'une méthode pédagogique originale en opposition à l'enseignement jugé "formaté" de l'éducation nationale, une situation géographique enclavée, une phobie scolaire, un enfant hyperactif et/ou inadapté au "système" scolaire, rarement est affichée "la liberté de conscience et de religion"...) L'enquête-mairie doit aussi vérifier "s'il est donné à l'enfant une instruction dans la mesure compatible avec son état de santé et les conditions de vie de la famille".
Cette enquête fait partie des missions que le maire exerce en sa qualité d'agent de l'Etat. Le maire ne peut donc pas s'y soustraire mais "le préfet du département se substitue au maire pour diligenter cette enquête lorsque, exceptionnellement, elle n'a pas pu être effectuée". Ce n'est pas une enquête sociale, précise la circulaire, "elle peut donc être effectuée par des agents administratifs de la commune". Comme précédemment, elle doit intervenir "dès la première année de la période d'instruction dans la famille" et "être renouvelée tous les deux ans, jusqu'à l'âge de seize ans".
"Pour qu'elle soit pleinement efficace, il est souhaitable que la première enquête soit effectuée le plus tôt possible après la déclaration", souligne la circulaire. A noter que l'enquête concerne également les enfants inscrits au Cned (et c'est le Cned qui informe les maires des enfants inscrits).
Les résultats de l'enquête doivent être communiqués à l'IA-Dasen qui, lui, procède au contrôle "pédagogique". Car l'enquête-mairie ne porte pas sur la qualité de l'instruction dispensée dont le contrôle relève bien toujours de l'Education nationale.

L'Education nationale vérifie que l'enseignement est "conforme au droit de l'enfant"

Ce contrôle "pédagogique" doit avoir lieu "au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par la famille" pour "vérifier que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant". Il a lieu "notamment au domicile des parents de l'enfant" et "vérifie notamment que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille", précise le nouveau texte. A noter que ce contrôle est effectué "sans délai" en cas de défaut de déclaration d'instruction par la famille. C'est pourquoi le maire doit communiquer à l'IA-Dasen les noms et coordonnées des familles dont les enfants âgés de six à seize ans ne seraient ni inscrits à l'école ni déclarés comme suivant une instruction dans la famille.
Les résultats du contrôle "pédagogique" sont notifiés aux parents, avec l'indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas contraire. Si, au terme d'un nouveau délai, les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, "les parents sont mis en demeure, dans les quinze jours suivant la notification, d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé et de faire connaître au maire, qui en informe l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, l'école ou l'établissement qu'ils auront choisi".

Les entraves aux contrôles pédagogiques sont signalées au procureur

L'opposition de la famille aux contrôles pédagogiques prévus par la loi constitue une infraction, "que cette opposition se traduise par un refus du contrôle ou par des entraves manifestes à son déroulement", précise la circulaire. Elle ajoute : "une telle situation justifie que l'IA-Dasen la signale au procureur de la République".
Lorsque les personnes responsables d'un enfant, mises en demeure de scolariser leur enfant, refusent délibérément, sans excuse valable, de l'inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, elles s'exposent dorénavant à une peine de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende (article 227-17-1 du code pénal). Dans cette situation aussi, il appartient à l'IA-Dasen de signaler les faits au procureur de la République. "Cette situation peut également faire, en parallèle, l'objet d'une information préoccupante auprès du président du conseil départemental", indique la circulaire.

0,3 % des enfants concernés

En 2015, selon l'Education nationale, sur les 8,1 millions d'enfants de 6 à 16 ans soumis à l'obligation scolaire, 24.300 suivaient une instruction à domicile, soit 0,3 %. Le pourcentage, extrêmement faible  (ils seraient 3,4% aux Etats-Unis), est toutefois en augmentation (ils étaient 0,16 % sept ans auparavant). En juin 2016, Najat Vallaud-Belkacem avait précisé que l'instruction à domicile ne serait pas particulièrement concentrée "dans les quartiers populaires", que les garçons étaient autant concernés que les filles, et que la répartition était identique dans toutes les académies. Bref, qu'il ne fallait pas chercher une explication à son augmentation par un phénomène d'embrigadement idéologique ou religieux venant des familles.
A cette époque, le ministère avait repéré des failles dans le système de contrôle. La première enquête, par exemple, n'était réalisée qu'une fois sur deux (85% des fois par la mairie, 15% par l'Etat). L'Education nationale ne contrôlait, elle, que les deux tiers des enfants, notamment du fait de la multiplication des démarches d'obstruction opérées par les familles qui par exemple refusent aux inspecteurs l'accès à leur domicile. Une attitude qui peut désormais coûter très cher.