Les ministres délégués ont enfin leurs décrets d'attribution

Le 8 février dernier, l'Elysée annonçait les noms des ministres délégués et secrétaires d'Etat venant compléter le gouvernement Attal. C'est un mois plus tard, vendredi 8 mars, qu'ont été publiés leurs décrets d'attribution. Sachant que ceux des onze ministres de plein exercice nommés le 11 janvier avaient pour leur part été publiés le 25 janvier. Tour d'horizon des portefeuilles ayant évolué depuis le gouvernement Borne. En relevant que le décret d’Agnès Pannier-Runacher, dépourvue d'intitulé en tant que ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, manque toujours à l’appel.

À Bercy

  • Roland Lescure, chargé de l'industrie et de l'énergie 

Après le remaniement de janvier dernier et le retour du portefeuille de l'énergie à Bercy, le décret n°2024-179 du 6 mars 2024 relatif aux attributions de Roland Lescure, ministre délégué à l'industrie et à l'énergie auprès de Bruno Le Maire, vient préciser la nouvelle délimitation des politiques énergies-climat entre le ministère de l'Économie et celui de la Transition écologique. D'après ce décret paru ce 8 mars, Roland Lescure "participe à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique de l’énergie afin notamment d’assurer la sécurité d’approvisionnement et l’accès à l’énergie et de lutter contre le changement climatique en promouvant la maîtrise de l’énergie et la transition énergétique". "À ce titre", il "traite de la programmation pluriannuelle de l’énergie et des politiques en matière d’évolution des réseaux de transport, de stockage et de distribution d’énergie, d’exploitation et de développement des filières énergétiques, de tarifs de l’énergie, de lutte contre la précarité énergétique". Il traite aussi de la politique de gestion des matières et déchets radioactifs et de la politique des matières premières et des mines. Mais plusieurs dossiers restent partagés avec le ministère de la Transition écologique.

Ainsi, si Roland Lescure récupère la politique de certificats d’économie d’énergie et de marchés carbone, il devra y associer Christophe Béchu, dont les attributions incluent l’efficacité énergétique et le climat (lire notre article). Il est également "associé" par le ministre de la Transition écologique à la "politique en matière de sûreté et de sécurité nucléaires", une situation inédite depuis plusieurs décennies, qui confère à Bercy un rôle de premier plan au moment où est examiné au Parlement le projet de loi très controversé prévoyant la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Roland Lescure est également "associé" par Christophe Béchu à "l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques en matière de développement de la chaleur renouvelable, de décarbonation des transports et des bâtiments, de promotion de l’efficacité énergétique, et de transition vers une économie circulaire", ainsi qu'à la politique des matières premières et des mines en mer (à l’exclusion des questions de sécurité). 

Il représente par ailleurs le Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique, dans les négociations européennes et internationales sur l’énergie, en concertation avec le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et veille à l’application des accords conclus. 

  • Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics 

Pas de changement d’attributions pour Thomas Cazenave, qui a retrouvé son poste auprès de Bruno Le Maire. Le décret reprend quasi mot pour mot celui qui lui avait été consacré en août dernier : préparation et exécution du budget, impôts, cadastre et publicité foncière, gestion budgétaire et comptable publique, immobilier de l'État, achats de l'État, stratégie pluriannuelle des finances publiques, financement de la protection sociale (avec la Santé)… et "règles relatives aux finances locales", conjointement avec les ministres de l'Intérieur et de la Cohésion des territoires, tout comme il est "associé" aux politiques liées aux rémunérations et retraites des agents publics.  

  • L'économie sociale et solidaire mieux reconnue 

Reconduite dans ses fonctions, Olivia Grégoire voit ses attributions précisées, notamment en faveur de l'économie sociale et solidaire (ESS). Certes, depuis le départ de Marlène Schiappa, ex-secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire et à la vie associative, en juillet 2023 suite à l'affaire du "fonds Marianne", ce pan de l'économie n'apparaît toujours pas dans l'intitulé du poste d'Olivia Grégoire qui devient ministre déléguée "chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation" (on notera au passage qu'elle est chargée des entreprises dans leur ensemble et non plus seulement des PME). Mais dans le détail, son décret d'attribution précise clairement qu'elle "définit et met en œuvre la politique de développement de l'économie sociale et solidaire et promeut, à ce titre, les activités d'intérêt général ou d'utilité sociale qui y concourent". Détail qui ne figurait pas dans ses précédentes attributions du 29 juillet 2022, même si, dans les faits, c'était bien le cas, surtout depuis la nomination en novembre 2023 du délégué ministériel à l'ESS Maxime Baduel (voir nos articles du 10 novembre 2023 et du 28 février 2024). 

Si l'ESS est officiellement rattachée à Bercy, ce n'est pas le cas de la "vie associative" qui, elle, incombe à Prisca Thévenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du gouvernement. 

Toujours s'agissant d'Olivia Grégoire, on relèvera enfin que "l'activité indépendante" fait également son entrée dans son portefeuille de même que la "simplification des formalités" des entreprises avec, en ligne de mire, le projet de loi annoncé par l'exécutif (voir notre article du 16 février 2024). 

  • Marina Ferrari, secrétaire d’État, chargée du numérique  

Nommée il y a un mois secrétaire d’État en charge du numérique dans le gouvernement de Gabriel Attal, Marina Ferrari conserve à quelques nuances près les attributions de son prédécesseur, Jean-Noël Barrot. Ce dernier détenait le titre de "ministre délégué en charge du numérique" alors que Marina Ferrari est nommée "secrétaire d'État, chargée du numérique" auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, par le décret n° 2024-182 du 6 mars.

Elle traite tout d'abord des "questions relatives à la souveraineté numérique, au développement de l'économie numérique et des technologies numériques, à la transformation numérique des entreprises, et aux communications électroniques". Elle veille également au "développement des entreprises et des acteurs français de la transition numérique". Le décret précise que la secrétaire d’État participe à la "mise en œuvre du programme des investissements d’avenir dans le domaine de la transition numérique". "En lien avec les autres ministres concernés et les services spécialisés du Premier ministre", elle s'occupe de "toutes questions relatives à la promotion et à la diffusion du numérique, au développement de l’économie et des communs numériques, à la gouvernance de l’internet, aux infrastructures, équipements, services, contenus et usages numériques, à la sécurité des échanges, des réseaux et des systèmes d’information". 
Elle participe aussi au "traitement des questions relatives à l’éducation et à la formation au numérique". À la différence, de Jean-Noël Barrot, Marina Ferrari devra aussi veiller "à la protection des personnes contre l’exposition excessive aux écrans et contre les risques de manipulation algorithmiques", ainsi qu'aux mutations numériques du travail, comme son prédécesseur.  
Enfin, en lien avec le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, elle participe à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de transition numérique des territoires.  

Roquelaure 

  • Dominique Faure, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Deux petits éléments nouveaux dans le décret concernant Dominique Faure qui a fait son retour sous la double tutelle de Gérald Darmanin et de Christophe Béchu : il est désormais précisé que sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, elle "participe" à la politique du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques "s'agissant de la fonction publique territoriale", mais aussi qu’elle "définit et met en œuvre la politique relative à l'organisation et aux prérogatives des polices municipales". Pour le reste, les termes clefs restent bien les collectivités territoriales, la décentralisation, la "politique d'accompagnement, de développement et de mise en valeur des territoires et espaces ruraux" avec notamment la "mise en œuvre effective" du plan France Ruralités, l'"implantation des administrations et des services publics", "l'accès du public aux services dans les territoires"… Tout en étant "associée" aux questions d'urbanisme et d'aménagement foncier et aux "politiques nationales de coopération européenne en faveur de la cohésion économique et sociale des territoires et espaces ruraux". 

  • Patrice Vergriete, chargé des transports 

Le décret n°2024-197 détaillant les attributions de Patrice Vergriete, qui a succédé à Clément Beaune comme ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique chargé des transports, reprend pour une large part celles de son prédécesseur. Il traite ainsi par délégation de son ministre de tutelle des affaires relatives aux transports, à leurs infrastructures et à l’aviation civile. Il suit à ce titre les politiques relatives aux transports ferroviaires, guidés et routiers, y compris les transports publics particuliers (dont la politique à l’égard des taxis et des voitures de transport avec chauffeur, "en lien avec les autres ministres intéressés"), aux voies navigables, à l’aviation civile, aux applications satellitaires, à la météorologie, aux mobilités routières, à la gestion du réseau routier national, aux mobilités actives et à l’organisation des transports pour la défense. Le ministre suit également la politique d’intermodalité, en veillant en particulier au développement des plateformes multimodales ferroviaires et fluviales, ainsi que la politique d’équipement routier et autoroutier. Il veille au développement de l’offre de mobilité pour tous. Nouveauté par rapport au décret d'attribution précédent : "il met en œuvre la politique de décarbonation et d’électrification du secteur des transports routiers, en particulier, de conversion du parc automobile et de développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques". Le texte indique également qu’il veille à la mise en œuvre des politiques de sécurité des infrastructures routières et de réglementation technique des véhicules et au déploiement des véhicules propres et de leurs infrastructures de recharge – mission précédemment partagée entre le ministre chargé des transports et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique dont le portefeuille a disparu dans le gouvernement Attal.  

Patrice Vergriete coordonne également les politiques de transport de marchandises et de logistique et assure le suivi des plans d’action interministériels qui y sont définis. Il conduit aussi, "en associant" le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité, Hervé Berville, les politiques relatives aux ports. "Dans ce cadre, il veille à la cohérence des politiques et des actions menées en matière d’équipement logistique et de desserte des ports maritimes ainsi que de transports maritimes", précise le décret. À l’inverse, Patrice Vergriete "est associé" à la politique relative aux transports maritimes, à la marine marchande et à la réglementation sociale dans le domaine maritime conduite par le secrétaire d’État. En lien avec la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, ainsi qu’avec la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, il élabore et met en œuvre la politique d’accessibilité des transports, "dans le but de promouvoir le droit à la mobilité". 

  • Guillaume Kasbarian, chargé du logement 

Selon le décret n°2024-198 du 6 mars, Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement, traite, par délégation du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, des affaires relatives au logement et à la construction, y compris ce qui relève dans ce champ de la lutte contre la précarité et l'exclusion, à la politique de renouvellement urbain ainsi qu'à l'urbanisme. Dans le détail, ses attributions sont quasiment similaires à celles de Patrice Vergriete. Seules différences : le décret indique qu'il est chargé de l'adaptation du logement au vieillissement de la population ainsi que des réglementations relatives aux bâtiments, notamment en matière d'incendie, des sujets qui n'apparaissaient pas dans les domaines de compétences de son prédécesseur. 

Par ailleurs, "il prépare et met en œuvre la politique du gouvernement dans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement", selon les mêmes modalités que dans le décret d'attributions de Patrice Vergriete quand il était titulaire du portefeuille (élaboration des règles relatives à l'urbanisme opérationnel et à la planification urbaine ainsi qu'à l'occupation du sol, participation à l'élaboration de la législation de l'expropriation, ainsi qu'à celle de la législation fiscale et financière en matière d'urbanisme et d'aménagement, suivi de leur application et définition de la politique de lutte contre l'étalement urbain). 

  • Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer et la biodiversité 

Après avoir été secrétaire d'État à la mer auprès d'Élisabeth Borne, Hervé Berville a vu son portefeuille élargi dans le gouvernement Attal. Il est désormais secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité auprès du ministre de la Transition écologique. Ses attributions ont été détaillées par le décret n°2024-199.

Il lui revient d'élaborer et mettre la politique du gouvernement dans le domaine de la mer "sous ses divers aspects, nationaux et internationaux, notamment en matière d'économie maritime, de rayonnement et d'influence maritimes", énonce le texte. Il "prépare la planification de l’espace en mer" et "conduit, en associant le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, la politique des ressources minérales et des substances de mines en mer". Par ailleurs, Hervé Berville "conduit, en associant le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la politique en matière de pêches maritimes, notamment en ce qui concerne la réglementation et le contrôle de ces activités ainsi que le financement des entreprises de la pêche". Et il "définit et met en œuvre une stratégie géographique d’influence de la France sur les océans". 

C’est également au secrétaire d’État qu’il convient de conduire "la politique relative à la gestion durable des ressources maritimes, à la protection de l’environnement, du littoral et des milieux marins, à la gestion intégrée des zones côtières et au domaine public maritime". Il "conduit" également la politique relative aux transports maritimes en associant le ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete. À l'inverse il est "associé" à la politique relative aux ports maritimes conduite par le ministre chargé des transports, ainsi qu'à la politique relative aux énergies renouvelables en mer.  

Au titre de la biodiversité, Hervé Berville "concourt à la préparation et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans les domaines de la protection et de la valorisation de la nature et de la biodiversité". Il "participe aux négociations européennes et internationales sur l’eau et la biodiversité", dont la prochaine COP 16 sur la diversité biologique, à Cali, en Colombie et "veille à la mise en œuvre des accords conclus ainsi que des directives de l’Union européenne relatives à la protection des espèces animales, des habitats, de la faune et de la flore". 

Le secrétaire d’État est également chargé de "la gestion de la faune sauvage, incluant les grands prédateurs, du bien-être de la faune sauvage, de la police de la chasse et de la pêche en eau douce, de la protection des paysages et des sites ainsi que du contrôle de l’utilisation et du commerce des espèces animales et végétales". Il "élabore et met en œuvre" la politique de l’État en matière d’espaces protégés, de même que la stratégie nationale pour la biodiversité qui a été publiée en novembre dernier. 

Selon ce décret d’attributions, Hervé Berville "prépare" également "la politique de protection, de gestion et de police de l’eau". Il est également associé "à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de la forêt". 

  • Sabrina Agresti-Roubache, Ville et Citoyenneté 

De nouvelles missions pour Sabrina Agresti-Roubache, qui reste sous la double tutelle de Gérald Darmanin et de Christophe Béchu pour la partie politique de la ville, mais qui se voit aussi confier, par délégation de l'Intérieur, les "questions relatives à la citoyenneté". Entendre par citoyenneté : "politique d'accès à la citoyenneté", laïcité, droit d'asile, intégration… Il est également attendu qu'elle "contribue" à la prévention de la délinquance et de la radicalisation et la lutte contre les dérives sectaires. 
S'agissant de la politique de la ville, le décret précise désormais que la politique de renouvellement urbain devra être menée "conjointement" avec son homologue au Logement. Pour le reste, la politique "en faveur des quartiers défavorisés" continue d'inclure "l'insertion des publics fragiles dans les quartiers urbains défavorisés", "les politiques éducatives conduites dans ces quartiers", ou encore la lutte contre les discriminations… sans oublier "le déploiement du projet Marseille en grand". 

Le pôle Vautrin 

On avait auparavant trois ministres de plein exercice… on a maintenant une ministre, Catherine Vautrin, et trois ministres délégués pour la seconder dans ce vaste ministère "du Travail, de la Santé et des Solidarités". Le travail restant géré en direct par Catherine Vautrin. 

Coté Santé, le décret d'attribution de Frédéric Valletoux, en tant que ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, n'a rien à envier à celui d'un "vrai" ministre de la Santé. Il est même plus étoffé que celui d'Aurélien Rousseau. En marge de son rôle de "promotion de la santé, de prévention, d'organisation du système de santé et d'accès aux soins pour tous", il y est entre autres question de "territorialisation du système de santé", de "préparation et gestion des crises sanitaires", de "numérique en santé", d'"'attractivité des métiers de la santé et du soin". 

Côté Solidarités, on a tout d'abord les personnes âgées et personnes handicapées, confiées à Fadila Khattabi qui, dans le gouvernement Borne, avait uniquement en charge les personnes handicapées. Très peu détaillé, le décret évoque la "stratégie grand âge" et "les questions financières et de gouvernance afférentes". 

Et puis il y a le portefeuille confié à Sarah El Haïry, "chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles", sans plus d'indications. En sachant que celui-ci est de façon plutôt inédite rattaché à trois ministères : celui de Catherine Vautrin donc, mais aussi l'Éducation et la Justice.