Les petites collectivités en manque de cap numérique
Les résultats consolidés du baromètre numérique des collectivités ont été révélés aux rencontres Déclic organisées à Tours les 8, 9 et 10 octobre 2025. Au-delà de lacunes sur l'équipement et les services, il met en évidence un manque criant de gouvernance numérique dans les petites collectivités. Un manque à rapprocher de la faible percée des projets IOT, data et IA.

© Déclic et Adobe stock
A l'occasion de ses rencontres annuelles, Déclic – l'association qui réunit les opérateurs de services publics numériques proposant des services aux communes, rurales essentiellement – a présenté les résultats consolidés de son baromètre "collectivités et numérique". Mené dans le cadre du programme transformation numérique des territoires (TNT), avec pas moins de 9 questionnaires thématiques de 10 à 25 questions envoyés en trois vagues, le baromètre vient en appui des politiques numériques nationales et locales. Il est en effet associé à une plateforme en accès restreint (voir la démo) où les collectivités peuvent se comparer à des profils de structure ou de population similaires. Le principal atout de ce baromètre, malgré une baisse notoire du nombre de participants sur les trois vagues, est d'être représentatif de la situation des petites communes, contrebalançant le travers "grandes collectivités" de celui des Interconnectés (notre article du 11 juillet 2025). Avec un bémol : une surreprésentation de certains territoires (Sud-Ouest, Rhône-Alpes et Occitanie) qui doit conduire à être prudent sur les moyennes qui suivent.
Informatique à l'ancienne majoritaire
Localtis avait évoqué les résultats de la première vague sur l'inclusion, le cyber et la communication (notre article du 3 mars 2025). Les résultats de la deuxième vague (février 2024 - février 2025, 629 réponses), sur les infrastructures, les outils internes et la gestion des données confirment l'hétérogénéité des pratiques. Si 39% des collectivités utilisent des solutions logicielles en mode SaaS, seules 11% disposent d'un datacenter local et 10% d'un réseau public d'objets connectés. L'offre de Wifi territorial demeure limitée (24%).
Télétravail peu structuré
Côté usages internes, le télétravail peine à se structurer : 34% des collectivités seulement ont mis en place une charte dédiée, moins de la moitié (44%) offrant un accès complet aux logiciels métiers à distance. La sécurisation via VPN reste également minoritaire (41%).
Sur la gestion des données, si 80% des collectivités disposent d'un plan d'action RGPD, les usages de la data restent embryonnaires : seulement 26% ouvrent leurs jeux de données en open data, 6% utilisent l'intelligence artificielle (7% ont des projets IA) et 4% ont déployé des réseaux de capteurs.
Dématérialisation hétérogène
Les résultats de la troisième vague (février - mai 2025, 587 réponses) sur la dématérialisation, montre peu d'avancées au-delà de ce qu'impose la loi. Si 72% des collectivités disposent d'un profil acheteur pour les marchés publics et 76% dématérialisent les demandes d'urbanisme, seules 22% proposent des bulletins de paie électroniques. Même constat pour les services en ligne. Si 88% proposent la prise de rendez-vous pour les CNI/passeports, seules 26% étendent ce service à d'autres démarches administratives. Et à peine 14% proposent un coffre-fort numérique, 7% un paiement en ligne de prestation.
Moins d'un quart a une feuille de route
La faiblesse des chiffres sur les projets numériques véritablement transformateurs est à rapprocher du manque de portage politique. Seulement 22% des collectivités disposent d'une feuille de route dédiée au numérique et 52% n'ont pas désigné d'élu en charge de ce domaine pourtant stratégique. La formation, paradoxalement identifiée comme levier prioritaire, reste le parent pauvre : 43% des collectivités n'ont proposé aucune action de sensibilisation à leurs agents sur l'année écoulée et Pix n'est connu que par un quart des collectivités. Quand elles existent, ces formations privilégient la cybersécurité (84%) et le RGPD (58%), au détriment de sujets émergents comme l'intelligence artificielle (34%) ou l'exploitation des données (22%).
Seule exception (déjà noté dans le baromètre des Interconnectés) la prise en compte des enjeux écologiques dans les choix d'équipement : 78% des répondants déclarent mettre en œuvre une stratégie numérique responsable, avec 93% prolongeant la durée de vie des équipements. Enfin, une démarche logiciels libres – de plus en plus présentée comme un levier de souveraineté - est engagée par 22% des collectivités.
Les usages du baromètre scrutés
A l'issue de cette première vague, Déclic veut faire évoluer son baromètre en partant de ce que les collectivités en font. "L'idée est d'identifier des usages du baromètre et de faire remonter des contributeurs, des indicateurs ou fonctionnalités manquantes", nous explique Déclic. A partir de ces remontées, issues des opérateurs publics de services numériques (OPSN) ou de collectivités, un nouveau baromètre sera conçu au second semestre 2026, avant le lancement d'une nouvelle vague de questionnaires. L'ambition reste cependant inchangée : il s'agit d'en faire un outil pérenne d'auto-positionnement et d'inspiration pour les collectivités, favorisant l'essaimage des bonnes pratiques et le renforcement des coopérations entre territoires.