Les pistes de l’Igas pour doper les reconversions des salariés à coût constant

L’Inspection générale des affaires sociales appelle à simplifier l’accès à la reconversion professionnelle. En ouvrant, notamment, le contrat de professionnalisation aux plus de 30 ans. Le rapport confirme l’échec des "transitions collectives" qui avaient pour objectif de faciliter les mobilités des salariés positionnés sur des métiers fragilisés. 

 

Quel bilan pour l’accès à la reconversion pour les salariés ? Compte formation (CPF), démission-reconversion, promotion par l’alternance, transitions collectives, projet de transition professionnelle… Dans un rapport diffusé le 21 mai dernier, l’Inspection générale des affaires sociales dresse le bilan d’un "écosystème complexe de dispositifs et d’acteurs" permettant aux salariés de changer de métier et qu’elle appelle à rationaliser et à simplifier. 

Cet appel à la simplification figurait déjà dans l’agenda de l’ex-ministre déléguée Carole Grandjean (lire notre article du 27/01/2023) mais il peine à avancer. L’Igas formule une trentaine de recommandations, dans l’objectif de reconvertir davantage de personnes mais à enveloppe constante. 

Les négociations des partenaires sociaux autour du "pacte de la vie au travail" n’avaient pas permis de dégager de nouvelles pistes. Sauf à reprendre les propositions de l’Union des entreprises de proximité (U2P), de la CFDT et de la CFTC qui ont conclu un accord à l’écart du Medef et de la CPME. Pour l’heure, le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la reprise de cet accord dont les mesures sont assez proches des préconisations de l’Igas. Le thème des reconversions est pour le moment absent des annonces de Gabriel Attal relatives à sa nouvelle réforme de l’assurance-chômage. 

Soutenir le CPF et la "démission-reconversion"

Chaque année, 1,4 million de salariés changent de métier, selon l’Igas. Pour autant, seul un tiers des personnes s’étant reconverties a bénéficié d’un accompagnement public. Et seul un actif sur deux déclare être bien informé sur la formation professionnelle. 

Les auteurs du rapport constatent que les dispositifs à la main du salarié sont les plus employés pour se reconvertir. Le compte personnel de formation (CPF) s’impose ainsi comme "le principal dispositif de formations longues et certifiantes", avec 47.000 parcours de plus de 150 heures sur 893.000 formations financées en 2023. La "démission-reconversion" qui permet de financer son parcours par l’assurance-chômage connaît également un succès croissant, avec près de 22.000 bénéficiaires en 2023, plutôt jeunes et qualifiés. Et un taux de retour à l’emploi particulièrement encourageant.

Pour stimuler le recours au CPF, l’Igas recommande de faciliter l’abondement du CPF par les entreprises en créant un cadre de cofinancement par les opérateurs de compétences (Opco) après accord de branche. La mission appelle également à assouplir les conditions de la démission-reconversion. Mais aussi à permettre à des salariés de bénéficier des dispositifs de France Travail comme la préparation opérationnelle à l’emploi ou la méthode de recrutement par simulation, qui montent également en puissance. 

L’ex-"congé formation" peu optimisé 

Le bilan de l’Igas est plus mitigé sur le projet de transition professionnelle (PTP), ex-congé individuel de formation (CIF) qui permet aux salariés de bénéficier d’une prise en charge des frais de formation ainsi que du maintien du salaire. La loi Avenir professionnel a fait baisser de manière substantielle le nombre de dossiers financés. De 39.000 à 48.000 financements de CIF entre 2015 et 2019, le PTP a bénéficié, entre 2019 et 2022, à environ 18.000 personnes par an. La division par deux des budgets n’a pas été compensée par une optimisation des dépenses engagées : les formations ne sont pas personnalisées en fonction du profil du bénéficiaire, ce qui aurait pu permettre de les optimiser et d’en réduire le coût. 

Faute de capacités de financement, 208 projets d’évolution vers le métier d’infirmier ont été́ écartés pour un montant d’environ 19,4 millions d'euros, relève l’Igas. D’une région à l’autre, les modalités de priorisation des dossiers diffèrent. 14 à 15% des PTP concernent même des reconversions internes aux entreprises, ce qui amène l’Igas à réclamer une contribution des employeurs concernés à l’avenir. Les résultats en matière de retour à l’emploi de ces projets sont par ailleurs variables : ils sont très élevés dans le médico-social mais faibles dans les reconversions vers le métier de développeur web. 

Des contrats pro pour les plus de 30 ans

Les dispositifs visant à appuyer des projets d’entreprise en tandem avec les salariés sont également à la peine. C’est le cas de la "promotion par l’alternance" (ou Pro-A), financée par les opérateurs de compétences pour former des salariés en interne, qui n’a bénéficié qu’à 7.000 salariés en 2023. Quant au dispositif des "transitions collectives" (Transco), dont l’objectif était d’organiser le passage de salariés "fragilisés" d’une entreprise à une autre par la prise en charge de leur reconversion, il n’a concerné que 352 personnes en 2023. Promue par l’ex-Première ministre Elisabeth Borne, cette mesure a souffert de la concurrence de l’activité partielle pendant la pandémie. 

Pour simplifier le système, l’Igas recommande de supprimer ces deux dispositifs. La Pro-A disparaîtrait au profit de l’ouverture des contrats de professionnalisation aux plus de 30 ans et avec maintien du salaire, pour 10.000 cas. Quant à Transco, il serait réintégré "dans un dispositif d’accompagnement de filières ou de bassins d’emploi ciblés à forts enjeux" mobilisant les acteurs territoriaux ainsi qu’un financement du FNE formation, destiné aux salariés des entreprises en activité partielle, en mutation ou en reprise d’activité. L’Igas appuie aussi la création de "plateformes territoriales d’intermédiation" pour faciliter la mise en relation de salariés s’inscrivant dans une démarche de transition professionnelle individuelle. 

Il s’agirait aussi de déroger à l’un des changements majeurs de la loi Avenir professionnel : rouvrir la possibilité de financer des actions de développement des compétences aux entreprises de plus de 50 salariés pour financer des "formations lourdes de reconversion professionnelle". Le secteur de la santé, où les employeurs de moins de 50 salariés sont rares, se retrouve mécaniquement exclu des financements alors que les besoins y sont massifs.