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Elan - Les principales dispositions Logement adoptées par les sénateurs en séance

30% de logements accessibles dans les bâtiments collectifs neufs, seuil de regroupement des organismes HLM fixé à 10.000 logements, avis conforme du maire lors des ventes HLM, premiers pas vers une nouvelle gouvernance de l'Anru, mutualisation des objectifs SRU à l'échelle de l'EPCI, durcissement des dispositions à l'encontre des marchands de sommeil... la liste est longue des dispositions Logement adoptées en première lecture par les sénateurs en séance, entre lundi 16 et mercredi 25 juillet.

Les sénateurs ont examiné en séance le projet de loi Elan ("portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique") durant huit longues journées et six nuits, entre le 16 et le 25 juillet. Les dissensions entre les parlementaires et le gouvernement, notamment sur les dispositions logement, se sont révélées à plusieurs reprises, laissant peu d'espoir à une commission mixte paritaire conclusive. Celle-ci se réunira le 12 septembre.  

Le taux de 30% de logements accessibles est maintenu

Parmi les mesures Logement du titre 1er visant à "construire plus, mieux et moins cher", le Sénat a rejeté la tentative du gouvernement de rétablir le taux minimum de logements accessibles dans les bâtiments collectifs neufs à 10% : le taux de 30% instauré en commission des affaires économiques est donc maintenu.
Divisés quant à la pertinence de développer la conception-réalisation pour les HLM, les sénateurs ont longuement questionné la pérennisation de l’expérimentation instaurée par la loi MOP, que l’exécutif n'entendait prolonger que jusqu’en 2021, avant que les députés n’entérinent le dispositif. La rapporteure Dominique Estrosi-Sassone (LR, Alpes-Maritimes) a en effet défendu avec succès le maintien du texte dans sa version Assemblée.
À noter, toujours dans le titre 1er du texte, que les sénateurs ont rejeté un autre amendement proposé par le gouvernement à l'article 7, visant à modifier le statut et les missions de la Foncière publique solidaire. Il proposait de la transformer en un outil détenu exclusivement par la Caisse des Dépôts (et non plus à parité avec l’État) et dont l'objet aurait été le démembrement de propriété au moment de la production neuve de logements sociaux.

Regroupement des organismes HLM : le Sénat vote le seuil à 10.000

Dans le titre 2 sur les "évolutions du logement social", les sénateurs ont confirmé le seuil de regroupement des organismes HLM de 10.000 logements sociaux gérés, ainsi qu'ils l'avaient voté en commission. Le gouvernement entendait en effet, par un amendement à l'article 25, rétablir le seuil de regroupement à 15.000 logements qu'il avait fixé dans son projet de loi et à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires pour les Sem (contre 25 millions voté en commission).
Les sénateurs ont également rejeté en séance l'amendement du gouvernement rétablissant la possibilité, pour un organisme HLM, d’appartenir à plusieurs groupes ou d’appartenir simultanément à un groupe et à une SAC (société anonyme de coordination). "Ces regroupements seront bénéfiques" pour les bailleurs sociaux, avait tenté de convaincre le secrétaire d'État Julien Denormandie. "Ils permettront (...) de rendre les bailleurs sociaux plus forts et de casser le monopole bancaire en permettant [aux organismes HLM] de se prêter de l’argent entre eux", avait-il ajouté.

Réorganisation du fonctionnement de la CGLLS pour gérer la RLS

Les sénateurs ont adopté un amendement gouvernemental modifiant le fonctionnement de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) en créant une seule commission de péréquation et de réorganisation des organismes de logement locatif social, au lieu de deux commissions existant jusque-là. Cette commission n'est pas rien : c'est elle qui statuera sur les concours financiers accordés par la CGLLS dans le cadre de la mise en œuvre de la RLS (réduction du loyer de solidarité). Elle sera composée de représentants de l’État, de l’Union sociale pour l'habitat (USH), de la fédération des EPL et des fédérations des organismes agréés pour agir en faveur du logement des personnes défavorisées (article L. 365-2). Cet amendement répondait à une demande pressante de la fédération des OPH.

Vente HLM : l’avis conforme du maire est maintenu

Les sénateurs n’ont pas véritablement touché au texte en ce qui concerne le développement des ventes HLM, l'exonération au titre II de la loi MOP ou encore la dérogation à l’obligation de concours d’architectes pour les logements sociaux, rejetant les tentatives de l’exécutif en la matière. Le gouvernement a également vainement défendu la suppression de l’avis conforme du maire pour toute vente HLM instauré en commission. Il a également échoué à rétablir les ordonnances permettant l’expérimentation de la politique des loyers et l’application différée du statut de la copropriété dans le cadre de la vente HLM.
Avec l’avis favorable du gouvernement, les sénateurs ont voté le fléchage d'une partie du produit de la vente d’un logement social sur le territoire dans lequel il se situe. "Au moins 50% du produit des ventes de logements sociaux ou de tout autre élément du patrimoine situés sur une commune (seront affectés) au financement de programmes nouveaux de construction de logements sociaux, de travaux destinés à améliorer de façon substantielle un ensemble déterminé d’habitations ou d’acquisitions de logements en vue d’un usage locatif, réalisés sur le territoire de la commune lorsqu’elle [est déficitaire au sens de la loi SRU], ou [dans le cas contraire] sur son territoire et sur celui de l'EPCI auquel elle appartient". S’il adhère au "principe général", Julien Denormandie a appelé les parlementaires à "finaliser la discussion en amont de la CMP", pour garantir la prise en compte de "la réalité de tous les territoires".

La nouvelle gouvernance de l'Anru se précise

La composition du conseil d’administration de l’Anru est réformée par un amendement présenté par la sénatrice Valérie Létard. En l’état actuel du texte, le conseil d'administration de l’agence est désormais composé de trois collèges, "ayant chacun le même nombre de voix" : un collège comprenant des représentants du ministère chargé du logement, du ministère chargé de la ville, du ministère chargé du budget, de la Caisse des Dépôts et de l’Anah ; un collège comprenant des représentants du groupe Action logement, de l’USH regroupant les fédérations d’organismes d’habitation à loyer modéré, de la fédération des EPL, et des locataires ; un collège comprenant des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi qu’un député et un sénateur. Pour Jacques Mézard, cette composition constitue une "base de travail" pour la commission mixte paritaire (CMP). Le ministre a suggéré d’envisager "un système de veto dans certains cas".
Les sénateurs ont adopté un amendement défendu par Valérie Létard précisant, dans la loi, la composition du comité des partenaires d'Action logement. Il comprendrait trois collèges composés de huit représentants du groupe Action logement, huit représentants du mouvement HLM et huit représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Pas de généralisation de la gestion en flux des contingents HLM

Au titre 3 visant à "favoriser la mixité social", les sénateurs n'ont pas accédé à la demande du gouvernement de revenir à la version du texte Assemblée sur la gestion en flux des contingents. Ils ont aussi adopté un amendement qui prévoit que lorsque l’attribution d’un logement situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) à un candidat présenté par le réservataire a échoué, le logement est mis à disposition du maire de la commune (et non plus du bailleur social) pour désigner de nouveaux candidats. 
Jacques Mézard, qui veut toujours transformer l'encadrement des loyers en expérimentation (alors que la loi Alur en fait une obligation), a indiqué qu’il allait se pourvoir devant le Conseil d’État pour tenter d’annuler les décisions de justice qui ont mis fin à l’encadrement des loyers à Lille et Paris (voir aussi notre article Les loyers à Paris : libres ou encadrés ? Stables ou en hausse ? du 24 juillet 2018). Les sénateurs ont adopté un amendement de la rapporteure fixant à deux ans le délai durant lequel un EPCI pourra transmettre sa proposition de mise en place du dispositif expérimental d’encadrement des loyers sur tout ou partie de son territoire. Une disposition "frappée au coin du bon sens", selon le ministre de la Cohésion des territoires.
A noter l'adoption d'un amendement prévoyant que, lorsque l’État ne finance pas la création d'une résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS), son taux de réservation ne sera plus de 30% mais de 10%.

SRU : expérimentation du contrat de mixité sociale intercommunal

Les sénateurs ont "assoupli" la loi SRU, en adoptant quatre amendements (dont trois de fond) aux articles 46 à 46 bis C d’Elan sur les 75 étudiés. Contre l’avis du gouvernement, ils ont voté l’introduction d’une expérimentation permettant la mutualisation des objectifs de logements sociaux à construire à l’échelle de l’EPCI (ou de l'établissement public territorial dans le Grand Paris). L'idée venait du rapporteur de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse (LR, Nord), ex-ministre délégué au Logement et à la Ville (2004 et 2005). Son amendement introduit une expérimentation de six ans permettant, sur volontariat, aux communes soumises à l’article 55 de la loi SRU et aux intercommunalités compétentes en matière de PLUI auxquelles elles appartiennent, de mutualiser leurs obligations en matière de taux de logements sociaux à l’échelle intercommunale, à travers un "contrat de mixité sociale intercommunal" signé avec le préfet. Les obligations s’imposant à l’EPCI signataire seraient "la somme mathématique stricte des obligations applicables à chacune des communes membres". A noter qu'il ne serait pas possible de construire des logements locatifs sociaux supplémentaires dans les communes ayant déjà satisfait à leurs obligations SRU sans leur accord. Et que les communes ayant déjà 35 % de logements sociaux ne pourront se voir imposer de nouvelles constructions.

Rallongement du calendrier SRU

Lors de l’examen en commission, les sénateurs avaient ajouté trois nouveaux types de logements dans le décompte SRU et avaient également introduit un nouveau calendrier SRU allant jusqu’en 2031 (au lieu de 2025) pour les communes qui n’ont pas atteint leurs objectifs et jusqu’en 2040 pour les communes entrantes dans le dispositif et les communes nouvelles.
La commission avait aussi complété la liste des logements sociaux décomptés en ajoutant les logements occupés par un titulaire d’un prêt social location-accession, les logements objets d’un bail réel solidaire (BRS) et les places d’hébergement d’urgence. Autre disposition votée en commission : la possibilité pour une commune carencée de mutualiser les objectifs de rattrapage SRU affecté à chaque nouvelle construction à l’échelle du programme immobilier construit dans un périmètre alentour.
L'objectif baisserait de 25% à 20% de logements sociaux pour les communes bénéficiant de la DSU (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale) et comptant plus de 25% de ménages pauvres dans le parc locatif (public et privé). Selon l'auteur de l'amendement, Philippe Dallier, ce dispositif concernerait 55 communes sur les 1.152 soumises à l’article 55 de la loi SRU. Jacques Mézard, qui avait émis un avis défavorable, a regretté que cette modification ne décorrèle le niveau d’obligation de production de logement social des niveaux de tension sur la demande. Philippe Dallier s’est dit prêt à retravailler le dispositif, et notamment à modifier le taux, en commission mixte paritaire si besoin.

Diagnostic des besoins en logement des travailleurs saisonniers non touristiques

Un amendement présenté par Nathalie Delattre a été adopté, qui imposerait au préfet de mettre en place un diagnostic des besoins en logement des travailleurs saisonniers, dès lors qu’il est saisi par une ou plusieurs communes, même si elles ne sont pas qualifiées de "communes touristiques", ou par un EPCI. "Les communes viticoles, par exemple, connaissent des phénomènes de plus en plus importants d’afflux de main-d’œuvre sur la période estivale, lorsqu’il s’agit de réaliser les travaux de la vigne", a fait valoir la députée de Gironde.
Un amendement a été adopté pour "faciliter dans les secteurs très tendus la production de logements intermédiaires", qui prévoit que la pleine propriété puisse être reconstituée au bout de douze années au lieu de quinze (dans la limite de 50% des logements au maximum). L'amendement avait été présenté par Élisabeth Lamure, afin de rendre le mécanisme d’usufruit locatif "plus attractif pour les investisseurs", pour "faciliter dans les secteurs très tendus la production de logements intermédiaires, et du même coup de logements sociaux".

Confiscation du patrimoine des marchands de sommeil

Les sénateurs ont encore durci les dispositions contre les marchands de sommeil en prévoyant notamment la possibilité de confisquer tout ou partie de leur patrimoine en justice. Ils ont ajouté une nouvelle disposition : le notaire devra informer le maire dès lors qu'un bien immobilier n’a pu être vendu sur sa commune en raison de l’interdiction d’acheter pesant sur l’acquéreur.
Les sénateurs ont précisé que la trêve hivernale ne s’applique pas aux squats. Avec une nuance : "le sursis à toute mesure d’expulsion ne s’applique pas aux personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte".
Ils ont refusé d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’habitat indigne sur des points clés comme les pouvoirs de police dévolus au maire en matière de visite des logements, le recouvrement des dépenses engagées pour traiter les situations d’urgence, ou encore le transfert de certains des pouvoirs au niveau intercommunal.
 

 

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