Les propositions de la mission Falco pour une nouvelle loi de modernisation de la sécurité civile

Généraliser les plans communaux de sauvegarde, associer le secteur de l'assurance au financement des Sdis, simplifier l'empilement des multiples plans de prévention, sécuriser le cadre d'activité du volontariat... Discrètement remis au président de la République le 2 juin, le rapport de la mission Falco formule 116 propositions en vue d'une nouvelle loi de modernisation de la sécurité civile. L'enjeu : adapter un système qui arrive "au bout", sur fond d'accroissement des catastrophes naturelles.

C'est le 2 juin que l'ancien maire de Toulon Hubert Falco (récemment démis de ses mandats) a discrètement remis au président de la République son rapport sur la modernisation de la sécurité civile et la protection contre les risques majeurs. Et le 20 juin, il l'a mis en ligne sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron lui avait confié cette mission le 28 octobre dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les feux de forêts (voir notre article du 28 octobre 2022). Dérèglement climatique, amplification des phénomènes météorologiques extrêmes, incendies et feux de forêt, inondations, crises sanitaires, tempêtes, sécheresse… "Le monde change et nous oblige à faire face à des enjeux inédits (…) Une nouvelle organisation de la sécurité civile doit permettre un décloisonnement à tous les échelons territoriaux afin de renforcer le continuum et l’efficacité de cette mission", pose l'ancien président du Sdis du Var, en introduction de son rapport. "Nombre d’élus et d’acteurs de la sécurité civile partagent le sentiment d’être aujourd’hui au bout d’un système", souligne-t-il, précisant que les catastrophes naturelles ont été multipliées par cinq en quinze ans et que les deux tiers des communes sont exposées à "au moins un risque naturel majeur". Il formule 116 propositions qui pourraient selon lui faire l'objet d'une nouvelle de loi de modernisation de la sécurité civile.

Le rapport comporte cinq axes : "développer la culture du risque", "moderniser la gouvernance et clarifier les compétences", "mieux prendre en compte la réalité du territoire", "renforcer les moyens de sécurité civile et les adapter à l’évolution des risques" et "anticiper et innover".

Généraliser les plans communaux de sauvegarde

En matière de gouvernance, il propose de renforcer le principe de "subsidiarité" entre les différents échelons, de l'Europe jusqu'à la commune, avec la création d'une force européenne et d'un corps d’intervention dédié à la protection civile, d'un conseil interministériel de la sécurité civile, d'un comité régional de prévention et de résilience...  Ce conseil "permettra le développement des moyens de soutien aux maires en termes de conseil, de formation et de résilience". Il souhaite aussi faire correspondre les zones de défense et de sécurité (ZDS) au nouveau périmètre des régions et expérimenter la mise en place d’une direction départementale de la sécurité civile. Mais surtout, il propose de généraliser les plans communaux de sauvegarde (PCS) en les élargissant systématiquement à l’échelle intercommunale. C'est-à-dire d'aller au bout du chantier ouvert par la loi Matras du 25 novembre 2021 qui avait déjà élargi le périmètre des communes devant obligatoirement se doter d'un PCS (voir notre article du 22 juin 2022). "Ces plans doivent intégrer l’organisation logistique des tâches de soutien en partenariat avec les associations agréées de sécurité civile" et comporter un "référent départemental" pour faciliter la mutualisation des moyens du département.

La clarification des compétences passe aussi par la généralisation du 112 et des plateformes communes de traitement des appels d’urgence (police, Samu, Sdis). "Cette organisation doit être couplée à un système de géolocalisation de l’ensemble des vecteurs de secours", préconise le rapport, qui remet aussi sur le tapis le sempiternel problème des carences ambulancières.

Prendre en compte la réalité du territoire, c'est faire appel à la différenciation, comme le préconise l'Association des maires de France (AMF), afin de simplifier l'empilement des plans en tous genres : PPRN, PPRT, Papi, PAC… Le rapport suggère de "diminuer le nombre de documents opérationnels, par fusion ou intégration", ce qui favoriserait leur appropriation et leur développement.

Clarifier le cadre d’activité du volontariat

En termes de moyens, le rapport tente d'apporter des réponses pérennes à la question du volontariat. Le "choc de recrutement" promis par le plan d'action 2019-2021 n'est pas au rendez-vous, déplore le rapport qui propose de "lancer une étude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers" et de "clarifier le cadre d’activité du volontariat" afin de s’inscrire dans le champ dérogatoire de la directive européenne Temps de travail. "Une nouvelle directive européenne sur l’engagement citoyen devrait pouvoir s’inspirer du statut de l’élu", avance-t-il, alors qu'une jurisprudence récente vient encore de susciter l'inquiétude des départements, principaux financeurs des Sdis (voir notre article du 7 juin 2023). Autres propositions : rembourser les salaires versés par l’employeur pendant les heures de mise à disposition, revaloriser le montant des indemnités d’astreinte, mettre en place une bonification de trimestres de retraite, créer des espaces de coworking dans les casernes pour permettre aux volontaires de concilier travail et exercice du volontariat…

Il est aussi prévu de renforcer la police de l'environnement en s'appuyant sur les 3.000 "gendarmes verts" annoncés par le président de la République, notamment pour faire respecter les obligations de débroussaillement. La mesure figure d'ailleurs dans le plan France ruralités présenté le 15 juin (voir notre article du 15 juin 2023).

S'agissant des financements, le rapport propose de rendre la construction ou la réhabilitation des casernes en milieu rural éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore de prendre en compte une quote-part de la taxe de séjour dans le financement des Sdis dans les départements touristiques. Il prévoit aussi d'associer le secteur de l'assurance au financement de la sécurité civile, comme le suggère Départements de France, dans la mesure où elles sont les premières bénéficiaires des opérations de secours ("valeur du sauvé"). Il prend l'exemple de la Maif qui "s’est engagée à reverser 10% de ses bénéfices en faveur de la planète mais aussi pour agir en faveur de la prévention des risques majeurs".