Les transitions au cœur du congrès des EPL à Tours

Quelle place l’économie mixte peut-elle prendre dans le grand mouvement de mutation de nos modes de vie ? Le congrès des EPL, réuni du 4 au 6 octobre à Tours, s’est intéressé de près à l’éclosion de nouvelles SEM ou SPL dédiées à la transition énergétique, mais a aussi cherché à trouver la réponse adéquate aux nouveaux besoins des populations, tant dans le domaine de l’habitat que de l’économie circulaire.  

Les transitions de toutes natures étaient au cœur du congrès des entreprises publiques locales (EPL) qui s’est déroulé les 4, 5 et 6 octobre derniers à Tours.
Mais ce sont bien les thématiques plus spécifiquement liées aux transitions écologique et énergétique qui ont formé la part la plus importante des échanges de cette édition 2022. "Les événements climatiques de cet été, auxquels s’est ajoutée la crise énergétique, ont dessillé les yeux de l’opinion et des élus", a résumé Patrick Jarry, le président de la Fédération des élus des entreprises locales (FEEPL) lors de l’ouverture du congrès. "Aujourd’hui ces sujets constituent indéniablement le segment le plus dynamique de l’économie mixte", a poursuivi le maire de Nanterre.

Selon la FEEPL, on comptabiliserait aujourd’hui près de 138 sociétés d’économie mixte (SEM) ou sociétés publique locale (SPL) dédiées aux transitions énergétiques et environnementales ; elles représenteraient un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d'euros en 2021 et déjà près de 4.000 salariés. Certes, il faut rapporter ce nombre aux 1.376 EPL, qu'elles soient SEM, Semop et SPL, dénombrées sur l’ensemble du territoire qui oeuvrent dans la plupart des domaines de la vie locale, "mais la croissance des SPL spécialisées sur les sujets d’efficacité énergétique ou la production d’énergie renouvelable est tout à fait spectaculaire", a insisté Patrick Jarry. 

Près de 138 EPL sont dédiées aux transitions énergétiques et environnementales

Un sentiment confirmé par Emmanuel Denis, le maire EELV de Tours et hôte du congrès. L’élu vient, en effet, de faire approuver par son conseil municipal la création d’une SPL spécialisée dans l’efficacité énergétique. La ville en sera actionnaire au côté de la métropole (Tours Métropole Val de Loire). Baptisée SPL S2E, elle sera initialement dotée d’un capital de 225.000 euros, mais susceptible d’accueillir d’autres collectivités à son tour de table. Elle devrait accompagner l’important programme d’investissement de rénovation énergétique du patrimoine immobilier municipal (100 millions d'euros d’ici à la fin du mandat dont 56 millions d'euros pour les écoles), essentiellement composé aujourd’hui "d’une collection de passoires thermiques", selon le maire de Tours. 
Le temps presse car l’explosion des coûts de l’énergie – 4,5 millions d'euros en 2019, 10,4 millions d'euros attendus en 2023 – "rend très difficile, presque insoluble, la résolution du budget 2023", a ajouté Emmanuel Denis. "Nous sommes très inquiets. La plupart des collectivités sont ébranlées par ces hausses", a renchéri Patrick Jarry qui s’est étonné de la teneur d’une récente note émise par Bercy, se félicitant de la santé financière des collectivités locales. Il a donc exhorté le gouvernement à prendre la mesure de ces difficultés.

L’après-midi, lors de l’assemblée plénière, la philosophe Gabrielle Halpern a vanté les mérites de l’économie mixte, comme illustration parfaite des mérites de l’hybridation entre les univers souvent présentés comme antagonistes du public et du privé. À l’image du Centaure – figure mythologique reprise comme fil rouge dans l’un des ouvrages de l’auteure –, cette hybridation ne se limite pas à la juxtaposition, ni même à l’interpénétration des compétences, mais s’apparente plutôt à une "métamorphose réciproque", à la "création d’un nouvel acteur sur le territoire qui transcende et transgresse les anciennes classifications désuètes au profit de l’intérêt général".
Moins conceptuel, Jean-Pierre Gorges, maire de Chartres et président de Chartres Métropole, a lui aussi chanté les louanges d’un modèle dont il est l’un des plus fidèles supporters. L’action publique municipale et métropolitaine sur son territoire s’adosse en effet à une quinzaine de SEM et de SPL dans tous les registres de la vie locale. "La métropole est en quelque sorte, la holding de ces satellites. Elle peut alors se concentrer sur ce qui constitue son cœur de métier : la définition des politiques publiques."
Cette organisation "marquée par son agilité et son efficacité, permet aussi de réaliser des excédents qui remontent au budget de la collectivité et sont ensuite redistribués. C’est ce modèle qui nous a permis à Chartres d’investir massivement tout en réduisant les impôts".

La nouvelle économie mixte doit prendre en compte les besoins des néo-ruraux

Le lendemain, lors de la plénière finale, les débats ont porté sur la relation ville-campagne et leur appréhension différente de la nature des transitions. Co-auteur de "La France sous nos yeux" - une photographie saisissante de la France des plateformes logistiques, des émissions de Stéphane Plaza et des boulangeries de rond-point -, le politologue Jérôme Fourquet met en garde contre une approche indifférenciée des transitions entre habitants des métropoles et du monde rural, la campagne tendant à devenir "une utopie de rechange" pour des citadins désenchantés. La nouvelle économie mixte doit prendre en compte les besoins de ces néo-ruraux, mêlant plusieurs problématiques autour de la solidarité et de la circularité.
Un constat que partage Jérôme Barrier, le directeur général de deux EPL, la Société d’équipement du bassin lorrain (SEBL) Grand Est et la Sarrem, qui fait remonter à la naissance de la politique de la ville, au début des années quatre-vingt, l’oubli des problématiques propres aux zones rurales et périurbaines. Ce spécialiste de l’économie mixte, auteur récent d’un essai paru aux Editions Ovadia ("Réconcilier les territoires. Quel avenir pour nos villes et nos campagnes ?"), théorise la "géosymbiose", autrement dit la réconciliation de la ville et de la campagne. "L’hinterland a besoin du port, mais le port a aussi besoin de l’hinterland", résume-t-il.
Dans ce cadre, il assigne un rôle essentiel d’aménageur à l’économie mixte, "qui allie l’agilité du privé et la vision à long terme du public", comme cela a été souvent répété durant ces trois journées. Mais Jérôme Barrier insiste aussi sur la nécessité d’adapter la décision politique aux particularités locales : "Il faut faire confiance au génie des territoires, affirme-t-il. L’objectif de zéro artificialisation nette, s’il est louable, ne peut pas être traité de la même manière de la même façon partout."

 

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