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Social / Finances - L'Odas plaide pour une remise à plat des politiques publiques sociales

L'an dernier, les départements ont de nouveau dû faire face à une progression des dépenses sociales plus rapides que celle de leurs recettes. Pour l'Odas, qui publiait ce 21 juin son étude annuelle sur les dépenses d'action sociale, les départements sont arrivés au bout de la rationalisation des dispositifs existants. Il faut à présent, souligne l'observatoire, une remise à plat des politiques sociales... qui passe notamment par une recentralisation du RSA.

Les départements ont dépensé en 2015 sur leurs deniers propres 3,54 milliards d'euros pour l'allocation du revenu de solidarité active (RSA), soit 600 millions d'euros de plus qu'en 2014, révèle l'étude annuelle de l'Observatoire national de l'action sociale (Odas) présentée ce 21 juin à la presse. Depuis la création du RSA en 2009, son poids ne cesse de grandir dans le budget des départements du fait des difficultés sur le front de l'emploi. L'année dernière, toutefois, la progression de la dépense restant à la charge du département a légèrement ralenti : entre 2013 et 2014, elle s'était alourdie de 690 millions d'euros, après une hausse de 800 millions d'euros entre 2012 et 2013.
Au total, le RSA s'est élevé à 9,22 milliards d'euros en 2015, en hausse de 7% en un an. Stable, la compensation de l'Etat (5,6 milliards d'euros) a représenté 61,3% de cette somme (contre 65,7% en 2014 et 71,3% en 2013). La récupération des allocations indues, pour laquelle certains départements ont engagé des moyens conséquents, n'a permis de récupérer que 80 millions d'euros, ce qui conduit l'Odas à considérer qu'il s'agit d'un "faux problème". Dans le même temps, les départements ont mis le frein sur les actions visant à réinsérer les allocataires. L'an dernier, ils y ont consacré 700 millions d'euros (soit 7,7% de la dépense nette d'allocation RSA), contre 830 millions d'euros en 2009 (14,5% de la dépense).

RSA : la recentralisation est "plus que jamais justifiée"

A la création du revenu minimum d'insertion, l'Etat devait assurer la quasi-intégralité du coût de l'allocation et les départements devaient investir "un maximum d'argent" pour créer des emplois, a rappelé Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Odas. Depuis, le dispositif s'est grippé. "On est à l'heure actuelle dans un système totalement inversé, ce sont les départements qui financent l'allocation et donc ne font plus d'insertion", a-t-il déploré. Autre problème : le taux de couverture de l'APA par les compensations de l'Etat fluctue de moins de 50% à plus de 75% sans lien avec le taux de pauvreté des départements. "Cela tient à l'historique de la compensation. Tout cela n'est pas très sérieux", a critiqué le délégué général de l'Odas.
Il faut revoir les modalités de financement du RSA, conclut l'organisme. "Le rôle du politique n'est pas de verser des allocations, mais d'inventer." La recentralisation du financement de l'allocation au niveau de l'Etat serait donc "plus que jamais justifiée". Aussi, considère l'Odas, le refus désormais exprimé par de nombreux présidents de département d'abandonner le financement du RSA (voir ci-contre notre article de ce jour) ressemble à "un entêtement".

Maintien à domicile : des financements stables jusqu'à présent

Toujours selon l'étude, l'allocation pour l'autonomie (APA) que les départements versent aux personnes âgées dépendantes a représenté une dépense totale de 6,7 milliards d'euros (soit +1% par rapport à 2014), compensée à hauteur de 31%. Mais l'Odas ne plaide pas pour un meilleur taux de compensation, considérant que cette allocation relève de la solidarité locale.
L'APA destinée à soutenir les établissements pour personnes âgées (2,3 milliards d'euros) représente la dépense la plus dynamique, avec un taux de progression de 3,1% en un an, identique à celui des précédentes années. Alors que le maintien à domicile est une priorité affichée par le monde politique, la part de l'APA qui lui est consacré reste quasiment stable depuis plusieurs années, observe l'Odas. Mais la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui vise notamment à soutenir le maintien à domicile des personnes âgées, pourrait changer la donne. Certes coûteuse, l'APA est un gisement considérable d'emplois, a défendu Jean-Louis Sanchez. "Un euro d'APA produit 1,2 euro d'emploi."
Autre allocation versée par les départements, la prestation de compensation du handicap (PCH) a vu son coût bondir de 8% en 2015 pour atteindre 1,7 milliard d'euros (contre 6,6% en 2014).

Effet de ciseaux

Après deux années de faible évolution, les dépenses des départements consacrées à la protection de l'enfance (7,2 milliards d'euros) ont progressé quant à elles de 2,7% l'an dernier. Dans ce domaine, les départements sont conduits à adapter leur action avec l'arrivée de jeunes issus de l'immigration, qui ne souffrent pas forcément de maltraitance, mais ont besoin d'"un accompagnement matériel à l'autonomie".
Au total, en 2015, la dépense nette d'action sociale des départements s'est élevée à 36,1 milliards d'euros, en progression de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2014 (+3,1%). Si l'on déduit de cette somme les compensations que leur versent l'Etat et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), on parvient à une dépense nette de 28,3 milliards d'euros en hausse de 1,1 milliard d'euros (+ 4%). En face, l'ensemble des recettes de fonctionnement n'ont progressé que de 1,5%. L’effet de ciseaux auquel les départements sont confrontés depuis plusieurs années dans le domaine de la solidarité se poursuit donc.
Pour l'Odas, c'est l'ensemble des dispositifs d'aide sociale qui doivent être revus pour "mettre en place des dispositifs nouveaux d'insertion et d'accompagnement". "Ce qui est en cause, c'est notre modèle de solidarité, ce qui n'est débattu nulle part", regrette Jean-Louis Sanchez. Qui plaide notamment pour "une contribution beaucoup plus importante de la population", via par exemple des journées citoyennes qui existent aujourd'hui dans quelque 500 communes.