Logement des jeunes : même les loyers très sociaux n'empêchent pas la précarité
Malgré les loyers "très sociaux" des résidences Habitat Jeunes, une large majorité de leurs occupants vit sous le seuil de pauvreté. Dans une étude, l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (Unhaj) met en lumière des écarts considérables selon le statut d'activité, la localisation et le type de logement.

© Robert KLUBA/REA
L'étude de l'Unhaj, publiée lors de la rentrée 2025, basée sur plus de 7.300 séjours en résidences Habitat Jeunes entre mars et juin 2024, révèle une réalité préoccupante : malgré des redevances encadrées et réputées accessibles (en moyenne 429 euros par mois, charges comprises), 86% des jeunes logés vivent sous le seuil de pauvreté. Leurs ressources moyennes s'élèvent à 820 euros mensuels, pour un reste à vivre de 673 euros après paiement du logement.
En comparaison, les taux d'effort (1) observés sont très élevés : plus d'un résident sur deux consacre près de la moitié de ses revenus (53,2%) à son logement, soit deux fois plus que dans le parc social classique. "Même dans l'offre qui leur est dédiée, les jeunes rencontrent des difficultés croissantes pour se loger et boucler leurs fins de mois", alerte l'étude.
De gros écarts selon le statut
Le reste à vivre varie du simple au triple selon la situation professionnelle. Ainsi, les jeunes en CDI à temps plein disposent en moyenne de 1.088 euros après paiement du logement, quand les étudiants ou scolaires doivent se contenter de 359 euros. Entre ces deux extrêmes, les stagiaires, apprentis, volontaires en service civique ou salariés précaires affichent un reste à vivre compris entre 560 et 890 euros.
L'étude illustre concrètement ces écarts à travers quatre profils types.
Pour un jeune en contrat d'engagement jeune (CEJ), le reste à vivre peut tomber à 259 euros en zone 1 (Île-de-France) pour un studio, montant qui ne permet pas de couvrir les dépenses du quotidien. Un apprenti de 17 ans ne dispose que de 357 euros dans une configuration similaire.
À l'inverse, un jeune salarié au Smic conserve plus de 1.180 euros, et un demandeur d'emploi percevant l'allocation chômage environ 850 euros.
La localisation joue un rôle déterminant
La localisation joue évidemment un rôle déterminant. En zone 1 (grandes agglomérations), la redevance (2) moyenne atteint 464 euros, contre 413 euros en zone 3 (territoires ruraux). Si les aides au logement compensent partiellement, le reste à charge demeure le plus lourd dans les territoires les plus tendus : 175 euros en moyenne en zone 1, contre 137 euros en zone 3.
Le type de logement accentue encore les disparités. Passer d'un T1 à un T2 fait bondir le reste à charge de plus de 50%, en raison d'une redevance plus élevée non compensée par les APL. Ce décalage pénalise particulièrement les jeunes couples ou familles monoparentales, de plus en plus présentes dans les résidences.
Les politiques publiques jeunesse à l'épreuve
Ces constats interviennent alors que l'État mise sur l'alternance, les dispositifs d'insertion (CEJ) et les politiques de jeunesse pour accompagner les moins de 25 ans. L'Etat a d'ailleurs annoncé en mai 2025 la mise en œuvre d'un nouveau programme piloté par la Banque des Territoires de 5 milliards d'euros pour financer 75.000 places d'ici 2030 (notre article du 13 mai 2025). La transformation des 9 millions de mètres carrés de bureaux vacants "doit servir prioritairement à produire du logement étudiant", avait déclaré l'ex-ministre du Logement, Valérie Létard pas plus tard que ce vendredi 5 septembre (notre article du 5 septembre 2025).
Des initiatives bienvenues mais probablement insuffisantes. L'étude de l'Unahj montre que nombre de jeunes peinent à assumer un logement, même dans le parc le plus accessible. L'Unhaj rappelle que le logement "constitue un facteur fondamental pour mener à bien un parcours d'étude ou d'insertion" et appelle à intégrer un véritable "bonus logement" dans les politiques de jeunesse. À l'heure où près de la moitié des moins de 30 ans vit sous le seuil de pauvreté selon la dernière étude statistique de septembre 2025 publiée par l'Insee, l'accès à un logement abordable reste une condition sine qua non pour que les politiques de jeunesse portent leurs fruits. Les résidences Habitat Jeunes pourraient constituer un début de réponse ; cette étude montre bien que leur modèle est aujourd'hui mis sous pression.
(1) Taux d'effort : rapport entre la somme des dépenses liées à l'habitation et l'ensemble des ressources connues et déclarées par le jeune à son entrée dans le logement Habitat Jeunes (redevance / ressources disponibles).
(2) Redevances des logements proposés dans les RS-FJT comprennent le loyer et les charges locatives (énergie, fluides…) ; les montants de ces redevances sont encadrés par la loi ; plafonnée en fonction d'un zonage national (1, 1bis, 2 et 3) et revalorisée annuellement en fonction de l'IRL
› "Le logement des jeunes est un problème de société", alertent 27 organisations"Aujourd'hui, de nombreux jeunes sont contraints d'abandonner leurs études ou leur emploi au cours de leurs parcours, faute de logement", alertent 27 organisations parmi lesquelles la FAS, l'Unafo, l'Uncllaj et l'Unhaj (1) dans un communiqué du 11 septembre 2025. Ces organisations s'unissent pour remettre en avant les constats et préconisations d'un rapport commun au Conseil d'orientation des politiques de Jeunesse et du Conseil national de l'habitat dont Localtis s'est déjà fait l'écho le 11 février 2025 (lire notre article). Elles alertent sur le fait que "de nombreux jeunes sont contraints d'abandonner leurs études ou leur emploi au cours de leurs parcours, faute de logement" ; "un constat alarmant" qui "s'inscrit dans un problème de société plus vaste", estiment-elles. Elles rappellent que l'offre de logement dédiée (Crous, résidences universitaires, résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs…) ne permet de loger "que 5% des 15-29 ans qui ne vivent plus chez leurs parents" et que "les jeunes [...] se logent à 70% dans le parc privé : le plus cher et le plus dégradé qui concentre le plus fort taux de passoires thermiques". Elles dénoncent des "conséquences alarmantes" : "17% des étudiants abandonnent leurs études faute de logements accessibles", "de plus en plus de jeunes ne postulent pas à des formations ou des offres d'emploi faute de pouvoir se loger", "le nombre de jeunes adultes vivant encore chez leurs parents est en hausse : 5 millions de jeunes adultes sont concernés, soit +250.000 en sept ans" (lire notre article du 5 septembre). (1) La FAS, l'Unafo, l'Uncllaj, l'Unhaj : la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), l'Union professionnelle du logement accompagné (Unafo), l'Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes (Uncllaj), l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (Unhaj) |