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Logement : un retour au calme, non sans moyens

Le 80e congrès de l'Union sociale pour l'habitat en septembre dernier en a témoigné : les relations entre l'Etat et le mouvement HLM se sont sensiblement détendues. L'atténuation, à travers la "clause de revoyure", des mesures touchant les bailleurs sociaux y est pour beaucoup. Tout comme la mobilisation des grands financeurs du secteur à travers le lancement de plans de financement conséquents et de dispositifs nouveaux

En 2017, Julien Denormandie, alors secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, avait eu droit à une véritable bronca lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Le gouvernement venait en effet d'annoncer la réforme des aides personnelles au logement (APL) et son financement, pour une large part, par les bailleurs sociaux à travers le mécanisme de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Au même moment s'esquissaient aussi les grandes lignes de la future loi Élan (évolution de l'aménagement, du logement et du numérique). Deux ans plus tard, changement de ton complet au 80e congrès de l'USH, qui se tenait en septembre à la porte de Versailles à Paris. Certes, des inquiétudes nouvelles se font jour – par exemple sur une intégration des APL dans le futur revenu universel d'activité (RUA) , la mise en place de la contemporanéisation des APL en février prochain ou encore le risque d'une éventuelle "financiarisation" du logement social –, mais l'heure est davantage à l'avancement des projets. Les échanges ont donc été beaucoup plus détendus et Julien Denormandie, devenu entretemps ministre de la Ville et du Logement, a bien pris soin de ne pratiquement pas quitter les lieux durant les trois jours du congrès.

Les choses vont mieux en les signant

Le changement de ton était certes déjà apparu en 2018, avec en particulier la médiation bienvenue de Gérard Larcher, le président du Sénat, pour arrondir les angles dans l'élaboration du projet de loi Élan. Au final, et malgré un certain nombre de réserves portant notamment sur le regroupement forcé des petits organismes HLM, l'USH a fini par voir dans le texte – devenu la loi du 23 novembre 2018 – une boîte à outils "pas inintéressante".

Mais l'apaisement tient surtout à une double démarche. D'une part, la relative atténuation des mesures concernant les bailleurs sociaux à travers la "clause de revoyure". D'autre part, la mobilisation des grands financeurs du secteur – Caisse des Dépôts et Action logement – à travers le lancement de plans de financement conséquents et de dispositifs nouveaux, doublée de la mobilisation générale de l'Anah (Agence nationale de l'habitat) et de l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine).

Sur le premier point, les négociations, entamées le 21 mars par une rencontre entre l'USH et le Premier ministre, ont débouché sur la signature, le 25 avril, d'un "pacte d'investissement pour le logement social" – selon la formule du gouvernement – ou d'une "clause de revoyure", pour les bailleurs sociaux. L'important est surtout dans les mesures arrêtées, à commencer par la limitation de l'impact de la réforme des APL sur les bailleurs sociaux à 950 millions d'euros par an sur trois ans, tout en maintenant une baisse des APL, compensée par les organismes HLM, pour les locataires du parc social à hauteur de 1,3 milliard d'euros. La différence entre les deux montants s'explique par une baisse de 300 millions d'euros des cotisations des organismes HLM au Fnap (Fonds national des aides à la pierre) – compensée par Action logement – et 50 millions de remises sur les intérêts de la dette des bailleurs auprès de la Caisse des Dépôts. S'y ajoutent le retour du taux de TVA de 10% à 5,5% (mais uniquement pour les logements financés en PLAI, les opérations menées dans le cadre de l’Anru et les logements PLUS en acquisition-amélioration), ainsi que "diverses mesures financières de soutien au secteur" comme des aides à la démolition en zones détendues ou l'allongement de prêts fonciers en zones tendues.

L'État ayant respecté la mise en œuvre de la clause de revoyure – comme le confirme le projet de loi de finances pour 2020 – le secteur social voit ainsi sa contribution quelque peu allégée et dispose d'une meilleure visibilité, ce qui contribue à l'apaisement.

Mobilisation générale des financeurs

Au plus fort de la crise entre le mouvement HLM et le gouvernement, les prévisions les plus sombres – mais pas forcément dénuées d'arrière-pensées dans la partie qui se jouait alors – allaient jusqu'à évoquer un effondrement de l'investissement et de la construction de logements sociaux et un quasi abandon de l'entretien du parc. Ce discours n'est plus du tout de mise aujourd'hui.

Car à défaut d'un autofinancement forcément raboté par la RLS, des financements importants, voire des quasi fonds propres, ont été apportés par les grands financeurs du secteur. Action logement a ainsi lancé, le 10 janvier, un "plan d'investissement volontaire" (PIV) pour le logement et la mobilité des salariés, doté d'une enveloppe de 9 milliards d'euros, principalement sous forme de prêts bonifiés. Ces financements s'ajoutent aux 15 milliards d'euros déjà engagés dans la convention 2018-2022 signée avec l'État. Ils doivent contribuer à la mise en œuvre de toute une série de programmes, avec en particulier 2 milliards d'euros pour un habitat "plus inclusif", 2 milliards pour "produire plus et moins cher", 1,5 milliard pour la transformation de bureaux vacants en logements, 1 milliard pour la performance énergétique, 1 milliard pour l'habitat dégradé en centre-ville... Malgré quelques tensions autour d'une nouvelle ponction pour boucler le projet de loi de finances pour 2020, Action logement et l'État sont tombés d'accord en fin d'année pour accélérer la mise en œuvre du PIV.

En avril, c'était au tour de la Caisse des Dépôts d'annoncer, lors de la réunion à Matignon pour la clause de revoyure, son plan "Logement 2", détaillé quelques jours plus tard par la Banque des Territoires. Celui-ci prévoit notamment de renforcer les quasi fonds propres des bailleurs sociaux à travers un redéploiement des dispositifs de prêts de haut de bilan (PHB) de première et deuxième génération et la souscription, pour la première fois dans le logement social, d'une enveloppe de 800 millions d'euros de titres participatifs émis par les organismes. Le plan Logement 2 soutient également l'investissement des bailleurs sociaux, à travers une nouvelle enveloppe de prêts à taux fixe de marché, des remises commerciales d'intérêt, une augmentation du volume d'éco-prêts consacrés à la réhabilitation thermique (prêts à 0% sur quinze ans) ou encore l'allongement possible, de 60 à 80 ans, des prêts fonciers en zone tendue, à travers l'Octofoncier. Au total la Banque des Territoires assure ainsi un impact "massif" de l'ordre de 36 milliards d'euros : 10 milliards d'euros pour le Plan logement 1 (remontant à 2018 et toujours en cours), 16 milliards d'euros pour les mesures d'allongement de la maturité du stock de prêts, et 10 milliards d'euros pour le Plan logement 2.

Enfin, on aura garde d'oublier les efforts importants de deux acteurs étatiques. Pour la première fois depuis des années, l'Anah, largement réorganisée, a dépassé ses objectifs, pourtant fixés assez haut par le gouvernement. Avec 122.624 logements rénovés au 2 décembre (pour un objectif de 120.000), l'Agence affiche une progression sur un an de 70%... Et, toujours pour la première fois, son budget franchira en 2020 la barre du milliard d'euros.

De son côté, l'Anru a franchi, en novembre, la barre des huit milliards d'euros de concours financiers aux collectivités et aux bailleurs, dans le cadre du NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain). Grâce à une forte accélération, le nombre de projets examinés et validés atteint désormais 329, sur les 450 quartiers éligibles au NPNRU.

Élan suit son chemin et le PTZ ne sait plus où il va

La loi Élan du 23 novembre 2018 a donné lieu à la publication, cette année, d'un grand nombre de textes d'application. Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut citer les décrets sur le "logement évolutif" (qui remplace l'accessibilité universelle prévue par la loi Handicap de 2005), sur la simplification du régime des prêts et avances entre organismes HLM, sur les sanctions en cas de non-respect de l'encadrement des loyers (là où il s'applique), sur la délégation du droit de priorité sur les cessions d'immeubles, sur les réquisitions de locaux en vue de l'hébergement d'urgence, sur les seuils d'exemption de la loi SRU, sur les sociétés de coordination d'HLM, sur les sociétés de ventes d'HLM ou encore, tout récemment, sur la cotation des demandes de logement social.

Si la mise en œuvre de la loi Élan suit ainsi son chemin – même si tous les textes sont encore loin d'être publiés –, il n'en va pas de même pour le PTZ (prêt à taux zéro). Promis à la suppression, dès le 1er janvier 2020, dans les zones non tendues en matière de logement (zones B2 et C), accablé de tous les maux dans un rapport sévère de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) – proposant de ne pas renouveler l'ensemble du dispositif en 2021, y compris dans les zones tendues –, le PTZ a finalement sauvé sa tête grâce aux députés LREM, qui l'ont maintenu inchangé, contre l'avis du gouvernement. Un épisode qui augure de débats animés lorsque l'ensemble du dispositif PTZ arrivera – théoriquement – à expiration en 2021...

Dans le même registre, un autre rapport de l'IGF et du CGEDD s'en est pris, quelques jours plus tard, au dispositif Pinel en faveur de l'investissement locatif. Sans oublier, à nouveau quelques jours plus tard, la sortie officielle d'un rapport des mêmes, qui faisait l'objet de nombreuses rumeurs et inquiétudes depuis plusieurs semaines, notamment chez les bailleurs sociaux. Il porte en effet sur le financement du logement social et passe en revue différentes hypothèses, dont quelques-unes iconoclastes. Au final, beaucoup de bruit pour pas grand-chose : le rapport lui-même se montre plutôt réservé sur les scénarios qu'il passe au crible et, à en croire Julien Denormandie, le document ne devrait pas ressortir du tiroir dans lequel il a été rangé.

Dans ce climat globalement orienté à l'apaisement, la construction a suivi cette année une voie médiane : pas encore de "choc de l'offre" promis par le gouvernement avec la mise en œuvre de la loi Élan ; mais pas non plus d'effondrement de la construction neuve, redouté par certains. Les permis de construire et les mises en chantier affichent une légère baisse, mais le secteur du bâtiment (qui inclut le non résidentiel) continue de bien se porter pour la quatrième année consécutive. Au 1er janvier 2019, la France comptait ainsi plus de 5 millions de logements sociaux (en hausse de 1,7% en 2018) et, au total et toutes catégories confondues, 36,6 millions de logements... dont 3 millions vacants.

 

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