Lutte contre le non-recours : Jean-Christophe Combe installe le Comité de coordination pour l’accès aux droits

Un Comité de coordination pour l’accès aux droits a été installé le 30 janvier 2023 par le ministre des Solidarités. Il aura pour mission de suivre l’expérimentation Territoires zéro non-recours, qui sera lancée "dans les prochaines semaines", puis de construire la vaste réforme de la solidarité à la source, dont la première étape de simplification des démarches est annoncée pour le second semestre 2024. Insistant sur la nécessité d’allier travail sur les données et accompagnement humain pour lutter de manière efficace contre le non-recours, Jean-Christophe Combe ouvre d’autres pistes de réflexion, notamment sur le "bon équilibre" à trouver pour les services publics entre "accueil numérique, accueil téléphonique, accueil humain".

Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, a installé le Comité de coordination pour l’accès aux droits (Cocoad) le 30 janvier 2023 à Paris, en présence des ministres du Travail et de l’Enseignement supérieur et "de l’ensemble des acteurs publics et privés qui œuvrent au quotidien contre toutes les formes de non-recours". Ce Comité a ainsi vocation à réunir régulièrement "élus locaux, associations de solidarités, responsables d’administrations ainsi que les caisses de sécurité sociale".

Considérant que le non-recours est "le signe d’un triple échec collectif" - "échec de l’organisation de nos politiques sociales", "échec de notre politique économique" et "échec pour nos finances publiques" -, Jean-Christophe Combe a rappelé qu’il a "fait de la lutte contre le non-recours une des priorités des prochaines années en matière de politique de solidarités". Si des "efforts importants ont déjà été déployés" - le ministre citant notamment "la mise en place d’un accueil social inconditionnel à moins de 30 minutes, sur l’ensemble du territoire dans le cadre des contrats signés avec les départements" -, il s’agit avec le nouveau Comité "d’unir et de coordonner nos efforts, [de] passer ensemble à la vitesse supérieure", présente-t-il. Le Cocoad sera en particulier "le lieu de la construction et du suivi du chantier de la solidarité à la source", mais aussi du pilotage de l’expérimentation "Territoires zéro non-recours".

Expérimentation Territoires zéro non-recours : "un engagement résolu et coordonné de tous les acteurs"

Cette dernière sera lancée "dans les prochaines semaines", par la publication d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Prévue dans la loi 3DS, l’expérimentation vise à "porter des actions de proximité pour l’accès aux droits, fondées sur la mobilisation des acteurs locaux", et cela "sans attendre", alors que la réforme de la solidarité à la source est un chantier de plusieurs années.

En s’inspirant de "territoires pionniers" tels que Paris, Vénissieux et Bastia, il s’agira pour les territoires candidats de présenter un projet manifestant "un engagement résolu et coordonné de tous les acteurs locaux (collectivités, associations, organismes de sécurité sociale) au service du combat pour l’accès aux droits grâce à des actions hors les murs, une meilleure information du public et la détection des publics fragiles". Une telle mobilisation se traduit sur le terrain par "un travail de fourmi, souvent trop peu visible – je pense en particulier aux derniers relais d’information et de confiance : les gardiens des grands ensembles, la pharmacienne" et néanmoins "indispensable pour obtenir les meilleurs résultats", illustre le ministre, évoquant le travail réalisé à Vénissieux.

"Solidarité à la source" : une première étape de simplification des démarches à partir de 2024 

Quant à la réforme visant à instaurer une "solidarité à la source", elle donnera lieu à une première étape, "à partir du second semestre 2024, [consistant] à simplifier massivement les démarches administratives pour bénéficier des prestations de solidarité : le RSA et la prime d’activité dans un premier temps", présente le ministre des Solidarités. Il s’agit de "s’inspirer de la logique de la déclaration fiscale préremplie" sur la base des informations déclarées par les entreprises, précise-t-il. Jean-Christophe Combe ajoute que ce système permettra de "prévenir les indus et [de] lutter contre la fraude". Avec "la mise en commun des données de revenus dont disposent les différentes caisses et administrations", il sera surtout possible d’identifier puis de contacter "les personnes potentiellement éligibles mais non recourantes".

Une deuxième étape du chantier consistera à "repenser les paramètres de nos prestations de solidarités, pour en harmoniser les bases ressources", afin "de rendre notre système de solidarité plus lisible", poursuit le ministre. Il glisse que cette étape, "extrêmement ambitieuse, complexe et délicate à mettre en œuvre, comme l’a montré l’expérience de l’universal credit au Royaume-Uni", nécessitera de "concilier résolution et prudence". Publiée en 2017, une étude de la Dares (ministère du Travail) tirait des enseignements de cette réforme britannique de fusion des minima sociaux, mettant l’accent notamment sur des coûts de mise en œuvre "sous-estimés" et "des résultats mitigés sur l’accès aux droits".

Non-recours lié à la fracture numérique

Dans son discours, le ministre des Solidarités met en avant deux leviers de lutte contre le non-recours : le data mining et l’intelligence artificielle – au cœur de la réforme de la solidarité à la source – et l’accompagnement humain – notamment parce que certaines personnes "ne sont pas connues des administrations et donc non enregistrées dans les bases de données". Jean-Christophe Combe appelle ainsi à "prendre garde à l’apparition d’une nouvelle forme de non-recours liée à la fracture numérique".  

Dernier chantier pour le nouveau Comité : "faire en sorte que notre système soit mieux connu de tous et plus facile d’usage". La Drees, dans de récents travaux sur lesquels Localtis reviendra prochainement, a en effet identifié une faible connaissance générale en France des dispositifs de solidarité, ce qui est une cause de non-recours.  Le ministre évoque à ce sujet trois pistes de réflexion : l’amélioration du portail national des droits sociaux pour "lui donner plus de visibilité", une réflexion particulière sur les travailleurs indépendants et les "slasheurs" cumulant plusieurs temps partiels et "la relation de service entre les citoyens et les institutions". "Avons-nous atteint le bon équilibre entre les différentes offres d’accueil - accueil numérique, accueil téléphonique, accueil humain ?", interroge ainsi le ministre. Ce dernier mentionne que la lutte contre le non-recours "traversera l’ensemble du Pacte des solidarités", qui devrait être présenté d’ici la fin du mois de mars (voir notre article du 13 janvier 2023).