Madi Madi Souf : "La plupart des communes de Mayotte se trouvent dans une situation financière difficile"

Près d'un an après le passage du cyclone Chido, et malgré les deux lois qui doivent permettre la reconstruction du territoire - la loi d’urgence Mayotte du 13 février 2025 destinée à la reconstruction des infrastructures et des établissements scolaires et la loi pour la refondation de Mayotte du 11 août 2025 qui comporte des mesures plus structurelles - Mayotte peine à se relever. Les financements, souvent en-deçà des besoins, arrivent au compte-gouttes, ce qui met en difficulté communes et intercommunalités. Madi Madi Souf, président de l'Association des maires de Mayotte (AMM) et maire de Pamandzi, dresse l'état des lieux de ce département toujours en proie à l'insécurité. Il présente ses priorités, au premier rang desquelles la reconstruction des écoles endommagées par le cyclone.

Localtis - Après le passage du cyclone Chido en décembre 2024, où en est la reconstruction de Mayotte ? L’État est-il au rendez-vous ?

Madi Madi Souf, président de l’Association des maires de Mayotte (AMM) et maire de Pamandzi - L’établissement public de reconstruction et de développement de Mayotte (EPRDM) chargé de mettre en œuvre et de coordonner la reconstruction du territoire vient d’être mis en place. Son directeur général a été recruté et officiellement installé par l’ex-ministre des Outre-mer, Manuel Valls, le 2 septembre 2025. La valse des ministres d’Outre-mer, le contexte politique national et le flou budgétaire lié à l’enveloppe dédiée pour la reconstruction de Mayotte ne sont pas de nature à favoriser et à accélérer la reconstruction du territoire. De plus, malgré le volontarisme de l’ex-ministre des Outre-mer, les 100 millions d’euros prévus dans la loi d’urgence sont versés au compte-gouttes aux communes et aux intercommunalités. Cela met en difficulté certaines d’entre elles qui avaient engagé des dépenses non prévues pendant le cyclone Chido.

Qu’est-ce qui doit être fait en matière de prévention pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise ?

Les habitants des bidonvilles ont été les plus touchés par la catastrophe. Il y a urgence à éradiquer ces logements de fortune et à accompagner les habitants précaires vers du logement en dur. C’est l’ambition de la feuille de route du "bidonville au logement" destinée à résorber l’habitat insalubre.

Par ailleurs, il y a nécessité de mettre en œuvre des politiques volontaristes de communication, de respect des consignes de sécurité et de prévention aux risques naturels afin d’inculquer une "culture du risque" à la population, dans la mesure où ces phénomènes seront de plus en plus récurrents et plus intenses dans notre région compte tenu des dérèglements climatiques. A l’heure où je vous réponds [l'entretien a eu lieu le 23 octobre 2025, ndlr], une tempête tropicale encore modérée, nommée Chenge, évolue dans l’océan Indien. Pour le moment, elle ne constitue pas, à ce stade, une menace directe pour le territoire. Mais il convient également d’aider les communes de Mayotte à se doter d’un plan communal de sauvegarde (PCS) et de les équiper du matériel de sécurité et de prévention lié aux phénomènes climatiques notamment aux cyclones.

Au-delà du défi climatique, Mayotte est en proie à des problèmes chroniques : insécurité, habitat informel, immigration irrégulière… Que pensez-vous des mesures prises dans la loi dite de refondation du 11 août 2025 ?

Les principales mesures figurant dans la loi de refondation ont été le fruit d’un travail partenarial et concerté entre les élus de Mayotte et le gouvernement. Les Mahorais pensent que ces mesures sont bonnes pour le territoire et qu'elles peuvent constituer des avancées pour leur île. Reste maintenant la volonté notamment concernant la définition d’un calendrier précis relatif à la mise en œuvre opérationnelle de ces différentes mesures sur le terrain. Les 4 milliards d'euros prévus dans la loi de refondation de l’île sont largement en-deçà des dégâts causés par le cyclone Chido et la tempête Dikeledi, pour construire (et non reconstruire) Mayotte.

Quelle est la situation aujourd'hui dans l’archipel, sur le plan économique, financier, social ?

La situation était complexe bien avant Chido. Mayotte était déjà le département le plus pauvre de la République. Chido est venu seulement accentuer des problématiques déjà existantes au niveau socio-économique. Les communes ont été au premier plan dès l’après cyclone. Elles ont engagé des dépenses qui n’étaient pas prévues dans les budgets. Or, jusqu’à maintenant l’aide promise par l’État aux collectivités n’est pas au rendez-vous. Quelques structures comme le Sidevam976*, la Cadema** et deux communes ont reçu des subventions post-chido qui n’ont pas été à la hauteur des besoins. Plusieurs communes ont reçu des arrêtés de subventions post-chido mais elles attendent toujours les paiements. La plupart des communes connaissent donc une situation financière difficile et elles peinent à répondre correctement aux attentes de leurs administrés pour un service public de qualité. De plus, le climat d’insécurité est toujours présent, le problème des tours d’eau est toujours là et l’activité économique tarde à prendre son envol. Les séquelles de Chido sont toujours visibles avec notamment des habitations individuelles et scolaires qui ne sont pas reconstruites et des déchets qui ne sont pas totalement ramassés.

En tant que maire et président de l’Association des maires de Mayotte, quelles sont vos priorités ?

En premier lieu, la reconstruction des écoles endommagées par le cyclone. La commune de Pamandzi vient de boucler son schéma directeur des écoles. Au niveau de l’Association des maires de Mayotte, nous avons travaillé et élaboré un livre blanc intitulé "Mayotte, refonder l’école de la République post-Chido" qui comporte des préconisations fortes pour l’école de demain à Mayotte.

En deuxième lieu, la priorité est la mise à jour du plan communal de sauvegarde (PCS) pour mieux sécuriser les habitants en cas de nouvelles catastrophes naturelles.

Avez-vous le sentiment que le lien entre l’hexagone et l’Outre-mer se distend ou au contraire que des crises comme celles de Chido ont été l’occasion de renforcer la solidarité nationale ?

À la suite de Chido, Mayotte a bénéficié d’une solidarité sans précédent aussi bien de la part de l’État central, qui s’est mobilisé pour faire face aux urgences vitales, que de la part des collectivités territoriales de l’hexagone qui ont apporté des financements, et de nos compatriotes métropolitains. La Fondation de France, qui a lancé un appel à la solidarité dès le lendemain du cyclone, a récolté plus de 42 millions d’euros de dons. Il s'agit à ce jour de la plus importante collecte de cet organisme dans le cadre d’une opération d’urgence.

Mayotte a bénéficié de la lumière des médias pendant le cyclone Chido et elle a été le théâtre de plusieurs voyages présidentiels, ministériels, parlementaires et de représentant des associations nationales notamment de l’Association des maires de France (AMF). Un travail de suivi est maintenu par ces différentes institutions. Il permet de garder le lien avec l’hexagone.

* Le syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte

** La communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou

 

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