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Marchés publics et référé suspension : comment apprécier l'urgence en cas de fusion d'intercommunalités ?

Dans un arrêt du 18 septembre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’appréciation des conditions d’un référé suspension en se concentrant sur la notion d’urgence, notamment au regard de l’absence de délibération de conseillers communautaires sur un marché public suite à une fusion d’intercommunalités.

En l’espèce, la communauté de communes Centre Dombes (CCCD) avait conclu le 15 décembre 2016 un marché public de conception-réalisation pour la restructuration de la piscine intercommunale.
Cependant, un arrêté préfectoral du 1er décembre 2016 a procédé à la fusion de la CCCD avec deux autres intercommunalités pour constituer au 1er janvier 2017 la communauté de communes de la Dombes (CCD). Une vingtaine de conseillers communautaires de cette nouvelle intercommunalité a alors saisi le tribunal administratif (TA) de Lyon en vue de demander l’annulation de ce marché. Ils ont accompagné leur recours d’un référé suspension afin que l’exécution du marché public litigieux soit suspendue. Le TA n’ayant pas fait droit au référé suspension, les conseillers communautaires ont saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

Pas d’urgence en cas d’absence de participation à une délibération antérieure à une fusion

Pour rappel, un référé suspension doit réunir deux conditions pour aboutir : l’acte attaqué doit présenter de sérieux doutes sur sa légalité et le requérant doit démontrer que l’urgence de la situation nécessite la suspension de l’exécution de l’acte en question. En l’espèce, c’est davantage la condition de l’urgence qui a été débattue devant le Conseil d’Etat. Après avoir annulé l’ordonnance du TA pour erreur de droit, il a tranché le litige sur le fond.
Selon les requérants, le fait de ne pas avoir participé à la conclusion du contrat du fait qu’il ait été passé avant la création de la CCD devait permettre de caractériser une situation d’urgence. Pour répondre à cet argument, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé " que les membres de l’organe délibérant [...] du groupement de collectivités territoriales qui a conclu un contre administratif, ou qui se trouve substitué à l’une des parties à un tel contrat, sont recevables à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de celui-ci ". Il a également précisé que cette demande pouvait s’accompagner d’un référé-suspension. Reprenant l’arrêté préfectoral créant la CCD, la haute juridiction administrative a également rappelé que la communauté de communes issue de la fusion se substituait aux précédentes entités pour l’exécution des contrats conclus antérieurement. Dès lors, les conseillers communautaires ne pouvaient valablement soutenir que l’urgence de la situation résultait du seul fait qu’ils n’aient pas délibéré sur la passation du marché litigieux puisqu’intervenue avant la fusion des trois communautés de commune.

L’urgence doit être suffisamment caractérisée

Les requérants soutenaient également que l’urgence de la situation était caractérisée par la valeur du marché conclu pour un montant supérieur de 17% à l’estimation initiale. Cet argument a toutefois été jugé insuffisant par le Conseil d’Etat, les requérants ne démontrant pas que " le coût des travaux [...]risque d’affecter de façon substantielle les finances de la collectivité [...] et que l’engagement des travaux est imminent et difficilement réversible ".
Les requérants estimaient enfin que le choix de recourir à un marché de conception-réalisation était illégal et constituait une situation d’urgence. Le Conseil d’Etat a également rejeté cette motivation, une telle illégalité ne pouvant par elle-même satisfaire la condition de l’urgence.
Le Conseil d’Etat a donc rejeté leur pourvoi.

Référence : CE, 18 septembre 2017, n° 408894
 

 

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