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Monnaies locales : un circuit qui reste "incomplet" pour les collectivités territoriales

Le cadre juridique des monnaies locales reste incomplet, soulève un député. En effet, la loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire prévoit pourtant l'intégration du titre de monnaie locale dans le code monétaire et financier. Mais faute d'actualisation d'un arrêté de 2012, les collectivités n'ont toujours pas le droit de disposer d'un compte en monnaie locale pour payer leurs dépenses ou recevoir des règlements.

L'intérêt pour les monnaies locales ne se dément pas à l'heure de la sauvegarde du tissu économique de proximité. Mais si le cadre a été sensiblement amélioré en 2014, il reste incomplet estime Jean-Marc Zulesi, député LREM des Bouches-du-Rhône. Les collectivités ne peuvent en effet toujours pas disposer d'un compte en monnaie locale. La loi sur l'économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 a introduit le titre de monnaie locale complémentaire dans le code monétaire et financier. Mais les textes réglementaires permettant la procédure n'ont pas suivi. C'est ce qu'a relevé le député dans une question écrite du 18 août 2020 adressée au ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance.

"Le cadre juridique français actuel ne permet pas un bouclage complet du circuit de ces monnaies par les collectivités, indique ainsi le député dans sa question, elles peuvent certes accepter des paiements en monnaie locale et faire en sorte que certains de leurs paiements puissent être reçus en monnaie locale par leurs destinataires, mais elles ne peuvent ni encaisser ni a fortiori décaisser des moyens de paiement en monnaie locale." Le problème vient de la non actualisation de l'arrêté du 24 décembre 2012, qui dresse la liste limitative des moyens et instruments de paiement acceptables par les collectivités publiques.

"Cette absence de révision empêche pour l'heure que les collectivités locales puissent disposer d'un compte en monnaie locale, qui pourrait alors être débité ou crédité en fonction de leurs recettes et dépenses opérées avec ces moyens de paiement", précise Jean-Marc Zulesi. En conséquence, "les trésoriers payeurs ne sont pas non plus en capacité d'ouvrir ou de gérer un compte en monnaie locale pour les collectivités qui le souhaiteraient", indique-t-il. Le député demande la position du gouvernement sur d'éventuelles évolutions réglementaires pour faciliter le dispositif.

80 monnaies locales en circulation

Aujourd'hui près de 80 monnaies locales sont en circulation sur le territoire pour un volume estimé à 5 millions d'euros. Les premières ont vu le jour dans les années 2010 pour repenser le système monétaire et faire en sorte que la richesse reste sur le territoire, circule et profite à l'emploi local. Les usagers sont en effet incités à consommer près de chez eux, en soutenant un réseau de producteurs, artisans, commerçants adhérant à la monnaie et répondant de fait à une charte de valeurs écologiques, locales et citoyennes.

Certaines collectivités ont cherché à contourner le cadre actuel. C'est le cas pour l'eusko, la monnaie locale créée en 2013 par la communauté d'agglomération du Pays basque. Après une longue bataille juridique, la ville de Bayonne a trouvé un accord en 2018 avec la préfecture des Pyrénées-Atlantiques pour pouvoir régler certaines dépenses en eusko. Mais la ville ne paie pas directement ses dépenses en eusko. Elle doit passer pour cela par une association intermédiaire, l'Euskal Moneta, qui crédite ensuite le compte eusko de l'entreprise, de l'association ou même de l'élu qui souhaite recevoir ses indemnités en monnaie locale.