Archives

Culture - Nicolas Sarkozy veut "tordre le cou" à la rumeur sur la suppression de la compétence culturelle

Au fil des ans, les voeux du président de la République au monde de la culture sont devenus un moment fort de la politique de l'Etat en la matière. Au début de 2009, Nicolas Sarkozy avait annoncé un ensemble de mesures, assez largement centrées sur le patrimoine. L'objectif était alors de répondre aux critiques sur le manque de moyens budgétaires. Les voeux pour 2010, présentés le 7 janvier à la Cité de la musique à Paris, se situent dans un esprit plus offensif. Le président de la République - qui revendique son rôle de "protecteur des arts et [de] défenseur de la culture" - y dresse d'abord le bilan de l'action gouvernementale. Il rappelle en particulier que plusieurs réformes lancées en 2007 sont aujourd'hui devenues réalité : suppression de la publicité à France Télévisions, loi Hadopi du 12 juin 2009 ("favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet"), gratuité ciblée des musées, réforme du Centre national du cinéma (CNC) et création d'un Code du cinéma, amélioration du régime du mécénat, crédit d'impôt pour encourager les tournages en France, réforme du marché de l'art (votée au Sénat)... Le chef de l'Etat évoque également la mise en chantier, en 2009, de plusieurs grands équipements culturels comme le Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, l'antenne du Louvre à Lens (engagé en réalité en 2004), "en attendant l'antenne du Centre Pompidou à Metz que j'inaugurerai dans quelques mois, le Musée des civilisations de la Méditerranée à Marseille, la métamorphose de la Maison de Radio France ou encore la création de la Philharmonie de Paris [...]". Toujours côté bilan, Nicolas Sarkozy cite également les premiers effets du plan de soutien au patrimoine - qui s'inscrivait pour partie dans le plan de relance de l'économie -, avec des travaux de restauration dans 46 cathédrales et plusieurs monuments.

 

Des chantiers à foison

Pour 2010, le chef de l'Etat a annoncé ou confirmé plusieurs grands chantiers de réforme. Le premier est un chantier au sens propre, puisqu'il s'agit de celui du Grand Paris, avec l'installation, en février, de l'atelier international qui accueillera au Palais de Tokyo les dix équipes d'architectes urbanistes. D'autres chantiers ont également été évoqués, comme la future "Maison de l'histoire de France" (choix du lieu, de l'organisation et des équipes "d'ici au printemps"), l'entrée d'Albert Camus au Panthéon, ou encore la lutte contre le piratage et pour le développement de l'offre légale, avec un projet de "carte musique" pour les jeunes. Conçue sur le modèle des cartes culturelles développées par les régions, elle aurait une valeur d'achat de 200 euros, dont la moitié financée par l'Etat. Le président de la République souhaite aussi que la Commission européenne propose au Conseil "d'autoriser les Etats membres à appliquer une TVA réduite sur l'ensemble des produits culturels".
Nicolas Sarkozy s'est également attardé sur le spectacle vivant, secteur traditionnellement sensible - on se souvient de la crise des intermittents - et qui connaît à nouveau une certaine agitation. Il estime en effet nécessaire "de passer à la vitesse supérieure" et juge que "notre politique du spectacle vivant doit être plus audacieuse". Tout en sachant "qu'il faut marcher sur des oeufs", le chef de l'Etat a rappelé qu'il avait déjà demandé, lors de ses précédents voeux, une réforme en profondeur des aides à la création et que ces dernières "soient accordées en fonction de l'excellence artistique des projets, de leurs vertus pédagogiques et éducatives, de la qualité de leur gestion, de la diversité des esthétiques, et non pas en fonction des traditions ou des habitudes". Ce dossier n'ayant manifestement pas progressé en 2009, il juge que l'"on ne peut pas rester dans l'immobilisme tel qu'on le connaît". Il souhaite donc s'appuyer sur les Entretiens de Valois pour "passer à l'acte". Il n'a toutefois pas indiqué de pistes en ce domaine, exception faite des projets de manifestations envisagés par le Conseil pour la création artistique, créé l'an dernier et présidé par Marin Karmitz.

 

Les collectivités invitées à s'engager davantage

L'éducation artistique constitue une autre priorité. Sur ce point, Nicolas Sarkozy pointe un retard en matière d'éducation par la pratique artistique : "C'est le chantier qui a le moins progressé, c'est donc celui qui doit mobiliser tous les efforts des ministres de la Culture et de l'Education nationale en 2010 [...]." Le chef de l'Etat prend soin de préciser que "naturellement, ce chantier éducatif est une responsabilité partagée avec les collectivités locales, et l'Etat assumera sa part de l'effort". Cette allusion aux collectivités lui donne aussi l'occasion de "tordre le cou aux insinuations selon lesquelles l'Etat voudrait retirer aux collectivités locales leurs prérogatives en matière culturelle". Une réponse directe à la récente campagne presse menée par les principales associations du spectacle vivant sur le thème "Les régions et les départements privés de culture ?" (voir notre article ci-contre du 21 décembre 2009). Et Nicolas Sarkozy d'affirmer : "Toutes les collectivités, des communes aux régions en passant par les intercommunalités et les départements, continueront à exercer leur compétence culturelle après le vote de la loi réformant les responsabilités des collectivités territoriales." Rappelant au passage que l'Etat a augmenté ses crédits à la culture de plus de 6% entre 2007 et 2010 - "à quoi s'ajoute une hausse de 15% des aides fiscales, sans compter les 750 millions d'euros d'investissement dans la numérisation des oeuvres annoncés pour 2010" -, Nicolas Sarkozy en profite pour souhaiter "que toutes les collectivités soient aussi attentives que l'Etat à l'égard de la culture"...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis