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Fonction publique - Pantouflage : la Commission de déontologie en fait-elle assez ?

La Commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) fait l'objet de vives critiques dans un rapport parlementaire rendu public ce 31 janvier, rapport qui propose de renforcer son statut et de rendre ses avis publics.
"Un élément de décor", des avis qui restent aujourd'hui "lettre morte"... c'est ainsi que le député Olivier Marleix (LR), co-rapporteur des travaux, a qualifié la Commission de déontologie, lors d'une conférence de presse. "Il faut qu'on lui fasse franchir une étape supérieure", a abondé Fabien Matras (LREM), président de la mission d'information sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts. Celle-ci a été mise en place en septembre après la tentative avortée du Sénat d'ajouter des dispositions sur les fonctionnaires au projet de loi de moralisation de la vie publique. Les travaux se sont intéressés à l’ensemble des agents publics – titulaires ou contractuels – des trois fonctions publiques, - Etat, territoriale et hospitalière.
Le rapport considère notamment que l'encadrement des départs d'agents publics vers le secteur privé ("pantouflage") reste "inabouti".
Pour chaque départ, la Commission de déontologie doit rendre un avis (quelque 3.500 en 2016), de manière obligatoire et systématique depuis la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires. Elle peut estimer que le projet professionnel de l'agent est "compatible" ou non avec son ancienne fonction, ou bien "compatible sous réserves", et y pose alors des conditions (pas de contact avec l'ancien service...).
Toutefois, les députés se disent "particulièrement surpris" de constater qu'aucun suivi de ces avis n'est effectué. Ils proposent que la Commission en fasse le contrôle, via un formulaire annuel, auquel une non-réponse pourrait entraîner des sanctions. Ses moyens devraient être renforcés pour cette nouvelle mission. Ils souhaitent également que tous les avis de la Commission de déontologie soient rendus publics, afin notamment que les anciens et nouveaux collègues de l'agent aient connaissance des restrictions auxquelles il est soumis.
"Le pantouflage est un phénomène qui reste limité", a cependant tenu à rappeler Fabien Matras. En 2016, un peu moins de 200 fonctionnaires de Bercy sont passés dans le privé, pour quelque 157.000 agents qui en dépendent au total, apprend-on par exemple dans le rapport. Certains corps sont sur-représentés, comme celui de l'Inspection générale des finances.
Réprimée par le code pénal, la prise illégale d'intérêts commise par un agent public n'a quant à elle été sanctionnée qu'une quinzaine de fois au cours des 20 dernières années - soit grâce à l'efficacité des contrôles, soit parce que ceux-ci manquent pour la déceler, note sobrement le rapport.
Celui-ci préconise également de donner à la Commission de déontologie le statut d'autorité administrative indépendante, au même titre que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée du contrôle des élus et de leurs collaborateurs. Il recommande en outre de fusionner les deux instances - en maintenant deux collèges distincts - afin d'assurer une meilleure cohérence des dispositifs.
Par ailleurs, d'autres propositions touchent plus directement l'ensemble des fonctionnaires, comme la systématisation de l'entretien déontologique avec le responsable hiérarchique à chaque prise de poste. Une disposition qui existe déjà dans certaines administrations, comme au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes.
Olivier Marleix et Fabien Matras envisagent, suite à ce rapport, de déposer une proposition de loi commune.

AFP
 

Les principales propositions de la mission d'information

Améliorer le suivi statistique
• Étoffer l’appareil statistique en matière de connaissance des allers-retours des agents publics avec le secteur privé (proposition n° 1).

Mieux former pour mieux prévenir
• Renforcer les modules de formation continue dans le domaine de la déontologie au sein des trois versants de la fonction publique, en utilisant à cette fin le compte de formation professionnelle des fonctionnaires prévu par le décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 et en vérifiant l’acquisition de connaissances minimales dans le cadre de leur bilan de compétences (proposition n° 2) ;
• Rendre obligatoire une formation initiale préalable pour les référents déontologues (proposition n° 4) ;
• À la prise d’un poste, systématiser l’entretien déontologique avec le responsable hiérarchique. Le renouveler chaque année lors de l’entretien d’évaluation (proposition n° 10).

Diffuser une culture déontologique
•Diffuser une charte de la déontologie de l’agent public synthétisant en langage courant, illustrées par quelques cas-types, les obligations attachées au statut – (proposition n° 7) ;
• Créer une plateforme d’échanges pour les référents déontologues de toutes les fonctions publiques animée par la HATVP et la commission de déontologie (proposition n° 5) ;
• Impliquer davantage les associations d’anciens élèves fonctionnaires, ainsi que les syndicats regroupant les agents publics, dans la diffusion d’une culture déontologique et la remontée d’informations en ce domaine (proposition n° 3).

Développer la transparence et les contrôles
• Dans le respect de la vie privée des agents, rendre publics les avis de la commission de déontologie (proposition n° 8) ;
• Contrôler dans la durée le respect des réserves émises par la commission de déontologie, au travers d’une interrogation annuelle des personnes concernées et de leurs employeurs par la commission. L’absence de réponse à cette demande serait passible de sanctions administratives et pénales et entraînerait la saisine du parquet par la commission de déontologie (proposition n° 9) ;
• Prévoir un avis de la commission de déontologie préalable à la nomination à une fonction d’autorité d’un agent revenant dans la fonction publique après une expérience dans le secteur privé (proposition n° 11) ;
• Harmoniser et clarifier les modes de calcul de la "pantoufle" (proposition n °13) ;
• Systé́matiser la demande de remboursement de la "pantoufle" et assurer un suivi de ces demandes pour toutes les fonctions publiques (proposition n° 12) ;
• Revenir sur l’article 1er du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts (proposition n° 6).

Renforcer les moyens des organes de contrôle
• Renforcer les moyens humains de la commission de déontologie de la fonction publique (proposition n° 14) ;
• Assurer une totale indépendance de la commission de déontologie en lui donnant le statut d’autorité administrative indépendante et en la fusionnant avec la HATVP, avec deux collèges distincts (proposition n° 15) ;
• Attribuer à la nouvelle autorité chargée de la déontologie des fonctionnaires les pouvoirs d’injonction de la HATVP, l’absence de réponse à ces injonctions constituant une infraction pénale (proposition n° 16).

Extrait du rapport, repris par l'AEF
 

 

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