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Etrangers sans papiers - Polémique autour de l'amendement limitant la durée du séjour en CHRS

Si elle monopolise l'attention, la mise en place de tests ADN dans le cadre de la procédure de regroupement familial n'est cependant pas la seule disposition du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile qui suscite une contestation. Passé inaperçu lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, un autre amendement - devenu l'article 21 (nouveau) du texte examiné par le Sénat du 2 au 4 octobre 2007 - commence lui aussi à entraîner une large mobilisation. Cet amendement modifie l'article 4 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (Dalo). La rédaction actuelle de cet article prévoit que "toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptée à sa situation". L'amendement litigieux prévoit d'ajouter, après le mot "souhaite", les mots "et qu'elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat". Présenté par Thierry Mariani - député du Vaucluse et rapporteur de la commission des lois - le texte se veut un amendement de cohérence avec la loi Dalo, dont l'article 1er soumet le bénéfice du droit au logement opposable à une condition de régularité et de permanence du séjour. L'auteur de l'amendement a par ailleurs pris soin de préciser que "le droit pour toute personne présente en France de bénéficier d'un hébergement de très courte durée (par exemple pendant l'application du plan d'urgence hivernale) n'est pas mis en cause". Si elle a proposé le retrait de l'amendement sur les tests ADN, la commission des lois du Sénat n'a d'ailleurs pas modifié celui sur les CHRS, en confirmant que "le texte adopté par l'Assemblée ne remet pas en cause le droit reconnu à toute personne en difficulté d'être accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence", mais que le droit au maintien dans un CHRS prévu par l'article 4 de la loi Dalo ne peut être constitutif d'un droit au maintien sur le territoire national pour les étrangers en situation irrégulière.
Ces arguments juridiques n'ont pas convaincu les associations. Emmaüs, la Cimade et la Fédération nationale des associations de réadaptation sociale (Fnars) avaient pris les devants dès le 27 septembre, en demandant aux sénateurs d'abandonner cet amendement, "en rupture avec toutes les traditions d'accueil de la société française". Elles ont été rejointes par Médecins du Monde, la Fondation Abbé-Pierre et les Enfants de Don Quichotte. L'Association nationale des assistants de service social (Anas) a réagi à son tour en publiant, le 30 septembre, un communiqué invitant "les sénateurs à éliminer une discrimination honteuse et dangereuse".
La solution pourrait venir d'un amendement déposé par quelques sénateurs des groupes UMP, RDSE et non-inscrits. Sans remettre en cause l'amendement de l'Assemblée, ils proposent d'y ajouter la précision que "les structures d'hébergement ne sont pas contraintes d'apprécier ou de contrôler la régularité de la situation des personnes qu'elles accueillent", évitant ainsi à leurs responsables d'"endosser cette responsabilité qui relève in fine des autorités administratives compétentes".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 19 septembre 2007, en discussion au Sénat du 2 au 4 octobre 2007).

 

Christine Boutin défend l'amendement

La ministre du Logement et de la Ville - a pris la défense de l'amendement, en soulignant dans un communiqué du 3 octobre qu'"il importe de distinguer deux cas de figure très différents entre lesquels une confusion volontaire est entretenue". Elle fait notamment valoir que "les principes de la loi Dalo, fondés sur la continuité de l'accueil et devant déboucher à terme sur une solution de logement définitif, qui ne peuvent s'appliquer à l'évidence qu'aux personnes en situation régulière". Mais dans le même temps, "les principes humanitaires [...] conduisent à accueillir dans une structure d'hébergement d'urgence toute personne sans abri, quel que soit son statut, aussi longtemps que les circonstances l'exigent". Christine Boutin en conclut que l'amendement litigieux "ne fait naturellement pas obstacle à la mise en œuvre de ces principes relevant des simples exigences de la dignité de tout homme ou femme".