Police et gendarmerie nationales confrontées à l’attrait des polices municipales

"Les polices municipales […] attirent de plus en plus de policiers et gendarmes dont la formation a déjà été prise en charge", observe la Cour des comptes – citant les responsables de programme – dans son analyse de l’exécution budgétaire 2022 de la mission "sécurités" qu’elle vient de publier. La rue Cambon y pointe "le déficit d’attractivité et de fidélisation" des forces de l’ordre, qui devient critique. "La gendarmerie nationale doit renouveler 15% de ses personnels chaque année seulement pour compenser les départs", note la Cour. Une hémorragie qui "ne s’explique pas par les départs en retraite, globalement stables sur la période", mais par "l’augmentation des détachements dans d’autres administrations". Sans changement, le siphonnage ne semble pas prêt de se tarir, notamment compte tenu des besoins des polices municipales. La Cour des comptes rapporte que "la gendarmerie nationale évalue à 7.500 personnels les besoins de recrutement" de ces dernières d’ici 2026. Un nombre conséquent, mais qui reste loin des 11.000 agents évoqués par les villes elles-mêmes (voir notre entretien avec Nathalie Koenders du 27 mars).

Pour la gendarmerie et la police nationales, les "difficultés de recrutement" sont telles que la Cour constate une "sous-exécution des dépenses de masse salariale de plus en plus récurrente" et ce, en dépit cette année de la hausse du point d’indice et du relèvement des planchers de rémunération (Smic en particulier). Autre conséquence, moins positive : "Pour répondre à l’objectif politique d’un ‘recrutement massif de policiers et de gendarmes’, les responsables de programme sont contraints de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d’autant que les viviers de recrutement s’assèchent peu à peu". Des phénomènes qui n’épargnent pas les polices municipales, comme l’a récemment observé France urbaine (voir notre interview précitée).

On rappellera que deux décrets du 11 octobre 2020 ont récemment facilité le détachement des forces de l’ordre dans la police municipale (voir notre article du 12 octobre 2020), au grand dam des policiers municipaux (voir notre article du 6 juillet 2020). Les polices municipales ne sont toutefois pas seules en cause. La Cour note ainsi que les forces de l’ordre "entrent en concurrence avec d’autres recruteurs" encore, comme "les sapeurs-pompiers, la sécurité privée et les forces armées, tous amenés à croître dans les prochaines années".