Politique de cohésion post-2027 : les manœuvres continuent
Dans une lettre commune, François Rebsamen et Carole Delga ont adressé au vice-président de la Commission européenne Raffaele Fitto leurs propositions relatives à la politique de cohésion post-2027, alors que la Commission doit dévoiler sous peu son projet de cadre financier pluriannuel 2028-2034. Ils y réaffirment clairement "le rôle essentiel des régions dans l'élaboration, la mise en œuvre et la gestion de la politique de cohésion". Si la Commission entend toujours s'inspirer de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) pour mettre en musique la prochaine programmation, sa position semble néanmoins évoluer, notamment sur le "plan national unique" tant redouté.

© Régions de France et European Union / Nuno Rodrigues CC BY-NC-SA 2.0
Alors que la Commission européenne doit présenter sous peu sa proposition de cadre financier pluriannuel 2028-2034, les différentes parties prenantes tentent toujours de peser sur ses choix. Le ministre de l'Aménagement du territoire, François Rebsamen, et la présidente de Régions de France, Carole Delga, viennent ainsi d'adresser, ce 13 mai, un courrier commun, que Localtis s'est procuré, au vice-président de la Commission européenne Raffaele Fitto pour lui faire part de leurs "réflexions, propositions et attentes" pour "une gouvernance renouvelée de la politique de cohésion après 2027".
Un cadre national coordonnant État et régions
Leur position tient en six "points essentiels", la plupart relatifs au "plan national unique", liant réformes et investissements, que la Commission entend mettre en œuvre, en s'inspirant des plans nationaux de relance et de résilience (lire notre article du 17 février). Un plan dont beaucoup redoutent qu'il ne soit placé qu'à la seule main des États membres, entraînant ainsi la recentralisation de la politique de cohésion et risquant en outre de diluer cette dernière au profit d'autre priorités qui, pis, pourraient être de court terme.
Hostiles à une telle évolution, les signataires plaident pour un "cadre stratégique national de coordination" qui "intègre les politiques nationales, régionales et locales contribuant à la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que les autres instruments de l'Union", qui offre "une vision de long terme, élaborée et partagée entre l'État et les régions", et qui "articule les priorités européennes, nationales et régionales". Ce cadre devrait en outre se décliner "dans un document programmatique propre au niveau régional", tenant compte des "spécificités territoriales". Dans le cas où le modèle, fondé sur la "performance", de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) serait retenu, ils demandent également à ce que les cibles et jalons définis tiennent "compte des compétences et prérogatives régionales". De manière plus large, ils réaffirment le "rôle essentiel des régions dans l'élaboration, la mise en œuvre et la gestion de la politique de cohésion" et recommandent une gouvernance bipartite "associant l'État et les régions dans un dialogue structuré avec la Commission pour l'élaboration, le pilotage et le suivi de la planification stratégique".
Financements non liés aux coûts et Interreg
Les signataires semblent par ailleurs voir d'un bon œil la perspective d'un financement qui serait désormais non lié aux coûts, y voyant "un levier de simplification". À la condition toutefois, insistent-ils, "d'éviter toute juxtaposition" de ce nouveau modèle avec l'ancien. Un dispositif "ceintures et bretelles" qui n'a toutefois rien d'improbable (lire notre entretien du 29 avril).
Ils conjurent enfin la Commission de conserver l'autonomie des programmes de coopération territoriale européenne Interreg, "programmes ad hoc relevant de la gestion partagée".
Parlement européen et Comité des régions à la rescousse
À Strasbourg et Bruxelles, on continue également de ferrailler pour forcer la Commission à changer ses plans. Dans une résolution sur le prochain cadre financier pluriannuel, adoptée le 7 mai dernier, les députés européens s'opposent ainsi fermement "à l'approche de 'plan national unique par État membre' telle qu'envisagée par la Commission et calquée sur la FRR", considérant que la "gestion partagée des dépenses après 2027" devra à la fois préserver pleinement le rôle du Parlement et "être conçue et mise en œuvre grâce à une étroite collaboration avec les autorités locales et régionales et avec tous les acteurs concernés". "Une politique de cohésion modernisée doit suivre une approche de gouvernance décentralisée, territorialisée et à plusieurs niveaux et reposer sur le principe de la gestion partagée et du partenariat, en assurant la participation pleine et entière des autorités locales et régionales et des parties prenantes concernées", insistent-ils.
Ladite approche de la Commission semble d'ailleurs évoluer. Intervenant lors des débats précédant le vote de cette résolution, le commissaire chargé du budget, Piotr Serafin, a ainsi déclaré "qu'au lieu de parler de 'plan national unique', nous devrions plutôt parler de 'plans de partenariat nationaux et régionaux". "Il pourrait effectivement s'agir d'un progrès important, si nous impliquons réellement les autorités régionales dans le processus de négociation", s'est empressé de déclarer Vasco Alves Cordeiro, président de la commission COTER du Comité européen des régions. Un Comité qui devait par ailleurs voter ce 15 mai une "résolution d'urgence" sur l'examen à mi-parcours de la politique de cohésion (lire notre article du 2 avril), qui a lui aussi beaucoup de mal à passer.