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Rythmes scolaires - Pour l'Education nationale, le périscolaire ce n'est pas son affaire (financière)

Si la réforme des rythmes scolaires a pour conséquence d'augmenter l'offre des activités périscolaires, ce n'est pas l'affaire de l'Education nationale. Si d'aucuns en doutaient encore, l'audition du directeur des affaires financières du ministère finira de les convaincre. Et cela risque de faire du monde : un peu plus de quatre instituteurs sur dix feraient grève, jeudi 5 décembre, selon les estimations du SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire, qui a appelé à une mobilisation nationale notamment contre une réforme "mal fichue".

"Ce n'est pas notre métier, le périscolaire", a fini par lâcher Guillaume Gaubert, directeur des affaires financières du ministère de l'Education nationale et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le 3 décembre, auditionné par la mission d'information sur la réforme des rythmes scolaires du Sénat. De quoi expliquer comment la répartition du fonds d'amorçage a été définie, pourquoi sa pérennité n'est pas envisagée, et pourquoi toutes les communes en bénéficieront, même celles qui ne mettraient pas en place d'activités périscolaires !

Les élus n'ont pas été entendus, "faute de temps"

A une question de la rapporteure (PS) Françoise Cartron sur la méthode ayant permis d'établir le montant du fonds d'amorçage pour la rentrée scolaire 2013-2014 et si les élus locaux avaient été consultés, Guillaume Gaubert a répondu avec une franchise déconcertante.
Non, les élus n'ont pas été entendus, "faute de temps". Non, la question du coût des transports scolaires n'a pas été prise en compte car il serait impossible de les évaluer.
"Nous sommes partis de l'enveloppe annoncée par le président de la République au congrès des maires 2012", explique le DAF, ajoutant que l'aide issue du fonds d'amorçage est "une aide forfaitaire qui n'a pas vocation à couvrir des coûts". Une fois l'enveloppe donnée, "nous avons travaillé aux critères de répartition entre communes pour différencier le montant de l'aide, et nous avons opté pour la capacité financière des communes". D'où le régime d'aides suivant (reconduit pour l'année scolaire 2014-2015) : 50 euros par an et par enfant pour toutes les communes, avec un supplément de 40 euros pour les communes des départements d'outre-mer et les communes éligibles à la DSU-cible ou à la DSR-cible.

"Il n'y a pas de vérité comptable"

Avec les 45 euros de la CAF, on se rapproche certes des 150 euros par an et par enfant estimés par l'Association des maires de France. "Une évaluation mal faite, qui ne correspond pas à la réalité", tranche la présidente de la commission, l'UMP Catherine Troendle, observant qu'en Alsace le coût va jusqu'à 450 euros. "C'est vrai", concède sa voisine Françoise Cartron, observant quant à elle, sur l'agglomération de Bordeaux, des disparités de coûts allant de 45 à 200 euros par enfant et par an.
Il est "difficile de traduire le coût par élève et par an", explique Guillaume Gaubert. Selon lui, d'ailleurs, "il n'y a pas de vérité comptable" en la matière. Il identifie plusieurs éléments qui font passer du simple au quadruple le coût des activités périscolaires par enfant et par an. D'abord le niveau de rémunérations des intervenants. "Quand chez moi des personnes âgées apprennent à coudre à des petites filles, cela me coûte zéro euro", témoigne François Fortassin, sénateur (RDSE) des Hautes-Pyrénées. "Une Atsem en sous-service à qui on demande une heure de plus représente un coût marginal inférieur à un animateur que l'on recrute", explique également Guillaume Gaubert, citant les chiffres de l'Insee : le coût unitaire d'un animateur est de 16,86 euros. Mais celui-ci fait varier le coût par enfant selon le taux d'encadrement (cela va de 182 euros par enfant et par an pour un taux d'encadrement de 1 animateur pour 10 enfants, à 130 euros pour un taux de 1 pour 14, à 101 euros pour un taux de 1 pour 18).

Il faudra voir ça avec les CAF…

Et à l'avenir, pense-t-il prendre en compte la question des transports scolaires, des écoles en regroupement pédagogique intercommunal (pour lesquelles l'aide en fonction du nombre d'enfants n'a pas de sens), des communes qui partent de rien en matière de périscolaire (comparativement à celles qui en développent depuis 20 ans) ? Pas plus, semble-t-il. "Nous n'avons pas l'habitude de discuter dans le détail", répond Guillaume Gaubert, conseillant de voir "avec les CAF"…
Car sur la pérennisation du fonds d'amorçage, il entend bien faire comprendre que ce n'est pas à l'actualité du ministère de l'Education nationale. Mais s'il assure que lui n'a entrepris aucune simulation, il laisse toutefois entendre que, peut-être, d'autres ministères y travailleraient… "On en est tout juste à la reconduction du fonds pour l'année 2014-2015", déclare-t-il. Pour le mode de financement de la partie 2015, "c'est ouvert", a-t-il confié, alors que le besoin de décaissement du fonds d'amorçage pour l'année 2015 est tout de même évalué à 286,3 millions d'euros !

515 millions d'euros de fonds d'amorçage en deux ans

En tout, sur les deux années scolaires 2013-2014 et 2014-2015, le fonds d'amorçage devrait décaisser environ 515 millions d'euros : 28,2 millions d'euros en 2013, 199,6 millions d'euros en 2014 et les fameux 286,3 millions en 2015. Avec les 102,7 millions d'euros inscrits au PLF 2014 (voir notre article ci-contre du 6 novembre 2013) et les 62 millions d'euros prévus dans la COG 2013-2017 de la Cnaf (voir notre article du 17 juillet 2013), il reste 30 millions d'euros "à trouver" pour 2014, calcule Guillaume Gaubert, estimant toutefois que "ce n'est pas un ordre de grandeur inhabituel" dans un budget de 3 milliards d'euros.
Après l'audition de Guillaume Gaubert, a suivi celle du pédopsychiatre Marcel Rufo. "Estime de soi des enfants dès la maternelle", "trésor national que sont les instituteurs à la retraite", "trésor absolu de compétences chez les Atsem", "désir d'école", "alliance" de l'école et des collectivités… Un tout autre genre, bien plus vendeur.