Premier coup de pioche pour le projet de loi Logements abordables

Le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, présenté en conseil des ministres ce 3 mai, s'appuie sur quatre axes : donner de nouveaux outils aux élus locaux pour construire, simplifier les procédures, augmenter les ressources des bailleurs sociaux et faciliter l'accès des Français au logement.

Annoncé par le prédécesseur de Guillaume Kasbarian au ministère du Logement, le projet de loi qui devait à l'origine traiter de la décentralisation de la politique de logement a été remodelé au regard de la crise du secteur pour viser le développement de l'offre de logements abordables. Il traduit l'objectif de "choc d'offre" fixé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. 

Le texte contient d'ailleurs les deux mesures phares annoncées par Gabriel Attal à cette occasion. Tout d'abord, la possible intégration du logement locatif intermédiaire (LLI) dans les objectifs de construction de logements sociaux de la loi Solidarité et Renouvellement urbains (SRU) (article 1). Celle-ci est limitée aux communes ayant déjà 10 ou 15% de logements sociaux et plafonnée à 25% de LLI dans les objectifs triennaux. Le gouvernement a fixé comme objectif la production de 75.000 LLI d'ici à 2027.

La seconde est de donner aux maires la responsabilité d'attribuer les logements sociaux neufs (article 2), un objet inspiré en partie d'une proposition de loi de Sophie Primas en cours d'examen au Parlement. Le maire disposera aussi d'un droit de veto, qui devra être motivé, sur les propositions des réservataires sur son contingent.

Extension du droit de préemption urbain

Parmi les autres mesures intéressant directement les collectivités locales, l'article 3 instaure un droit de préemption urbain pour "concourir à la régulation des marchés fonciers et immobiliers", indique l'étude d'impact du projet de loi. Autorisée pour sept ans, cette faculté nouvelle est conditionnée à la délimitation préalable de secteurs concernés, au constat d’un "prix excessif" et à une obligation de cession dans un délai de cinq ans, seulement à certains bénéficiaires. Les établissements publics fonciers et d'aménagement pourraient se voir déléguer ce droit. Cette extension du droit de préemption avait notamment été demandée dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) logement en juin 2023. 

Il est également prévu de faciliter la mobilisation des zones d’aménagement différé (ZAD) en prévoyant un délai de dix ans – au lieu de six – dans toutes les situations, et non plus seulement dans le cadre des grandes opérations d'urbanisme (GOU) et des opérations d'intérêt national (OIN).

À des fins de "simplification administrative", l'article 4 raccourcit à un mois le délai dans lequel le recours gracieux peut être introduit et dans lequel l’autorité administrative peut répondre (un mois aussi). Il met également fin au caractère suspensif du recours gracieux. De plus, l’urgence sera désormais présumée dans le cas d’un recours en référé-suspension à l’encontre d’une autorisation d’occupation du sol.

Densifier le pavillonnaire

Afin de permettre une "densification douce" dans les zones pavillonnaires (article 5), le texte prévoit, d'une part, la création d’une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) spécifique dédiée pour favoriser l’évolution, la requalification du bâti existant, l’optimisation de l’utilisation de l’espace ou la mixité fonctionnelle des secteurs constitués exclusivement ou quasi exclusivement d’habitat individuel et des zones d’activités économiques. D'autre part, un outil d’aménagement opérationnel dans le code de l’urbanisme, baptisé "opération de renouvellement urbain", dont l’objet principal est d’assurer la réalisation de l’OAP évoquée précédemment. Un abaissement des règles de majorité qualifiée dans les secteurs de lotissement pour demander ou accepter la modification de l'ensemble des règles de celui-ci est également mis en œuvre.

Aujourd'hui possible dans le cadre des projets partenariaux d'aménagement (PPA) et des opérations de revitalisation du territoire (ORT), le permis d'aménager multisite pourrait être généralisé (article 6), sous réserve de respecter les conditions suivantes : la demande doit être déposée par un demandeur unique, le projet doit constituer un "ensemble unique ayant un lien et fonctionnel" et l’unité architecturale et paysagère du site doit être préservée.

Nouvelles marges de manœuvres pour les bailleurs

Le reste du projet de loi regroupe des dispositions destinées aux bailleurs sociaux (article 7 à 14) afin notamment de doubler le nombre de LLI qu'ils peuvent détenir, de permettre d'augmenter les loyers à la relocation ou de mettre en place des surloyers dès le premier euro de dépassement des plafonds (alors qu'aujourd'hui il faut dépasser de 20 %) - voir nos article en lien ci-dessous. Des mesures visent aussi à augmenter la mobilité dans le parc social et à faciliter l'accès des travailleurs à ces logements. Enfin, les maires pourront se voir confier la responsabilité d'autoriser la vente directe aux locataires de logements sociaux, en supprimant les autorisations préfectorales. 

Dans le cadre de la préparation du texte, un article était prévu afin d'autoriser la revente par les bailleurs de l’ensemble des logements intermédiaires à compter de la onzième année, alors qu'un plafond de 50% est fixé aujourd'hui. Il a été retiré compte tenu des implications fiscales, mais la volonté de légiférer sur ce point est maintenue et devrait être discutée dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Le texte repose sur "trois convictions", a résumé ce 3 mai Guillaume Kasbarian à l'issue du Conseil des ministres qui lui était entièrement dédié : "construire plus et plus vite", "construire tous les types de logements" (sociaux, intermédiaires, libres) et "faire confiance aux acteurs de terrain", raison pour laquelle "aucune contrainte nouvelle pour les élus locaux n'est contenue dans le projet de loi".

Le projet de loi a été "largement concerté avec les associations d'élus, les acteurs du logement social (...) et une centaine de parlementaires", a fait valoir le ministre. Il doit être examiné à la mi-juin au Sénat puis à la rentrée à l'Assemblée nationale. Guillaume Kasbarian dit aborder la discussion parlementaire "dans un esprit d'ouverture et de coconstruction" : "Tout ce qui permettra aux sénateurs et aux députés de renforcer le choc d'offre trouvera bien sa place dans ce projet de loi", a-t-il assuré.

Plusieurs organisations réaffirment leur opposition à l'article 1

Le jour de la présentation du projet de loi logements abordables en conseil des ministres, la Fédération des acteurs de la solidarité, l'Union sociale pour l'habitat (USH) et la fondation Abbé-Pierre ont répété collectivement leur opposition à l'intégration des logements locatifs intermédiaires dans les objectifs de la loi SRU. Cette disposition, qualifiée de "mauvais signal", "dénature l’esprit de la loi SRU", estiment ces organisations. "Substituer du logement intermédiaire au logement social revient à faire reculer les chances des classes populaires et moyennes fragilisées d’accéder à un logement décent", font-elles valoir.