Programmation de l’énergie : la proposition de loi "Gremillet" adoptée dans le plus grand flou en commission à l’Assemblée
Les députés ont examiné en commission des affaires économiques la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet (Grand Est/LR) de programmation de l’énergie, déjà entérinée par la Chambre haute en octobre dernier (lire notre article). C’est toutefois une version complètement remaniée, et notamment amputée de son volet nucléaire, qui a été adoptée par la commission ce 4 juin, à l’issue de trois jours de discussions. Le rapporteur, et ancien ministre de l’Economie, Antoine Armand (Haute-Savoie/EPR), qui co-préside au côté de Daniel Gremillet, un groupe de travail sur la politique énergétique à la demande du Premier ministre, a déploré sur X le rejet de l’article 3 sur le nucléaire par un vote commun du RN et du NFP à gauche, et ce bien que les uns et les autres soient porteurs de visions diamétralement opposées sur la relance de l’atome.
Le texte censé constituer un socle pour le décret fixant la feuille de route énergétique de la France, la fameuse programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) attendue d'ici la fin de l’été, ne détermine pas davantage la part des énergies renouvelables à atteindre, au grand dam de la gauche. Quelques amendements disparates fixent malgré tout des objectifs pour l'éolien en mer (18 gigawatts à horizon 2035) et le développement de l'énergie hydrolienne (250 mégawatts en 2035, et au moins 5 gigawatts en 2050) ou encouragent la production et la consommation d’énergie de chaleur à partir de biomasse solide. Sur le photovoltaïque, l’objectif d’atteinte d'une capacité installée d’au moins 50 gigawatts à l’horizon 2030 a en revanche été supprimé par un amendement du RN. Le rapporteur a quant à lui porté un amendement mentionnant "un objectif d’au moins 58% d’énergie décarbonée dans la consommation finale brute d’énergie en 2030", comme l’avait déjà proposé le Sénat, plutôt qu’un objectif portant sur les seules énergies renouvelables.
Les députés des différents bords restent donc sur leur faim… Il faut dire que le passage en commission aura globalement semé la confusion, et les débats dans l'hémicycle la semaine du 16 juin - dont la durée a été programmée à quarante heures à la demande de LFI - promettent d’être tout aussi chaotiques. Ce texte "n'a plus ni queue, ni tête", selon les mots du député Liot Joël Bruneau. Antoine Armand estime de son côté que l’examen en séance "peut encore permettre de rétablir les fondamentaux de notre souveraineté énergétique". Il s’était d’ailleurs fixé une méthode : "simplifier le texte, retirer, par le consensus, les dispositions inadaptées ou excessivement clivantes et recentrer les débats sur les priorités énergétiques de la France". La totalité du titre II dédié à la simplification des normes applicables aux projets d'énergie et d'hydrogène, nucléaires comme renouvelables en aura fait les frais. Le chapitre visant à accroître la participation des collectivités territoriales à la transition énergétique qui en faisait partie a donc lui aussi été retranché du texte.
L’objectif relatif au niveau annuel des économies d’énergie a par ailleurs été revu à la baisse : avec une fourchette entre 825 et 1.750 térawattheures cumulés actualisés de 2026 à 2030 et entre 825 et 2.250 térawattheures cumulés actualisés de 2031 à 2035. La réalisation de 380.000 rénovations énergétiques performantes par an a été inscrite dans le texte par un amendement des écologistes. D’autres victoires sont à comptabiliser par la gauche de l’hémicycle, comme le rétablissement du statut d'EDF en un établissement public industriel et commercial ou encore le rétablissement des tarifs réglementés de vente de gaz.