PLF 2023 et "pacte de confiance" : les élus locaux ne sont guère convaincus

Les orientations en matière de finances locales inscrites dans le projet de loi de finances pour 2023 et dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ont suscité "déception" et "inquiétude" chez les élus locaux membres du comité des finances locales (CFL). En cause, notamment : la confirmation de la suppression de la CVAE, l'absence d'indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation et l'encadrement à venir des dépenses de fonctionnement des collectivités. Le président du CFL, André Laignel, a précisé à la presse pourquoi ces mesures ne passent pas.

Le président du comité des finances locales (CFL) a décerné le 26 septembre une piètre note au projet de loi de finances (PLF) pour 2023, qu'il a jugé "globalement calamiteux". Ce projet de budget est "probablement l’un des plus problématiques de ces dernières années", a dénoncé André Laignel (Soc) au cours d'une conférence de presse. Il a aussi considéré que le texte met en place des "instruments de recentralisation" qui "amplifient le recul de l'autonomie fiscale et financière".

Le maire d'Issoudun sortait d'une réunion du CFL, qui s'est tenue en présence du ministre délégué chargé des comptes publics et de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales. Gabriel Attal et Caroline Cayeux étaient venus présenter, à l'issue du conseil des ministres, les grandes orientations en matière de finances locales.

"La méthode a changé en bien. On a eu une écoute", a toutefois reconnu le maire d'Issoudun. Une allusion à la série de rendez-vous que les associations d'élus locaux ont eu durant l'été avec les ministres en charge des territoires et au cours desquels elles ont fait connaître leurs préoccupations et propositions. Un temps de dialogue qui, toutefois, ne leur a pas permis de se faire entendre, a pointé André Laignel.

"Cadeau au Medef"

La suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, 8 milliards d'euros) qui figure dans le PLF, "va à l’encontre d’une politique nationale intelligente de réindustrialisation de nos territoires", a critiqué le président du CFL. Il a redit la ferme opposition des élus locaux à ce qu'il a qualifié de "cadeau au Medef" et a appelé les parlementaires à mettre leur veto. Dans l'hypothèse où néanmoins le Parlement ne suivrait pas cette voie, le CFL propose que les entreprises bénéficient d'un dégrèvement. La proposition est sur la table. Mais pour le moment, elle n'a pas convaincu le gouvernement, qui persiste à vouloir supprimer la taxe.

Le bloc communal et les départements bénéficieraient, en compensation, d'une part de TVA, dont la croissance serait répartie en fonction de critères qui ne sont pas définitivement arrêtés (pour le moment le gouvernement penche pour les valeurs locatives servant d'assiette à la cotisation foncière des entreprises). Sur le principe, la dynamique de la taxe serait donc "territorialisée", comme le demandaient des associations d'élus locaux (France urbaine et Intercommunalités de France). Mais le critère envisagé par le gouvernement "entraînerait au niveau de chacune des communes des distorsions qui pourraient être relativement importantes", a critiqué André Laignel, en citant des simulations de l'Association des maires de France (AMF). Au vu du produit de CVAE aujourd'hui perçu par ses collectivités et du schéma envisagé par Bercy, une région comme le Grand Est pourrait passer de la quatrième à la septième place au rang des régions bénéficiaires.

"Recul sans précédent des moyens des collectivités"

À l'inverse de la suppression de la CVAE, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation, demandée par plusieurs associations, dont l'AMF, n'est pas au programme de ce PLF. Le gouvernement a toutefois consenti une hausse de la principale dotation aux collectivités, "la première depuis 13 ans", comme l'a fait savoir la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, dans un tweet. Avec une enveloppe complémentaire de 210 millions d'euros qui est annoncée (et non encore inscrite dans le PLF), "70% des communes verront leur dotation maintenue ou augmentée", selon Caroline Cayeux. Un progrès, puisqu'en 2022, seulement 51,5% des communes se trouvent dans ce cas. Selon les informations communiquées au CFL, ce "crédit complémentaire" permettrait de "limiter" en 2023 "l'écrêtement" que la dotation forfaitaire des communes doit subir pour financer la progression des dotations de péréquation et de la part des dotations liée à la croissance démographique.

André Laignel a critiqué un "mini-geste (…) présenté comme un cadeau", alors qu'il signe en réalité un "recul sans précédent des moyens des collectivités". En retenant un taux d'inflation de 7% en 2023 (l'estimation qui figure dans le PLF est de 4,3%, mais le "panier du maire" a tendance à croître plus rapidement que l'indice des prix des dépenses des ménages) et en prenant en compte le coup de pouce donné à la DGF, les communes et leurs groupements enregistreraient l'an prochain un manque à gagner d'un peu plus de 1 milliard d'euros en euros constants par rapport au montant de leur DGF de 2022 (18,4 milliards d'euros).

"Pacte de méfiance"

On notera qu'au-delà de la volonté de garantir individuellement le montant de la DGF pour un nombre plus élevé de communes, le gouvernement a tenté de minorer le moins possible les variables d'ajustement. Dans ce cadre, les parts régionales et départementales de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et de la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale (DTCE) baisseront de 45 millions d'euros (contre 50 millions en 2022). Indispensables dans le cadre de "l'enveloppe normée", ces ponctions permettent notamment de compenser le dynamisme des compensations d’exonérations fiscales.

C'est notamment au regard de ces perspectives concernant les concours financiers de l'État aux collectivités que le président du CFL a jugé "le pacte de confiance" que le gouvernement a inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) 2023-2027. "Si on continue à avoir une accélération de l’inflation [le panier du maire, NDLR] et la contraction des recettes, comment voulez-vous qu’on tienne le '- 0,5 ?'", a-t-il lancé. André Laignel faisait allusion à la règle selon laquelle les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités devraient évoluer à un rythme inférieur de 0,5 point au taux de l’inflation. Une trajectoire dont l'absence de respect par une catégorie de collectivités pourrait donner lieu à des sanctions, telles que, pour les collectivités prises en défaut, la fin de l'accès aux subventions d'investissement octroyées par l'État. André Laignel a jugé la sanction en contradiction avec l'injonction qui est faite aux collectivités de parvenir à économiser en fonctionnement pour pouvoir ensuite investir. "L'État considère les budgets des collectivités comme des budgets annexes de celui de l’État, ce n’est pas acceptable", a encore déclaré André Laignel, en fustigeant le "pacte de méfiance" voulu par le gouvernement.

Report de la mise à jour des valeurs locatives professionnelles

Il est tout de même un point sur lequel le CFL a été entendu : le report d'un an de l'entrée en vigueur de l'actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels. "Il nous a été confirmé que le délai d’un an serait acté", a indiqué André Laignel. L'élu a indiqué que le CFL avait "alerté" sur le sujet il y a déjà plusieurs mois. "Toutes les simulations qui nous remontent du terrain démontrent qu’il y aurait un vaste transfert entre les commerces de centre-ville qui seraient durement pénalisés et les grandes surfaces périphériques, qui seraient très grandement avantagées", a-t-il expliqué.

Après le président du CFL, plusieurs associations d'élus locaux (Départements de France, Intercommunalités de France, Villes de France, Association des petites villes de France) ont officiellement réagi à la présentation du PLF 2023. Point commun de trois de ces réactions : l'insatisfaction concernant la non-indexation de la DGF sur l'inflation. Les 210 millions d'euros de crédits supplémentaires annoncés ne sont pas jugés suffisants. "Nombre de petites villes continueront à voir leur DGF diminuer en 2023, sans que la hausse de leurs dépenses liée à l’inflation, notamment énergétique, ne soient compensées", s'inquiètent les maires de ces communes (APVF).

Des dépenses sur lesquelles les élus locaux "n'ont pas de prise"

Par ailleurs, les élus locaux rejettent toujours en bloc le projet de suppression de la CVAE. Mais Villes de France juge que, "sous réserve de vérification de son impact réel et de garanties sur son évolution à l’avenir", la compensation par une fraction de TVA, en se basant sur les produits des trois derniers exercices, "est un moindre mal". Si Intercommunalités de France considère le "pacte de confiance" avec une relative bienveillance (puisqu'elles le jugent "plus raisonnable et plus étayé par les faits" que le précédent dispositif de maîtrise des dépenses), il n'en est rien des autres associations. Le gouvernement entend poser "les bases d’un nouvel encadrement de leurs dépenses réelles de fonctionnement particulièrement restrictif et bureaucratique", dénoncent les maires de petites villes. Il est "paradoxal de demander aux départements de contraindre une dépense sur laquelle ils n’ont pas de prise", critiquent de leur côté les présidents de ces collectivités. Lesquelles pointent que nombre de dépenses augmentent du fait de décisions prises par l'État, qu'il s'agisse des hausses salariales ou du relèvement des allocations de solidarité.

Désormais, les élus locaux tournent leur regard vers les parlementaires, espérant que ceux-ci entendent leurs demandes. Et l'on ne devrait pas tarder à savoir si, du côté de l'Assemblée nationale, on se montrera sensible aux arguments du monde local : la commission des finances débutera le 4 octobre l'examen du PLF 2023 et du PLPFP 2023-2027.

  • Des précisions de l'entourage de Caroline Cayeux

Au lendemain de la réunion du CFL et suites aux critiques des associations d'élus, le ministère chargé des collectivités a souhaité apporter quelques éléments de réponse.
Sur l'encadrement par l'État des dépenses de fonctionnement des collectivités, il s'agit de privilégier une "logique de confiance collective" plutôt qu'un "contrôle individuel", a souligné ce 27 septembre l'entourage de la ministre Caroline Cayeux dans un entretien à l'AFP. C'est à l'échelle de l'ensemble d'une "strate" (départements, régions ou bloc communal) que sera désormais évalué le respect de l'objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement. Par exemple, "si vous avez un, deux ou plus de départements qui n'ont pas respecté leur objectif, mais qu'à l'échelle des 100 départements l'objectif est tenu, il n'y aura pas de conséquences" pour les plus mauvais élèves, explique-t-on au ministère. Si en fin d'année "le compte n'y est pas à l'échelle d'une strate, on ouvre le capot et on essaie d'identifier les collectivités qui sont responsables du non-respect de l'objectif et il y aura une sanction sur ceux-là uniquement", détaille le ministère.
Celui-ci met par ailleurs en valeur une autre disposition du PLF : pour couvrir l'augmentation des dépenses énergétiques notamment, ainsi que les hausses de salaire de leurs agents, certaines collectivités seront soutenues via le "filet de sécurité" de 430 millions d'euros voté cet été. Le versement de l'aide sera subordonné à deux critères : la situation financière des collectivités au 1er janvier 2022 et la baisse de 25% de leur épargne brute entre 2021 et 2022. Les 430 millions d'euros de crédit ne sont "pas limitatifs", a ajouté le ministère, assurant que "si trois fois plus de communes que prévu doivent être compensées, que ce n'est pas 430 millions, mais un milliard, on versera un milliard".
   Source AFP

 

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