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Projet de loi Énergie-Climat : l'Assemblée vote un compromis sur les logements "passoires thermiques"

Dans le cadre de l'examen en séance du projet de loi Énergie-Climat, les députés ont adopté ce 28 juin un compromis pour favoriser la rénovation des logements "passoires thermiques". Plutôt que des sanctions d'emblée à l'encontre des bailleurs, le dispositif proposé par le gouvernement et la majorité prévoit des mesures progressives.

C'est finalement une riposte graduée qu'ont choisi gouvernement et majorité pour s'attaquer à l'épineux dossier des logements "passoires thermiques" dans le cadre de l'examen en séance du projet de loi Énergie-Climat. Alors que la rénovation de ces logements énergivores, occupés par quelque sept millions de ménages, ne parvient pas à décoller, le programme présidentiel du candidat Macron prévoyait qu'ils seraient "interdit(s) de location à compter de 2025". Et ce, avec la promesse d'une prise en charge au moins temporaire des travaux pour les "propriétaires les plus précaires".
Le projet de loi, porté par le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, n'abordait pas initialement ce sujet. Mais les associations environnementales avaient regretté cette lacune et plaidé pour imposer une obligation de travaux aux propriétaires. Plutôt qu'une interdiction, c'est une proposition surprise qui a été mise sur la table à la faveur d'un amendement en commission : une consignation de 5% maximum du montant du logement, en cas de vente, pour financer les travaux. Face à la pression du secteur immobilier, la mesure a cependant été limitée à une expérimentation dans les zones tendues. D'abord plutôt favorable, sous réserve que le dispositif soit retravaillé, le ministère de la Transition écologique a viré de bord et annoncé une solution alternative qui l'a emporté lors de l'examen du projet de loi en séance ce 28 juin.

Dispositif en trois temps

Au lieu de privilégier des mesures coercitives d'emblée, gouvernement et majorité ont soutenu un dispositif progressif en trois temps, avec l'adoption des articles additionnels à l'article 3.
La première étape consiste en une "phase d’incitations et d’information des propriétaires occupants, propriétaires bailleurs et locataires". À ce stade, il s'agit d’imposer, à compter de 2022, la réalisation d’un audit énergétique en cas de mise en vente ou en location d’un logement classé F ou G au sens du diagnostic de performance énergétique. Cet audit, plus complet, comprendra des propositions de travaux adaptés au logement. En outre, l’information des acquéreurs ou locataires sur ses futures dépenses d’énergie sera renforcée à compter de 2022, en complétant les informations qui doivent être affichées dans le cas d’une vente ou d’une location d’un bien immobilier.
Dans une deuxième phase, le gouvernement introduit "une obligation de travaux visant à assurer une performance énergétique minimale des logements". D’ici au 1er janvier 2028, tous les propriétaires de logements dont la consommation énergétique relève des classes F et G du diagnostic de performance énergétique, devront avoir réalisé des travaux d’amélioration de la performance énergétique, permettant d’atteindre une classe au moins E. Une telle obligation devra prendre en compte les situations particulières de bâtiments pour lesquels l’atteinte de cette performance énergétique n’est pas techniquement possible, ou présente un coût disproportionné, a-t-il été précisé. Pour les copropriétés en difficulté l'échéance est décalée à 2033, d’autres travaux, notamment ceux relatifs à la mise en sécurité, devant être réalisés en priorité. Enfin, la dernière étape correspond aux conséquences du non-respect de l’obligation de performance énergétique, au-delà de 2028 (ou 2033 pour les copropriétés en difficulté). Ces conséquences seront définies par le Parlement en 2023, dans le cadre de la programmation quinquennale de l'énergie créée par la loi Énergie-Climat. "Elles devront tenir compte de la diversité des situations (viser prioritairement les propriétaires bailleurs, tenir compte du cas particulier des copropriétés, etc.)", a précisé le ministère de l'Ecologie dans un communiqué. La convention citoyenne pour le climat composée de 150 citoyens pourra aussi être mise à contribution pour "identifier les types de conséquences du non-respect de cette obligation qui pourraient être socialement acceptables", a encore indiqué le ministère.
"Si notre pays n'est pas au rendez-vous de la rénovation énergétique (...) nous pourrons prendre des mesures plus coercitives", a assuré le rapporteur Anthony Cellier (LREM). Le ministre de la Transition écologique François de Rugy a mis en avant "la constance, la cohérence et le volontarisme dans le temps".


"Vision de bisounours"

L'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho (non inscrite) a elle fustigé "une véritable pantalonnade" : "On est dans une situation d'urgence" et il y a "un choix courageux à faire". "Ce compromis permet d'avancer (...) mais pas suffisamment", a aussi estimé l'ancien "marcheur" Matthieu Orphelin. La socialiste Marie-Noëlle Battistel a tenté en vain de faire interdire notamment la location de certains logements énergivores en 2028. "Encore une fois la majorité préfère la 'com' à l'action en matière d'écologie", selon un communiqué de son groupe. "Il faut arrêter avec l'incitation et procéder à une réglementation avec des sanctions", avait affirmé plus tôt l'Insoumise Mathilde Panot. "Il faut aider, mais il faut punir. Sans l'un et l'autre, on n'y arrivera pas", a estimé le communiste Stéphane Peu, épinglant "une vision de Bisounours" sur le logement. Pour sa part, Julien Aubert (LR), qui s'est abstenu, a salué le compromis mais pointé de possibles failles. Dans un communiqué, la fondation Nicolas-Hulot a regretté "l'absence d'obligation ferme de rénover". L'ONG sera attentive, lors du prochain budget, à ce que "soient actées de nouvelles aides et mesures d'accompagnement immédiat des ménages dans leur travaux".
Localtis reviendra dans une prochaine édition sur les autres dispositions du projet de loi amendées par les députés.
 

 

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